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22 mars 2022 2 22 /03 /mars /2022 11:24

     J'aurais dû mettre un point d'interrogation mais c'est compliqué sur ce site. En effet, on est dans le flou le plus total en ce qui concerne les intentions réelles d'Adolf Poutine. 

 

     Commençons par une évidence parfois oubliée : celui qui déclenche une guerre n'est pas fou. Il est même tout à fait rationnel. Seul problème : sa rationalité à lui n'est pas forcément comprise par ceux qui raisonnent autrement. Autre évidence : quand on part en guerre c'est que l'on pense que l'on va gagner ; si on se persuade de l'inéluctabilité du succès c'est, justement, parce que l'on est rationnel à sa manière. 

 

     Donc Poutine pense gagner la guerre. Certes il se heurte à une résistance farouche que son armée suréquipée n'avait sans doute pas prévue, à des sanctions qui lui font plus mal qu'il ne veut l'admettre et à un isolement diplomatique presque total mais il espère amener Kiev à capituler à plus ou moins long terme. 

 

     Dans quel but ? Officiellement, il s'agit d'une "opération spéciale" pour "dénazifier l'Ukraine". Vu de loin, cela paraît délirant : utiliser des missiles en tout genre pilonner le pays envahi, envoyer des milliers de chars et plus de 100 000 soldats et mercenaires c'est plus qu'une simple "opération". Quant à "dénazifier" le pays, cela peut encore passer auprès des vieux russes qui ont connu l'invasion allemande mais il faut quand même un sérieux bourrage de crâne pour tenter de faire accroire ce discours à quiconque réfléchit dix secondes. 

 

     Donc, Poutine a d'autres idées en tête. Rappelons que l'URSS avait, au temps de la "guerre froide" envahi la Tchécoslovaquie, quasiment sans combat, en 1968 et la Hongrie en 1956 malgré la résistance de quelques soldats et civils. Le mythe des chars soviétiques invincibles est né à ce moment en même temps qu'est morte la fiction du pacifisme de l'URSS. Par contre, en Afghanistan, envahi en 1979, les Soviétiques sont tombés sur un os d'autant que les Américains ne se sont pas privés d'aider les rebelles ; l'URSS a dû quitter le pays 10 ans plus tard. On remarquera que les communistes français avaient soutenu les interventions en Hongrie ("contre les fascistes") et en Afghanistan (contre "le droit de cuissage") mais pas en Tchécoslovaquie. 

 

     Depuis l'éclatement de l'URSS, la Russie a aidé l'Arménie à s'emparer d'une partie de l'Azerbaïdjan (certes peuplée en grande partie d'Arméniens, craignant pour leur survie, et de Kurdes) puis a enlevé deux territoires à la Géorgie sous prétexte d'aider des minorités brimées par la pouvoir local. Elle a annexé la Crimée ukrainienne puis bâti un pont reliant ce territoire au reste de la Russie de telle façon que les bateaux basés dans les ports ukrainiens sur la Mer d'Azov sont quasiment empêchés de sortir.  Elle maintient une armée sur une frange du territoire moldave et soutient à bout de bras les fantoches de l'est de l'Ukraine. Je passe rapidement sur les brèves interventions plus ou moins discrètes dans les pays de l'ex-URSS situés en Asie centrale et - parce que c'est un peu plus complexe - la brutale intervention en Syrie pour soutenir son allié Assad ainsi que les interventions de la milice dirigée par un fasciste (un vrai) en Libye, Centre-Afrique et Mali. Je n'évoque pas la Tchetchénie car il s'agit d'une opération militaire interne. N'empêche que ça fait beaucoup. On voit bien que derrière ces interventions, le but est limpide : rétablir la puissance de feu l'URSS. Soit en grignotant des territoires ; soit en en intervenant dans les affaires intérieures d'anciennes républiques soviétiques ; soit en aidant un allié qui lui fournit des bases militaires stratégiques sur la Méditerranée ; soit en tentant de s'implanter dans d'anciennes colonies occidentales. 

 

     Mais l'Ukraine ? Et pourquoi maintenant ? On a évoqué les "provocations" de l'OTAN ce qui est un prétexte. D'autres pensent que Poutine est inquiet de la progression des idées démocratiques en Biélorussie et en Ukraine ce qui pourrait menacer l'autocratie poutinienne. Je pense qu'il faut aller plus loin. De la même façon que les bolchéviques considéraient que la révolution mondiale devait passer sur le cadavre de la Pologne, Poutine a décidé que l'Ukraine devait cesser d'exister dans sa forme actuelle. Et pas seulement rester neutre. 

 

     Primo : liquider le gouvernement ukrainien. Le mot doit être pris au sens mafieux du terme : il est plus que probable que Zélensky est une cible. On le remplacerait par des séides du Kremlin.  Secundo : découper l'Ukraine en mini Républiques fantoches ayant vocation à demander le rattachement à la Russie : Donetzk et Louhansk à l'est ; Crimée au sud ; République "pontique" (le Pont Euxin est le nom grec de la Mer Noire) le long de la Mer Noire dont toute la rive sud serait au mains des Russes (rappel : une des républiques fantoches issue du dépeçage de la Géorgie - l'Abkhazie - longe la mer Noire) jusqu'à Odessa voire jusqu'au delta du Danube. Kiev aurait un statut particulier et l'Ukraine résiduelle serait démilitarisée. Qu'en pense Mélenchon qui plaide pour une conférence sur les frontières ? 

 

     Peut-on contrecarrer ces plans ? Par principe, il faut refuser toute remise en cause des frontières internationalement reconnues. Il faut, bien évidemment, aider la résistance héroïque des Ukrainiens quel qu'en soit le résultat : tout temps gagné est du temps perdu pour Poutine. Quant à rêver d'un coup d'État le chassant du pouvoir, on peut rêver mais cela ne semble pas encore à l'ordre du jour.

 

     Admettons que Poutine arrive à ses fins. Que va-t-il faire avec un pays ruiné et découpé en morceaux dont la population lui est très hostile ? Ce qui démontre, encore une fois, qu'il ne suffirait pas de gagner militairement mais qu'il faut profiter de la victoire. On a connu tellement de succès par les armes qui se transformaient en échec politique que l'on se dit qu'Adolf est stupide. 

 

     

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7 mars 2022 1 07 /03 /mars /2022 12:03

     Il n'y a pas erreur : je n'ai pas voulu écrire "camping". Certes, les deux mots ont la même racine (camp) mais c'est tout car le campisme est une attitude de politique internationale. 

 

     Pour comprendre la généalogie du mot, il faut remonter à 1864. Cette année-là, est fondée, à Londres, l'Association Internationale des Travailleurs dite plus couramment Internationale. Ce sera la première du nom. Elle vise à regrouper les ouvriers du monde entier mais ses débuts sont modestes ne représentant que quelques dizaines de sections nationales ou locales. Néanmoins que des travailleurs de tous pays puissent s'unir sur des objectifs communs, au-delà des divergences doctrinales est une avancée considérable : "Travailleurs de tous pays, unissez-vous". Plusieurs Congrès ont lieu avant 1870 ; les "Internationaux" dénoncent la guerre franco-prussienne mais l'échec de la Commune en 1871 et des divergences croissantes entre les "marxistes" et les "antiautoritaires" vont entraîner l'éclatement de la première Internationale puis l'échec final. 

 

     La deuxième Internationale, fondée, à Paris, en 1889, est moins diverse puisqu'elle regroupe désormais des partis politiques socialistes, social-démocrates et travaillistes d'Europe mais également du Japon, d'Inde, des États-Unis. En effet, le regroupement est "politique" :  les  syndicats sont mis à l'écart (ils créent un secrétariat syndical international). Plusieurs tendances coexistent encore - ce qui entraîne de grands débats même si les "marxistes" dominent -  car l'Internationale fonctionne selon les principes du fédéralisme. Néanmoins, les anarchistes et anarcho-syndicalistes n'en font pas partie. L'Internationale dénonce les risques de guerre entre les puissances impérialistes capitalistes et en appelle à l'union du prolétariat mondial en criant "Guerre à la guerre".

 

     Quand la guerre est sur le point d'éclater, Jaurès tente de mobiliser contre un conflit européen généralisé mais il est assassiné et les socialistes des divers pays en guerre se rallient presque tous à "l'Union Sacrée". Seule une poignée s'y oppose et organise 2 réunions en Suisse : Zimmerwald et Kienthal. La guerre continue mais un coup de tonnerre éclate au début de l'année 1917 : le tsar est renversé en Russie. Quelques mois plus tard, une tendance du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie, les "bolchéviques" (ils se renommeront ensuite "communistes") autour de "Lénine", prend le pouvoir pour mettre en place le "socialisme". Ce succès a de multiples conséquences sur la conception du socialisme et de l'internationalisme. 

 

     En effet, dès le 2 mars 1919, les communistes russes, créent à Moscou, une Internationale Communiste dite 3ème Internationale puis Komintern. Cette internationale part du postulat que le Révolution mondiale est en marche et que la Russie soviétique est le modèle pour les révolutionnaires du monde entier. Dans tous les partis de la IIème Internationale, se pose la question : faut-il rallier le Komintern ? D'autant qu'ils doivent accepter les "21 conditions" assez draconiennes. Partout a lieu la scission entre les partisans de la IIIème qui se nomment, désormais "communistes" et ceux qui se refusent à y adhérer, qu'ils restent à la IIème ou qu'ils aient une position intermédiaire. En France, la majorité décide, au Congrès de Tours, d'adhérer à la IIIème et devient le Parti Communiste Français. 

 

     Il y a une énorme différence entre la IIème et la IIIème. Considérant que l'URSS (créée en 1922) est le centre du communisme et de la révolution mondiale, le Komintern fait de la défense de l'URSS l'une de ses bases essentielles. Il y a plus : très vite, le fonctionnement des nouveaux partis communistes est calqué sur le modèle soviétique et c'est à Moscou que les décisions essentielles sont prises. On n'est donc plus du tout dans une fédération de partis indépendants et égaux. Au contraire, des agents du Komintern (le plus célèbre Français étant Jacques Duclos) sont envoyés de par le monde pour contrôler les partis et préparer la révolution. En France, le véritable chef du PCF est souvent un envoyé de Moscou : Abraham Haphetz dit Gourevitch ou Lepetit, en 1925-26, ou Eugen Fried dit Clément, dans les années 30. La politique des P.C. suit les fluctuations des décisions staliniennes ("classe contre classe" dans les années 20 puis "Front Populaire" après la victoire de Hitler) et ils doivent, également, soutenir la politique nationale et internationale de l'URSS (par exemple : le Pacte de Non Agression Hitler - Staline). Le Komintern disparaît officiellement pendant la guerre mais l'allégeance à Moscou perdurera pendant des décennies (du moins pour les "orthodoxes")

 

     Au sein du PC de l'URSS puis dans la plupart des PC, se constitue, à partir de la fin des années 1920, une opposition dirigée par Lev Bronstein alias Léon Trotsky. Celui-ci et ses partisans sont violemment combattus par les staliniens du monde entier. Puis ils rompent définitivement avec le stalinisme et constituent, en 1938, près de Paris, une IVème Internationale trotskyste. Celle-ci est composée de sections nationales comprenant souvent très peu de militants, sous la supervision du "Vieux" jusqu'à son assassinat en 1940 par un agent stalinien. Cette 4ème Internationale ne rompt pas vraiment avec les schémas organisationnels lénino-staliniens et avec la "défense de l'URSS" qui est toujours un "État ouvrier" mais "dégénéré" car aux mains d'une "bureaucratie". Cette nouvelle Internationale connaîtra nombre de scissions et plusieurs Internationales se réclameront de Trotsky sans pouvoir supplanter les PC liés à Moscou. 

 

     L'après-guerre se manifeste par la rupture de l'alliance de circonstance passée entre les E.U. et le Royaume-Uni (+ la France, etc..) d'un côté et l'URSS de l'autre. Churchill dénonce, en 1946 : "un rideau de fer s'est abattu à travers le continent" et il considère que l'Europe est divisée en 2 camps hostiles. Puis Truman, président américain, enfonce le clou, un an plus tard en dénonçant le "totalitarisme" qui, sans le nommer, vise l'URSS. En réponse, un dirigeant soviétique nommé Jdanov, réplique quelques mois plus tard en affirmant que le monde est divisé en deux camps : " Au fur et à mesure que nous nous éloignons de la guerre, deux camps s’affirment. Les États-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. Ce camp est soutenu par l’Angleterre, la France mais aussi par des États possesseurs de colonies. Les forces anti-impérialistes et antifascistes forment l'autre camp. L'URSS et les pays de la démocratie nouvelle en sont le fondement. Le camp anti-impérialiste s'appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, les partis communistes frères".

 

     Un révolutionnaire doit donc choisir son camp. Ce sera la vulgate des communistes mais, aussi, des trotskistes pendant des décennies. Avec une dérive évidente : tous ceux qui se disent communiste, anti-fasciste ou anti-impérialiste doivent être soutenus sans hésitation et sans analyse critique. Les partis ou mouvements mais, aussi, les États qui affirment ces principes et qui disposent ainsi d'un brevet d'honorabilité "à vie". C'est la "campisme". Alors que l'internationalisme prétendait que "les prolétaires n'ont pas de patrie". De ce fait, l'URSS proclamant qu'elle construit le socialisme, elle doit être crue sur parole sans se donner la peine d'une analyse marxiste mais c'est tout aussi vrai pour Cuba depuis 1959, voire le Nicaragua sandiniste, le Vénézuela chaviste, tous les pays du bloc communiste, etc... 

 

     Les premières critiques du "campisme" pur vont apparaître au sein du bloc communiste. En commençant par l'excommunication de la Yougoslavie de Tito qui met, alors, en palce un régime "socialiste" original et se rapproche du Tiers Monde pour prôner le "neutralisme'. Plus grave est  la scission de la Chine maoïste ; devenue le nouveau "phare" de la révolution mondiale, elle va soutenir des partis maoïstes (dits "marxistes-léninistes") qui demeureront souvent des groupuscules avant d'évoluer de façon très diverses : les uns déclencheront des guérillas ("Sentier Lumineux" au Pérou), d'autres, à l'issue d'une longue mutation, deviendront des néo-PC ("PTB" en Belgique). On verra même des scission dans la scission quand l'Albanie de Hoxha rompra avec la Chine. La Chine considérait que l'URSS était impérialiste (injure suprême) ce qui bouleverse le "campisme". 

 

     Une autre critique du campisme se fera jour au sein de partis communistes (surtout européens) qui s'efforceront de définir à une voie pacifique vers le socialisme et se livreront à une analyse critique du modèle soviétique (ex : Tchécoslovaquie en 1968 puis PC Italien de Berlinguer). 

 

     La fin de l'URSS puis du Bloc de l'Est en Europe va plonger les "campistes" dans le plus grand désarroi puisque le pays de la Révolution d'Octobre va rompre avec le communisme. "Rome n'est plus dans Rome" ! Pire encore : ces pays ex-communistes vont souvent donner le pouvoir à la droite qui va liquider l'héritage communiste alors que la Chine et le Vietnam, restés communistes en titre se vautrent dans le capitalisme. Il y a de quoi y perdre son latin. 

 

     Mais l'impérialisme américain voire européen est toujours là et les "révolutionnaires", à juste titre titre, d'ailleurs, vont dénoncer les agressions "impérialistes"  MAIS en étant fort indulgents vis à vis de régimes anti-américains (Cuba, le Vénézuela, la Syrie, l'Iran) ou des impérialismes chinois et russe. Ce dernier étant admiré par l'extrême-droite. D'où tous les dérapages constatés de la part de certains hommes politiques de gauche comme Mélenchon qui voit l'impérialisme américain partout et qui est violemment anti-allemand (je me rappelle une des rares émission où je l'ai regardé et où il était d'une rare vulgarité vis à vis de Merkel). La guerre en Syrie puis en Ukraine va être l'occasion pour les "campistes" de redonner de la voix au mépris des peuples massacrés. 

 

 

 

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2 mars 2022 3 02 /03 /mars /2022 11:34

     Poutine l'a dit : l'Ukraine n'existe pas ; c'est une invention de Lénine.  (Les léninistes de toute obédience devraient donc dénoncer avec véhémence l'invasion de ce pays). On avait entendu le même genre de discours de la part de béotiens lors de l'indépendance des trois Pays Baltes au moment de l'éclatement de l'U.R.S.S. Comme tout le monde n'a pas les connaissances historiques et géographiques nécessaires pour répondre à ces affirmations, je vais résumer en quelques paragraphes l'histoire de ce pays et de son territoire. Je ne fournis pas les cartes pour ne pas alourdir le propos mais vous pouvez les trouver soit sur le meilleur atlas historique (en allemand) "Atlas für Weltgeschichte" soit avec un livre très riche sur le sujet "Atlas des Peuples d'Europe Centrale".

 

     Une remarque au préalable. La France est un État qui a plus de mille ans d'histoire ; certes, ses frontières ont été modifiées à de nombreuses reprises depuis la fin du Xème siècle mais le Royaume de France (remplacé, ultérieurement par la République voire l'Empire) existe en tant qu'entité politique depuis, au moins, l'avènement de Hugues Capet en 987 (voire depuis 843). Cependant, il s'agit d'une exception en Europe. En effet, sur un territoire donné, il y a eu, dans la quasi totalité de l'Europe, des États très différents. Le territoire de la République d'Ukraine est dans ce cas mais c'est la même chose pour la Russie, la Biélorussie, etc.

 

     L'Ukraine a l'inconvénient d'être composée principalement de plaines et donc il n'y a pas d'obstacles majeurs (hormis les fleuves coulant grossièrement du nord au sud et les Carpathes dans la partie ouest) pour bloquer les envahisseurs qui s'installent durablement ou ne font que passer. Et ceux-ci n'ont pas manqué. Sans prétendre être exhaustifs, on peut citer tout d'abord, les Scythes et les Sarmates, peuples iraniens venus d'Asie ; plus tard, les Goths (divisés en Wisigoths et Ostrogoths) qui sont des Germains (pendant des siècles on  a continué à parler Goth dans une partie de la Crimée) ; ensuite les Alains, autre peuple iranien (dont les descendants se sont installés dans le Caucase : ce sont les Ossètes, désormais entièrement contrôlés par la Russie depuis l'invasion du nord de la Géorgie par Poutine) et les Huns, peuple turco-mongol de sinistre réputation ; un peu plus tard, s'installe, sur la marge orientale, un État khazar, d'origine sans doute turco-mongole, qui a la particularité d'être converti au judaïsme ; enfin, d'autres peuples turcophones comme les Petchénègues et les Coumans. Puis arrivent les Slaves et les Vikings. 

 

     En effet, ce sont des Varègues, groupe de guerriers scandinaves, qui s'installent au nord-ouest de la Russie actuelle  avant de descendre vers le sud. Leur État, la "Rouss", contrôle les populations slaves installés dans ces territoires. A la fin du IXème siècle, ils font de Kiev leur capitale et, un siècle plus tard, totalement slavisés, ils se convertissent au christianisme (988) sous l'influence byzantine (donc, ils seront orthodoxes). Cet État s'étendait grossièrement sur la plus grande partie de l'Ukraine et de la Biélorussie actuelles ainsi que sur l'Ouest de la Russie. La "Russie kiévienne" va, assez vite, se scinder en principautés puis disparaître sous les coups d'un ennemi implacable, les Mongols

 

     Ce peuple sous la direction de Gengis Khan puis de ses successeurs s'empare, en quelques années, d'un territoire gigantesque depuis la Chine jusqu'à l'Europe centrale. Ils détruisent Kiev en 1235 et poussent jusqu'aux portes du Saint Empire Romain Germanique et de l'Italie. Ils ravagent tout sur leur passage et dépeuplent les territoires traversés. Puis ils refluent à partir de 1241. Néanmoins, ils restent en Europe où ils établissent la Horde d'Or (on parle désormais de Tatars ; ceux-ci deviennent musulmans) qui contrôle une bonne partie de la Russie d'Europe, de la Biélorussie et de l'Ukraine. Malgré quelques victoires (ex. 1380), la principauté de Moscou restera vassale des Tatars jusqu'à la prise de Kazan en 1552. Les Tatars domineront la Crimée jusqu'à la fin du XVIIIème siècle (ils occupent l'intérieur alors que la côte est surtout peuplée de Grecs). 

 

     Un autre acteur rentre en scène : les Lituaniens. Peuple encore "païen", ils vont repousser peu à peu les Tatars et leur infligent une terrible défaite en 1362 ce qui leur permet d'atteindre la Mer Noire (temporairement). En 1385, le Grand-Duc de Lituanie devient également Roi de Pologne sous le nom de Ladislas Jagellon mais ce n'est qu'une union personnelle. Les Lituaniens finiront par se convertir au christianisme latin comme l'avaient fait les Polonais plus de 4 siècles auparavant. Pendant les siècles suivants, l'union entre Lituaniens et Polonais se renforce jusqu'à l'Union de Lublin (actuellement en Pologne) qui, en 1569, crée la "République des Deux Nations" qui est, en fait, une monarchie élective. Elle disparaîtra à la fin du XVIIIème au moment du 3ème partage de la "Pologne". 

 

     Intéressons-nous à cet État qui, à bien des égards, est original. Avec près de 1 million de km², il s'étendra, à son apogée, de la Mer Noire à la Mer Baltique. Il recouvre une partie de la Pologne d'après 1945, une partie de la Lituanie d'après 1991, mais la quasi totalité de la Biélorussie et de l'Ukraine d'après 1945 (donc, sans la Crimée) plus, pendant un temps, des territoires actuellement lettons, moldaves ou russes. Les Lituaniens, peuple de langue balte, sont très peu nombreux à la différence des Polonais, peuple de langue slave ; à l'est du pays, on trouve d'autres slaves fort nombreux que l'on nomme Ruthènes. Ceux-ci, christianisés à l'époque kiévienne sont orthodoxes et non latins. On a donc une division confessionnelle entre l'ouest et l'est du pays. La partie orientale se divise en 2 parties : au nord, elle dépendra de la Lituanie, c'est l'embryon de la Biélorussie ; au sud, elle dépendra de la Pologne et forme l'embryon de l'Ukraine. Les souverains catholiques s'efforceront de rattacher les populations ruthènes au catholicisme ; ce sera un demi-succès avec la naissance, à la fin du XVIème d'une Église catholique (car rattachée à Rome) mais de rite byzantin qui sera dite "gréco-catholique". Cette Église appelée aussi "Uniate" est encore présente dans l'ouest de l'Ukraine. Il faut y ajouter d'autres peuples et d'autres religions : des Allemands - luthériens ou catholiques- des calvinistes qui seront très influents, pendant un temps, dans la noblesse lituanienne ou polonaise avant de quasiment disparaître, des juifs. Ceux-ci, venus d'Allemagne, sont attirés par la grande tolérance que manifestent les souverains pendant une bonne période. Ils représentent 10% de la population et parlent une langue d'origine germanique mais écrite en alphabet hébraïque : le yiddisch (de "jüdisch" qui veut dire "juif" en allemand). On pourrait ajouter 2 minuscules minorités qui sont encore présentes aujourd'hui, totalement intégrées : des Tatars musulmans et des Karaïtes (dissidence du judaïsme).

 

     Après plus d'un siècle de prospérité (le siècle d'or) du XVème au milieu du XVIIème, la "République" décline à la fois sous l'effet des coups de boutoir de ses voisins : Suédois, Russes, Habsbourg, Hohenzollern, Empire Ottoman mais, également du fait de crises internes. En effet, le pouvoir central est, de facto, aux mains de la noblesse polonaise ou polonisée dont les querelles entraînent une forte instabilité. Qui plus est, les paysans, surtout les Ruthènes, supportent de plus en plus mal le joug de ces grands propriétaires. Ils vont avoir tendance à se révolter et à rejoindre les Cosaques. Ces derniers - des guerriers d'origines très diverses - se sont installés au sud-est de l'Ukraine actuelle. Ils sont utilisés par les souverains russes et polonais pour garder leur flanc sud mais se comportent également en pillards. Originalité : leur organisation démocratique avec un Conseil (la Rada) et un chef (l'Ataman). Au milieu du XVIIème siècle, le chef cosaque Bogdan Khmelnitsky, soutient une révolte des paysans ruthènes orthodoxes contre la noblesse polonaise. Elle est victorieuse mais elle a donné lieu à de terribles massacres de Polonais, d'Uniates ("hérétiques") et, surtout de Juifs perçus comme des auxiliaires des grands propriétaires (plusieurs dizaines de milliers de morts au total). Il est considéré comme un des pères de la nation ukrainienne mais il va, aussi, un peu plus tard, se rallier au tsar. 

 

     Les partages de la Pologne-Lituanie, à la fin du XVIIIème vont surtout favoriser la Russie. L'Autriche s'empare seulement de la partie occidentale de l'Ukraine actuelle (la plus grande ville étant Lviv/Lwow/Lvov/Lemberg). La Hongrie contrôle déjà l'Ukraine subkarpatique (qui sera Tchécoslovaque entre les deux guerres avant de passer à l'URSS). Une autre partie de la Pologne passe à la Prusse mais on est loin de l'Ukraine. Un peu avant, la Russie s'était emparé, brutalement, du khanat tatar de Crimée composé de toute la partie sud de l'Ukraine de 1945 (Crimée, Tauride, Méotide, Jédisan, Boudjak) s'offrant un large débouché sur la Mer Noire puis créant le grand port d'Odessa (développé par le duc de Richelieu). Les tsars y installeront des colons russes et ukrainiens mais également allemands, grecs et bulgares ; les Tatars seront en grande partie expulsés (vers l'Empire ottoman) mais subsisteront en Crimée ; les Gagaouzes (turcophones chrétiens) sont présents dans le Boudjak.

 

     L'Ukraine divisée en deux parties inégales (une petite partie en Autriche Hongrie ; le reste en Russie) va connaître un longue période de stabilité et de prospérité. Elle devient le "grenier à blé" de la Russie (grâce aux "terres noires") et une grande région industrielle grâce aux ressources en charbon ou en fer (surtout à l'est). Pendant la première guerre mondiale, le territoire est le lieu d'affrontement entre les armées austro-hongroise et russes. 

 

     De 1917 à 1921, l'Ukraine est un champ de bataille entre une multitude de tendances politiques : socialistes puis nationalistes ukrainiens qui proclament une indépendance éphémère, "armée rouge" communiste, anarchistes de Nestor Makhno, "armées blanches" et troupes étrangères (austro-hongroises et allemandes d'abord puis anglo-françaises puis polonaises). La plupart des villes changent de mains plusieurs fois et on ne compte plus les massacres et les morts (d'autant que l'on ne fait pas de prisonniers).

 

     Dans le même temps, un très grave conflit éclate entre la nouvelle République Polonaise et la Russie soviétique. Les premiers veulent retrouver les territoires perdus au XVIIIème tandis que les seconds veulent récupérer les territoires de l'Empire mais, également, exporter la révolution vers l'Ouest en passant sur "le cadavre de la Pologne" dont l'armée est nettement moins puissante. La guerre soviéto-polonaise dure de 1919 à 1921. Les nationalistes ukrainiens se rallient aux Polonais. Les troupes bolchéviques sont finalement stoppées devant Varsovie et se replient en désordre. Les communistes acceptent de négocier : paix de Riga en 1921. Néanmoins, les Ukrainiens ne sont pas associés aux négociations et il n'y aura pas d'Ukraine indépendante. 

 

     Finalement, les bolchéviks s'imposent dans la plus grande partie de l'ancien Empire tandis que la Pologne récupère l'Ukraine austro-hongroise (la Galicie orientale), une partie de l'Ukraine "russe" (Volhynie) et  l'ouest de la Biélorussie. Les Soviétiques créent une République Soviétique d'Ukraine au sein de l'URSS et favorisent, pendant un temps, la culture ukrainienne mais celle-ci est brimée en Pologne où se manifeste un mouvement nationaliste pratiquant le terrorisme. L'U.R.S.S. développe une puissante industrie lourde (surtout dans le "Donbass") mais la collectivisation de l'agriculture entraîne une terrible catastrophe : des centaines de milliers de "koulaks" sont déportés, les réquisitions forcées entraînent une terrible famine qui tue des millions de personnes dans la plus riche région agricole du pays (alors que les Ukrainiens de la partie polonaise ne connaissent aucun problème alimentaire). 

 

     Le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne qui, juste après, est envahie par l'U.R.S.S. qui s'empare de l'Ukraine occidentale où elle est assez bien accueillie au début ; mais ça ne dure pas car l'ordre stalinien s'impose brutalement. Le 22 juin 1941, Hitler attaque l'U.R.S.S. qui subit défaites sur défaites. L'Ukraine est presque entièrement occupée à la fin de l'année. L'offensive allemande progresse encore au printemps 1942 mais est bloquée à Stalingrad. Puis l'U.R.S.S. contre-attaque et regagne le terrain jusqu'à la victoire de 1945. Les combats font des millions de morts, blessés et prisonniers (les prisonniers soviétiques, qui ne sont pas protégés par les Conventions de Genève, subissent des pertes considérables puis ce sont les prisonniers allemands qui auront beaucoup de morts). Et, surtout, cette période est marquée par des exécutions, des déportations, des massacres qui font des millions de victimes. Les Allemands exterminent les Juifs, très nombreux en Ukraine, et les communistes. Beaucoup d'Ukrainiens accueillent favorablement les Allemands censés les libérer du joug soviétique : certains collaborent activement avec les Allemands, d'autres essaient de profiter de la situation pour obtenir l'indépendance ; ces derniers, regroupés principalement autour de Stepan Bandera, s'allient aux Allemands avant de se retourner contre eux puis contre les Soviétiques (la guérilla durera jusqu'en 1950). Des dizaines de milliers de Polonais d'Ukraine occidentale sont victimes de massacres principalement causés par les bandéristes.  Cependant, des millions d'Ukrainiens sont raflés et envoyés en Allemagne comme main d'oeuvre misérable dans les usines et les campagnes ; ceux restés en Ukraine ne sont pas mieux traités que par les Soviétiques. Pendant la guerre, la plupart des Allemands d'Ukraine sont évacués vers l'Allemagne ; d'autres seront déportés en Asie par les soviétiques ; tous les Tatars de Crimée sont déportés en Asie soviétique, ainsi que des Grecs. A la fin de la guerre, la Pologne orientale est annexée par l'U.R.S.S. et rattachée soit à l'Ukraine soit à la Biélorussie ; les Polonais de ces territoires sont envoyés à l'ouest où des territoires arrachés à l'Allemagne (à l'est de la ligne Oder-Neisse) sont vidés des Allemands qui s'y trouvaient depuis des siècles. L'Ukraine soviétique s'agrandit, également, d'une partie de la Roumanie et d'une partie de la Tchécoslovaquie. La République socialiste soviétique d'Ukraine recouvre en grande partie le territoire de l'Ukraine indépendante de 1991 ; s'y ajoutera - en 1954 -  la Crimée qui, jusque-là faisait partie de la République de Russie.

 

     Le 25 décembre 1991, l'U.R.S.S. disparaît ce qui entraîne la reconnaissance de l'indépendance des 15 Républiques Constitutives dont la Russie (et l'Ukraine). La majorité de ces républiques vont, toutefois, créer la Communauté des États Indépendants (CEI) qui existe encore sur le papier mais qui a perdu des membres. Les États Baltes n'en feront jamais partie  et adhéreront à l'Union Européenne et à l'O.T.A.N. L'Ukraine et la Géorgie s'en retireront ultérieurement. 

 

     L'Ukraine indépendante est très liée à la Russie, à tous les niveaux. Comme sa grande soeur russe, les leviers de l'économie sont confisqué par des "oligarques" : des amis du pouvoir en place qui , partant de rien, vont se constituer une fortune immense et un fort poids politique en rachetant pour une bouchée de pain, des pans entiers des combinats industriels soviétiques. Les dirigeants de l'ère soviétique se recyclent comme responsables du nouvel État et affichent leur proximité avec Moscou. C'est une des causes du soulèvement de Maïdan - du nom d'une place Kiev investie par les manifestants - qui fait chuter le Président pro-russe. C'est à ce moment que Poutine décide de "punir" l'Ukraine en menant une guerre secrète qui lui permet de s'emparer de la Crimée et de placer des fantoches à la tête de "Républiques Populaires" autoproclamées dans l'Est du pays. La suite on la connaît. 

 

     

 

     

 

     

 

      

 

     

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28 février 2022 1 28 /02 /février /2022 07:54

     C'est merveilleux : tout le monde condamne l'agression russe contre l'Ukraine. En pleine campagne présidentielle, une telle unanimité représente une sorte de miracle. Cependant, c'est trop beau pour être vrai ; en réalité, il est impossible à quiconque (et surtout pour les candidats) de soutenir cet acte de guerre. Alors, on ajoute des considérants qui ruinent, de façon plus ou moins subtile, cette réprobation. Ce qu'il y a de consternant c'est qu'il est rare de trouver un communiqué qui ne compte pas de "non, mais" ou de proposition de solution au conflit qui, in fine, mette quasiment sur le même plan agresseur et agressé. 

 

     Les plus grossiers reprennent quasiment mot à mot la rhétorique moscoutaire en évoquant les groupes néo-nazis très puissants à Kiev, les discriminations contre les russophones, le droit des séparatistes à quitter l'Ukraine, le non respect des accords de Minsk, le caractère artificiel de l'existence de l'État ukrainien (qui a, pourtant, un siège à l'O.N.U. depuis la création de celle-ci), la volonté expansionniste de l'O.T.A.N. et j'en passe. Cela fait penser aux braves âmes qui expliquaient que si les islamistes avaient tué des journalistes de "Charlie Hebdo" ou Samuel Paty, c'est qu'ils l'avaient cherché. 

 

     D'autres (parfois les mêmes), exigent, dans un même communiqué, le départ des forces françaises du Mali (elles seront remplacées par des soldats et mercenaires...russes) ou la défense de "Cuba socialiste" (sic) comme si les E.U. avaient encore des projets d'invasion de l'île (les successeurs du "caudillo" sont assez grands pour ruiner leur pays). Dans le même ordre d'idée, on refourgue un soi-disant "deux poids - deux mesures" du genre : on boycotte la Russie mais pas Israël ou le Qatar ou bien les E.U. font le blocus de Cuba depuis des décennies et on ne dit rien... C'est que l'on appelle "noyer le poisson".

 

     Plus pernicieux mais rencontrant un large écho : on brandit le mot "Paix". Il est sûr que si les Ukrainiens allaient voir les troupes russes et biélorusses en brandissant de telles pancartes et distribuaient des roses, l'armée russe retournerait dans ses foyers immédiatement. 

 

     Les mêmes ou d'autres ont trouvé la solution : une grande conférence internationale. Avec qui ? Pourquoi faire ? Silence radio. Il faut rappeler que la Russie refuse de rencontrer les dirigeants ukrainiens qu'elle considère comme illégitime. Par conséquent, une telle conférence serait une resucée des "Accords de Munich" en 1938. Certains ajoutent "sous l'égide de l'O.N.U." ce qui fait plus sérieux. Or, la seule chose que devrait faire l'O.N.U. serait de condamner l'agression et d'envoyer une force de maintien de la paix. Chacun sait que tout cela n'est pas possible car la Russie a un droit de veto qu'elle utiliserait ce qui montre le manque de sérieux de ceux qui font ces propositions. Variante de cette proposition démobilisatrice : l'Ukraine doit s'engager à être neutre et à ne pas adhérer à l'O.T.A.N. ce qui est l'un des buts de guerre de Poutine. 

 

     Pour obtenir la paix, certains préconisent d'arrêter les livraisons d'armes aux belligérants. Ce sont les mêmes ou leurs aïeux qui criaient "Des armes pour l'Espagne" (républicaine). Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles : tout le monde a compris que la Russie est surarmée et ne dépend en aucun cas d'armes venant d'autres pays (la Turquie, la Chine, l'Iran, que sais-je !) et que c'est l'Ukraine qui est en manque d'armes défensives. 

 

     On n'est pas surpris que ces "faux amis" proviennent souvent de milieux influencés par l'idéologie léniniste qui n'ont toujours pas compris que la Russie de Poutine n'est plus l'U.R.S.S. d'autrefois (qui, d'ailleurs, avait envahi la Hongrie, la Tchécoslovaquie, l'Afghanistan et avait installé des armes nucléaires à Cuba). On pourrait être  plus étonné que les partisans les plus zélés de Poutine se trouvent à droite et à l'extrême-droite ; eux qui ont fait de l'anticommunisme le fonds de commerce de leur idéologie. D'un certain sens, cela montre bien que la Russie poutinienne n'est pas un régime de gauche ; au contraire, c'est un modèle pour les adeptes d'un régime autoritaire. Sans oublier des intérêts économiques personnels ou pour le parti : Poutine a bien besoin d'agents d'influence qu'il sait rétribuer. Par contre, que l'on retrouve des considérations désarmantes dans les communiqués d'organisations que l'on ne peut suspecter de sympathies léninistes ou d'extrême-droite, laisse pantois. 

 

     J'ai expliqué sur mon blog et ma page facebook que les seuls mots d'ordre justes étaient :  arrêt de l'agression russe, retrait inconditionnel des troupes russes et biélorusses de la totalité du sol de l'Ukraine, reconnaissance de l'indépendance de l'Ukraine dans ses frontières de 1991. Bien évidemment, j'ai reçu mon flot de critiques ; je n'en démords pas. Et je ne suis pas le seul : je vous invite à lire ce texte, court mais incisif d'un militant franco-libanais de tendance trotskiste qui a déjà eu l'occasion de dénoncer les faux anti-impérialistes à l'oeuvre au sujet de la Syrie : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61313

 

     Je vous conseille, également, la lecture de déclarations de syndicats ukrainiens, russes, biélorusses et russes au sujet de l'agression russe (à noter qu'on les trouve sur le site de SUD - Solidaires dont la position concernant l'agression est extrêmement critiquable) : https://syndicollectif.fr/ukraine-reactions-de-syndicats-russes-polonais-ukrainiens-bielorusses/

 

     Et pour ceux qui veulent en savoir plus, je conseille "Atlas des Peuples d'Europe Centrale". C'est un peu ancien mais très solide et très clair. De très nombreuses cartes permettent de visualiser les évolutions. 

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24 février 2022 4 24 /02 /février /2022 10:38

     L'invasion de l'Ukraine par la Russie montre à quel point Poutine fait fi des règles de l'ordre international pour ressusciter les anciens empires russes et soviétiques. 

 

     En 1914, l'Empire Russe est le plus vaste État du monde d'un seul tenant avec plus de 22 millions de km². C'est le résultat d'une politique expansionniste commencée après la victoire de la principauté de Moscou contre les Tatars à la fin du Moyen-Age. 

Le nouvel impérialisme russe

     Cet Empire est l'exemple le plus net d'un État multinational. Les Russes (et les "russifiés") dominent des dizaines de peuples minoritaires d'origines très variées. C'est "la prison des peuples". Certains d'entre eux connaissent un mouvement nationaliste recherchant l'indépendance : Polonais, Finlandais...

 

     La guerre, les révolutions de 1917, la guerre civile et la guerre russo-polonaise vont entraîner deux types de changements : D'une part, le parti communiste, au pouvoir depuis novembre 1917, renomme le pays qui devient (du moins sur le papier) une Fédération : l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (U.R.S.S.) composée de 11 Républiques dont la principale est celle de Russie où se situe la capitale Moscou. Ces Républiques, constituées sur une base ethnique, ont, théoriquement, le droit à l'autodétermination. Au sein de ces républiques, on trouve des territoires autonomes pour les autres minorités. Par ailleurs, l'U.R.S.S. est un peu plus petite que l'Empire Russe car elle a perdu des territoires, à l'ouest et au sud-ouest, au profit de la Finlande, des 3 États baltes, de la Pologne, de la Roumanie et de la Turquie. Par contre, des régions qui avaient proclamé leur indépendance, comme l'Ukraine ou la Géorgie, ont été récupérées par l'U.R.S.S. et ce pays contrôle deux États indépendants dirigés par des communistes : la République de Tannou-Touva (portion de la Mongolie passée sous l'orbite de la Russie avant la guerre), indépendante de droit mais non de fait, entre 1921 et 1944 et la république de Mongolie Extérieure, beaucoup plus vaste mais tout aussi dépendante. 

Le nouvel impérialisme russe

     Le 23 août 1939, l'U.R.S.S. signe un "pacte de non agression" avec l'Allemagne nazie. Les deux pays s'entendent en secret pour se partager des pays limitrophes, soit par la force, soit par l'intimidation. L'U.R.S.S. récupère donc une large partie de la Pologne, les 3 États Baltes, une partie de la Finlande. L'U.R.S.S. s'engage également à fournir des produits à l'Allemagne, en particulier de l'essence (qui serviront à bombarder les pays attaqués par les nazis). Le 22 juin 1941, ce pacte est violé par Hitler qui, dans la foulée, remporte victoires sur victoires. Ce que l'on sait moins est que 10 semaines auparavant (le 13 avril 1941), l'U.R.S.S. avait signé un pacte de non-agression avec le Japon ; cet accord sera respecté jusqu'au bout par les Japonais ce qui est une des principales causes de la victoire finale des Soviétiques en 1945, contre les Allemands. Par contre, l'U.R.S.S. violera ce pacte dès la fin de la guerre à l'Ouest. 

 

     Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, l'U.R.S.S. est exsangue mais renforce considérablement sa puissance au cours des années et décennies ultérieures. D'une part, son territoire s'agrandit pour retrouver presque les frontières de 1914. Certes la Finlande garde son indépendance mais elle est amputée à l'est et doit accueillir une base soviétique. De même si la Pologne demeure également souveraine, son territoire bascule : gains à l'ouest aux dépens de l'Allemagne et pertes conséquentes à l'est au profit de l'U.R.S.S.. La Roumanie et la Tchécoslovaquie perdent également des territoires. Les 3 États Baltes disparaissent. Enfin, l'U.R.S.S. s'empare d'îles du nord du Japon. Comme les Soviétiques occupent une bonne partie du centre de l'Europe, il y installent, presque partout, des régimes communistes satellites et pillent les pays sous leur coupe : Allemagne de l'Est et Berlin-Est, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie, Albanie. Avec leur "grand frère", ils forment, en 1955, le Pacte de Varsovie, qui maintient la présence de troupes soviétiques dans le "Bloc de l'Est". Par contre, la Yougoslavie communiste s'oppose à la mainmise soviétique. Les peuples des "démocraties populaires" se révolteront à plusieurs reprises (1953, 1956, 1968, 1980) sans réussir à secouer durablement le joug. En Orient, l'U.R.S.S. a occupé le nord de la Chine (Mandchourie) qu'elle livrera aux communistes chinois ce qui permettra à ceux-ci de s'emparer du pouvoir en 1949 ; elle occupe, de plus le nord de la Corée d'où le régime communiste satellite attaque la partie sud du pays en 1950 (agression qui se terminera par un armistice qui reviendra au point de départ ou presque). Enfin, les communistes vietnamiens boutent les Français hors d'Indochine et règnent sur la moitié nord du pays d'où ils fomentent une guérilla au sud et au Laos qui s'achèvera par un intervention militaire décisive en 1975. Par contre, ce sont des pro-chinois qui s'emparent du Cambodge la même année. Enfin, dans un nombre significatif de pays, des guérillas ou des coups d'État amènent au pouvoir des alliés de Moscou qui mettent en place un régime de parti unique, souvent affublé du nom de communiste ou d'une formule semblable : Cuba, Éthiopie, Mozambique, Angola, Grenade (pendant un temps) ; les Soviétiques et leurs alliés s'y installent. Il faudrait ajouter les bases militaires obtenues par l'U.R.S.S. dans d'autres pays comme la Syrie. Le "bloc de l'Est" et ses alliés semble avoir le vent en poupe. 

 

     Néanmoins, c'est un colosse aux pieds d'argile. D'une part, des révoltes populaires ou des évolutions au sein du pouvoir ébranlent la cohésion du Pacte de Varsovie ce qui amène l'U.R.S.S. à intervenir en Hongrie et en Tchécoslovaquie. D'autre part, un pays communiste s'émancipe de la tutelle russe : il s'agit de la Chine qui entraîne dans son sillage l'Albanie. La tension ira croissant entre les deux mastodontes ; outre la guerre des mots, on assiste à des conflits directs entre la Chine et l'U.R.S.S. (combats sur l'Amour) ou entre la Chine et le Vietnam communiste ou entre le Cambodge pro-chinois et le Vietnam pro-russe. Et, surtout, il apparaît aux dirigeants les plus lucides que la course aux armements ruine l'U.R.S.S.

 

     L'accession au pouvoir de Gorbatchev en 1985 entraîne une révision complète de la politique soviétique : accords de réduction des armements, résolution de conflits entre alliés des E.U. et alliés de l'U.R.S.S. , accent mis sur le développement économique, la démocratisation. Trop tard : tout s'écroule comme un château de cartes. A partir de 1989, les régimes communistes d'Europe Centrale vont être balayés, la Tchécoslovaquie va éclater ainsi que la Yougoslavie. Et ce n'est pas fini :  l'U.R.S.S. va éclater et les 14 Républiques non russes vont proclamer leur indépendance. Certaines resteront dans l'orbite russe (la plupart des pays d'Asie centrale, l'Arménie, la Biélorussie). D'autres, au contraire, vont rallier l'Union Européenne et l'O.T.A.N. (Pays Baltes) tandis que les derniers vont hésiter. 

 

     Il va s'ensuivre une grave période de crise en Russie sous la férule de Elstsine. Jusqu'à ce que le pouvoir soit pris en mains par un ancien des services secrets : Poutine. Celui-ci mène une politique de restauration de la puissance russe. Ce qui se traduit, au plan intérieur, par la mise en place d'un régime autoritaire et néo-capitaliste (aux mains de kleptomanes nommés "oligarques") ; les velléités indépendantistes de la Tchetchénie sont noyées dans le sang. Au plan extérieur, diverses méthodes sont employées pour recréer un espace soviétique (sans les Baltes) : alliances politiques, économiques ou militaires ; soutien aux potentats locaux et pressions sur les récalcitrants. 

 

     L'idéal pour Poutine est que les ex-pays soviétiques aient des dirigeants à sa botte. Quand ça ne marche pas, Poutine intervient militairement. Une partie de la Moldavie (Transnistrie) est occupée illégalement par des troupes russes depuis des décennies, la Russie installe un pouvoir fantoche dans deux parties de la Géorgie (Ossétie du Sud et Abkhazie), la Russie alterne le chaud et le froid avec son allié arménien jusqu'à l'abandonner à l'offensive azérie... Enfin, Poutine n'accepte pas que le dirigeant pro-russe et russophone d'Ukraine se fasse renverser en 2014 ; il va donc annexer purement et simplement une partie du pays (la Crimée), couper la sortie des ports ukrainiens sur la mer d'Azov et envoyer des troupes occuper une partie de l'est du pays en y installant des fantoches. Tout cela au prix de dizaines de milliers de morts dans l'ex-U.R.S.S.

 

     Ce néo-impérialisme ne s'arrête pas aux frontières de l'ancien camp soviétique. Un fait est connu : la Russie va tenir à bout de bras le régime corrompu du clan Assad en Syrie qui lui fournit une base sur la Méditerranée. On oublie de parler de l'implication de conseillers militaires russes et de mercenaires en Libye, en Centrafrique, au Mali. 

 

      Et le peuple russe là-dedans ? La situation sanitaire a été mal gérée et la situation économique est catastrophique. Ce qui peut expliquer cette fuite en avant. 

 

Conclusion : CONDAMNER L'AGRESSION RUSSE. OUI MAIS APRÈS ? J'ai lu beaucoup de communiqués concernant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Je suis agréablement surpris de constater que même les pro-russes dénoncent cet acte de guerre. Repli tactique ou véritable conviction ? La suite le dira peut-être. Il faut quand même rappeler que l'Ukraine n'est pas un mini-État comme pouvait l'être la Grenade, envahie par les E.U. il y a quelques décennies (elle est plus étendue que la France et sa population représente plus des 2/3 de la population de la France métropolitaine). Par contre, je suis choqué que la plupart des communiqués conditionnent l'arrêt des combats à la satisfaction des exigences des agresseurs. Ainsi quand il est écrit qu'il faut arrêter les livraisons d'armes aux deux camps, c'est proprement inacceptable car ce sont bien les Russes qui ont les armes et les Ukrainiens qui n'en ont pas ; on peut comprendre le souhait d'éviter l'escalade mais quand même. La plupart appellent à une conférence internationale sous l'égide de l'O.N.U. ; très bien mais avec qui si Poutine refuse de reconnaître le gouvernement du pays qu'il agresse ? Et puis, il y a déjà des mécanismes internationaux au sujet de l'Ukraine (accords de Minsk) ; or, Poutine vient de les violer. Enfin, plus subtil : on demande à l'Ukraine à s'engager à ne pas entrer dans l'O.T.A.N. ou de devenir neutre. C'est l'exigence numéro 1 de Poutine qui veut "démilitariser" son voisin. Ce qui est curieux c'est que certains de ceux qui reprennent cette exigence insistent sur la reconnaissance inconditionnelle de la souveraineté de l'Ukraine : contradiction dans les termes. Bref : il faut se méfier des faux amis et des relents de "campisme" : théorie qui dénonce partout l'impérialisme américain et ne voit nulle part l'impérialisme soviétique ou russe. Les seuls mots d'ordre justes sont : arrêt de l'agression russe, retrait inconditionnel des troupes russes et biélorusses de la totalité du sol de l'Ukraine, reconnaissance de l'indépendance de l'Ukraine dans ses frontières de 1991. Tout le reste est un dangereux bavardage.

   

 

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23 novembre 2021 2 23 /11 /novembre /2021 17:50

     Je publie ce texte que j'avais mis en brouillon mais qui me semble très intéressant pour mesurer à quel point les Autochtones ont été dépossédés au Canada. Pour ceux qui ne connaissent pas bien la géographie du Québec, je signale que Val d'Or, comme son nom l'indique, est une ville créée autour de mines d'or et d'autres métaux. Elle est située à l'extrême ouest du Québec, dans l'Abitibi, territoire dont la mise en valeur date, pour l'essentiel du XXème siècle. Les Algonquins (qui se nomment Anishinabeg) sont le principal peuple autochtone de l'Abitibi. https://fr.wikipedia.org/wiki/Algonquins

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20 septembre 2021 1 20 /09 /septembre /2021 15:01

     La victoire des talibans en Afghanistan peut sembler être un nouveau succès de l'islamisme car ils ont l'intention d'imposer la "charia" ou loi islamique. Donc un régime théocratique. C'est à dire un système politique où la religion (l'islam en l'occurrence) domine sur la politique et où les dirigeants sont des religieux. C'est le second exemple dans la région après la "République islamique" d'Iran. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les libertés et, a fortiori, la démocratie. 

 

     Il est, d'ailleurs dramatique de constater que les habitants des pays à majorité musulmane n'ont, bien souvent le choix qu'entre des dictatures corrompues dominées par des militaires, des régimes civils mais s'appuyant sur la "loi islamique" et la théocratie. La gauche démocrate et sociale a été laminée et n'arrive pas à émerger alors même qu'elle a semblé la plus en phase avec les révoltes populaires comme en Égypte, en Tunisie, en Syrie, en Algérie ou au Soudan. 

 

     Il faut, néanmoins, rester un peu optimiste. D'une part parce que les forces vives qui se sont manifestées au grand jour lors des "révolutions arabes" ont rarement été exterminées ; c'est leur expression politique à vocation majoritaire qui n'aboutit pas (pas encore). D'autre part, les régimes théocratiques et les partis islamistes de tout type devront bien "remplir l'assiette". 

 

     Il est facile de demander aux femmes de se voiler, aux hommes de porter la barbe voire d'appliquer des châtiments barbares à toutes sortes de catégories ou pour n'importe quel crime ou délit mais ça ne fait avancer d'un millimètre la satisfaction des besoins fondamentaux des individus : manger à sa faim, avoir un toit, un travail. Bref, développer le pays et, qui plus est, de façon égalitaire. De ce point de vue, la plupart des pays à majorité musulmane peuvent coiffer le bonnet d'âne car si certains pays bordier du golfe persique peuvent sembler ultra modernes, cette richesse est captée par une étroite minorité. 

 

     Aucune dictature ne peut faire l'impasse sur ce point. Rien ne peut, à plus ou moins long terme, arrêter la colère populaire. Même les régimes staliniens ont été confrontés à cette demande de "pain". Sous la férule du "petit père des peuples" (appelé plus communément "Vojd" c'est à dire "guide"), les révoltes ont été matées dans des fleuves de sang (en particulier contre la paysannerie) mais les ouvriers "coulaient les cadences" ce qui a obligé le régime à recourir aux campagnes stakhanovistes. Après sa mort, ce furent les déportés qui se soulevèrent ici ou là puis les ouvriers dans les pays satellites voire en URSS elle-même. L'Iran a connu, de façon périodique, des "émeutes de la faim" et j'en passe. Je pense que même en Corée du Nord, il y a des formes de résistances à la misère. 

 

     L'Afghanistan accuse un retard économique et social considérable. Si les nouveaux gouvernants sont avisés, il mettront l'accent sur l'intensification de l'agriculture, la mise en valeur des richesses minières et la création d'une industrie digne de ce nom. Paradoxalement, les obstacles risquent de venir de l'extérieur : les voisins et, tout particulièrement le voisin chinois, ont tout intérêt à ce que le pays reste misérable pour mieux pouvoir l'exploiter. 

 

     Comme disait l'autre : "On peut tout faire avec une baïonnette sauf s'asseoir dessus". Vaincre l'adversaire soit ! Maintenant , les talibans doivent convaincre le peuple qu'ils feront mieux que les autres. Et ce n'est pas gagné surtout s'ils font fuir les personnes les plus qualifiées. Vouloir ressusciter le passé n'a jamais été un gage d'avenir. 

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11 septembre 2021 6 11 /09 /septembre /2021 14:25

     Il y a 20 ans, le monde était stupéfait d'assister, quasiment en direct aux attentats incroyables (au sens propre du mot tant c'était inimaginable) perpétrés aux États-Unis par Al Qaida. Comme d'autres, je fus glacé d'effroi. On en reparle bien évidemment des jours-ci d'autant que la réaction des Américains (l'intervention en Afghanistan pour en chasser les talibans, soutiens de Ben Laden) s'est finalement, révélée quasi vaine puisque quasiment 20 ans après, les talibans sont revenus (voir :http://gerard-fretelliere.over-blog.com/2021/08/afghanistan.html)

 

     Il y a un autre 11 septembre. On a tendance à l'oublier. C'était en 1973, au Chili. Coup d'État militaire contre le gouvernement légitime de Salvador Allende. J'ai pleuré amèrement ce jour-là. Je m'étais rendu au Chili en 1972 avec d'autres militants du PSU. J'avais parcouru le pays constatant les fortes inégalités sociales, la soif de justice, la forte mobilisation populaire et l'action gouvernementale pour améliorer le sort du peuple. Le tout dans le respect de la Constitution et des libertés. Pour des militants, comme moi, qui aspiraient à un "socialisme dans la liberté", le Chili, après la Tchécoslovaquie de 1968 et, dans une moindre mesure, en même temps que LIP, était un exemple. Non pas un "costume sur mesure" mais un pourvoyeur d'idées et de réalisations dont on pouvait débattre et s'inspirer pour imaginer le socialisme en France. 

 

     J'avais entendu un discours d'Allende à Santiago en 1972. Rien à voir avec Castro. Le président chilien était un excellent orateur, un homme de conviction, pas un acteur ! C'était un démocrate ; pas un dictateur ! (voir : http://gerard-fretelliere.over-blog.com/2016/12/la-fin-du-castrisme.html)

 

     Le coup d'État fut violent. 3 000 morts en peu de temps ; des dizaines de milliers d'arrestations. Il fallait briser d'un coup la colonne vertébrale d'un peuple qui ne voulait pas laisser faire. Point d'orgue : l'assaut terrestre et aérien du palais Présidentiel où Allende s'était retranché avec quelques partisans armés et où il lutta jusqu'à la mort. L'homme avait du cran !

 

     Je vous invite à écouter les dernières paroles d'Allende. Une sorte de testament. Digne et optimiste malgré le tragique de la situation. Petit détail : le général Schneider et l'autre militaire cité par la président sont des militaires assassinés par des hommes d'extrême-droite parce qu'ils souhaitaient rester loyaux vis à vis du gouvernement constitutionnel. On s'étonnera qu'Allende ne cite pas Pinochet parmi les militaires félons ; sans doute, ce dernier était-il encore dans l'ombre. 

https://www.youtube.com/watch?v=jZNQPn5X-y0

 

     Et maintenant ? Allende a été trop optimiste car la junte putschiste est restée longtemps au pouvoir et que la gauche a été très durablement affaiblie. Certes, la démocratie est revenue ; certes, il y a eu une présidente de gauche (Bachelet ; curieux ces noms français aux opinions opposées) mais le modèle capitaliste libéral imposé par Washington aux généraux félons est toujours là. Néanmoins, il y a de l'espoir car une Assemblée Constituante a été élue dans des conditions totalement inédites et a porté à sa tête une femme autochtone et une majorité de gauche. L'occasion de liquider l'héritage du pinochétisme et de construire les bases de la société pour laquelle Allende et tant d'autres sont morts. 

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22 août 2021 7 22 /08 /août /2021 14:37

     On reste pantois de la facilité avec laquelle les talibans ont pris le contrôle de Kaboul. La capitale est tombée "comme un fruit mûr", sans combat et avant même que les Américains et leurs alliés aient fini de retirer leurs soldats de ce pays. 

 

     Contrairement à ce que l'on lit dans des commentaires écrits par certains, les États-Unis n'ont pas utilisé les talibans pour lutter contre le régime communiste, en place de 1978 à 1992, ainsi que contre la présence armée de l'URSS dans le pays. 

 

     En effet, ceux qui se sont opposés aux Soviétiques et à leurs alliés, avec le soutien américain, représentaient une certaine variété de tendances même si toutes étaient peu ou prou "islamistes". Les É-U leur ont fourni des conseillers militaires et, surtout, des armes très perfectionnées (comme les fameux Stinger). Ils s'en mordront les doigts ultérieurement mais, à l'époque, ils avaient une occasion rêvée d'infliger un "Vietnam" aux Soviétiques. 

 

     Il faut, également, rappeler aux marxiste-léninistes attardés que le régime communiste s'était illustré par son incapacité à convaincre la population rurale, par son sectarisme et, surtout, par ses divisions. Les purges ont fait des milliers de morts ; les divisions internes se sont traduites par l'assassinat du premier ministre par son rival tout autant communiste qui sera, à son tour, assassiné quand les Soviétiques décideront d'intervenir. Le régime sera porté à bout de bras par ses protecteurs pendant une décennie. 

 

     Ceux qui prennent le pouvoir en 1992 représentent donc une coalition hétéroclite de chefs de guerre aussi cupides qu'incompétents. Très vite, la population va se détourner d'eux. C'est à ce moment que les "étudiants en religion" vont entrer en scène. En effet, les fameux "talibans" semblent débarquer de nulle part et, pourtant, ils possèdent des armes lourdes dont ils savent se servir alors même qu'ils sont habillés de bric et de broc. On aura la même surprise quand les djihadistes s'empareront de Mossoul et de Rakka. La question que tout le monde se pose à l'époque (et encore maintenant) : qui les instrumentalise ? De toute évidence, il s'agit du Pakistan qui veut sécuriser ses arrières mais cette réponse n'épuise pas le sujet. Il y a d'autres connivences. 

 

     Les grandes puissances auraient pu s'accommoder des talibans bien que ceux-ci aient installé un régime ultra-réactionnaire et obscurantiste. Une théocratie sunnite, plus brutale que celle qui dirige l'Iran voisin et, qui ,elle, est liée au chiisme. Il s'agit d'une préfiguration de l'État Islamique qui s'emparera, tout aussi brutalement et rapidement, de larges parties de l'Irak et de la Syrie avant d'être liquidé au prix de la destructions de nombreuses villes. 

 

     Tout change après les attentats du 11 septembre 2001. L'organisateur des attaques suicides contre New-York, Ben Laden, est un ancien protégé des Américains en Afghanistan. Or, les talibans ont commis l'erreur de l'héberger sur leur sol. Leur sort est donc scellé. Les É-U interviennent alors directement et massivement pour liquider leur ennemi juré et se débarrasser des talibans par la même occasion. Ils s'appuient sur la plupart de  leurs anciens alliés et sur d'autres seigneurs de la guerre dont certains ont été liés à l'URSS. "L'alliance du Nord" rentre à Kaboul. Néanmoins, Ben Laden parvient à s'enfuir (sans doute exfiltré par les services secrets pakistanais). Les Américains finiront par retrouver quand même sa trace et le liquideront en s'emparant de ses secrets. Quant aux talibans, ils se réfugieront chez leur ami pakistanais où ils s'engagent à ne pas intervenir dans la vie locale. Ils se renforceront en faisant alliance avec un autre groupe islamiste et attendront leur heure. 

 

     La leçon de 1992 a été retenue : les Américains s'efforcent de mettre en place un régime démocratique et efficace. Peine perdue ! Les É-U équiperont une armée nationale qui se révèlera très vite incapable de lutter contre la réapparition des talibans qui, par une stratégie "maoïste" encerclent les villes en contrôlant peu à peu les campagnes. Tous les milliards du monde ne peuvent rien s'ils ne sont pas bien utilisés. 

 

     Et maintenant ?

 

     Il est fort probable que la plupart des grandes puissances vont reconnaître le nouveau régime.

 

          - La Chine - nouvelle grande puissance impérialiste- n'a aucun état d'âme concernant la nature du pouvoir dans les pays étrangers. Comme elle na pas été impliquée dans les épisodes précédents, elle peut se lancer franchement. Elle a deux objectifs : mettre la main sur les richesses minières du pays ; éviter que les islamistes du XinJiang trouvent une base solide en Afghanistan. 

 

          - La Russie peut se targuer d'une influence passée dans la région du temps où l'URSS comprenait l'Asie Centrale. Elle a le même souci sécuritaire que la Chine mais elle aura sans doute une moindre part du gâteau minier. 

 

          - L'Iran apprécie sans doute peu l'arrivée au pouvoir d'une puissance sunnite qui peut être instrumentalisée par l'Arabie Séoudite pour l'encercler mais elle fera contre mauvaise fortune bon coeur en s'efforçant de protéger les chiites locaux (les Hazaras) et en cherchant à éviter d'être débordée par un afflux de réfugiés. 

 

          - Le Pakistan triomphe mais "à vaincre sans péril...". Le gouvernement de ce pays aurait quand même tout intérêt à se méfier du soutien éventuel que les talibans afghans pourraient apporter aux talibans pakistanais. La marionnette peut prendre vie. Le Qatar, l'Arabie Séoudite et la Turquie se réjouissent aussi mais, de toute façon, ils sont loin.

 

          - La question que tout le monde se pose est : pourquoi Trump puis Biden ont-ils lâché l'Afghanistan ? La réponse est simple : ils se sont rendus compte que ce pays était "non essentiel". Ils préfèrent concentrer leurs efforts en direction de la Chine leur nouvel ennemi mondial. Il semble qu'ils aient obtenu l'engagement ferme, de la part des talibans, que ceux-ci n'accorderont aucune aide aux islamistes qui voudraient s'en prendre aux intérêts américains. 

 

          - Les talibans vont-ils vouloir appliquer la charia dans toute sa férocité ?  Ou bien vont-ils être assez intelligents pour comprendre que la clé de leur réussite est la satisfaction des besoins basiques de la population. Ce n'est pas gagné car un idéologue reste un idéologue. 

 

     Reste une interrogation. On constate que les régimes théocratiques ont très rarement été le fait de religieux chrétiens. Calvin a bien essayé d'en constituer un à Genève ; on peut, aussi,  évoquer les ordres militaires religieux comme les Chevaliers Teutoniques mais, sinon, le civil a toujours prédominé face au religieux. Inversement et ironiquement, ce sont des anti-chrétiens qui ont mis en place des régimes quasi théocratiques ; tout particulièrement à l'époque de Staline ou de Mao et, sur le bord opposé, avec Hitler. 

 

     Par contre, la tentation théocratique est permanente dans l'islam. Je ne développe pas ici mais il y a là un vaste sujet de réflexion. Une piste quand même. Le christianisme primitif ne s'est pas imposé par la force des armes ; au contraire, Jésus et ses principaux disciples ont été condamnés à mort et exécutés. Cette religion a été, pendant longtemps, minoritaire voire persécutée. Il a fallu attendre environ 3 siècles pour qu'elle devienne religion officielle d'États ayant déjà leurs propres lois : Arménie, Géorgie, Éthiopie, empire romain. Inversement, Mahomet, chassé de La Mecque, est revenu par la force militaire, dans sa ville d'origine.  Dès le début, c'est l'islam qui est la base des lois dans les États dirigés par les musulmans ; d'ailleurs le "calife" est chef religieux autant que souverain civil. Cette conception de la primauté du religieux est encore fort prégnante dans le monde musulman ; l'État islamique ne prétendait-il pas vouloir restaurer le "califat" aboli par Atatürk. 

 

 

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10 octobre 2020 6 10 /10 /octobre /2020 06:41

     C'est sous ce titre que France 3 a diffusé, mardi soir, un documentaire en deux parties consacré à la décolonisation française. Vous pouvez encore le voir en "replay" :https://www.france.tv/france-2/decolonisations-du-sang-et-des-larmes/

 

     Il s'agit d'un travail remarquable et, malgré les 160 minutes, on le suit assez facilement de bout en bout. Même s'il n'y a pas de carte précise (ce qui nécessite d'avoir un atlas sous la main quand on n'est pas spécialiste), la présentation est fort pédagogique sans être ennuyeuse d'autant que la présentation des faits est entrecoupée par des témoignages nombreux et très souvent fort pertinents. 

 

     Le grand avantage de ce document est qu'il est quasiment exhaustif. Souvent, quand on parle de la décolonisation de l'Empire Français, on pense guerre d'Algérie, guerre d'Indochine voire décolonisation de l'Afrique dite noire. Et c'est tout. Le film dévoile d'autres lieux de conflits que la plupart des Français ignorent, y compris ceux qui viennent de quitter le lycée. Même moi, qui suis pourtant un ancien "professionnel", j'ai appris quelques détails supplémentaires. Par exemple, comment les gouvernements de la IVème République (et, singulièrement Mitterrand alors ministre des colonies) avaient combattu le Rassemblement Démocratique Africain et convaincu par la violence et les promesses, Houphouêt-Boigny de rentrer dans le rang en Côte d'Ivoire.

 

     Le déroulement des conflits de décolonisation est souvent très bien résumé. Je me permettrai seulement une critique concernant quelques pays. C'est surtout en ce qui concerne l'Algérie que le film est le moins complet. On ne nous explique pas ce qu'était le F.L.N. qui déclenche l'insurrection le 1er novembre 1954. C'est pourtant essentiel car ce groupe très limité est une dissidence du grand parti nationaliste dirigé par Messali Hadj (le M.N.A.). D'ailleurs, le même problème se pose avec Madagascar où l'insurrection de 1947 a été lancée par la J.I.N.A. un groupe de militants en marge du grand parti nationaliste M.D.R.M. qui sera durement réprimé alors qu'il n'y est pour rien. Toujours en ce qui concerne l'Algérie, il aurait quand même fallu parler du 13 mai (1958 !) qui fit vaciller la République et du putsch d'Alger qui fit vaciller le pouvoir gaulliste. En ce qui concerne l'Indochine, c'est surtout la genèse du Viet Minh qui manque.

 

     Le film n'oublie pas d'évoquer les "confettis de l'Empire", ces petits territoires d'Afrique, d'Amérique ou d'Océanie qui sont encore dépendants de la France. Et de rappeler la répression en Guadeloupe ne 1967 ainsi que l'émigration plus ou moins forcée des Antillais et réunionnais vers la métropole. Il évoque la fraude électorale et le harcèlement du Parti Communiste Réunionnais mais il aurait pu parler des manoeuvres ayant permis de mettre sur la touche Pouvanaa Oopa en Polynésie et Pierre Lenormand en Nouvelle Calédonie.

 

     Un dernier point : le film laisse entendre que la décolonisation britannique fut plus "pacifique". Cette thèse est sous-jacente dans nombre de livres d'Histoire mais elle est fausse. Une des raisons de l'erreur est le fait que les Anglais on commencé plus tôt (avec les "Dominions" dirigés par des colons "blancs") et qu'ils n'ont pas connu de conflits comparables aux guerres d'Indochine et d'Algérie. Cependant, il y eut des guerres coloniales nombreuses : Irlande, Chypre, Yémen du Sud, Kenya, Malaisie. Et puis, surtout, comme les Anglais appliquaient le principe de "diviser pour régner", l'indépendance s'est souvent traduite par des guerres civiles ou des massacres entre populations diverses. On pense à la partition de l'Inde qui fit des millions de morts et des dizaines de millions de déplacés. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres : Rhodésie du Sud (devenu Zimbabwe), sud du Soudan. Sans oublier que le partage de la Palestine a entraîné un conflit dont nous ne voyons toujours pas la fin. 

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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