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21 juillet 2020 2 21 /07 /juillet /2020 21:27

     La mort de George Floyd, sous les coups d'un policier de Minneapolis a montré la persistance du racisme aux États-Unis. Le racisme existe, malheureusement, dans tous les pays mais, dans la première puissance mondiale, il s'appuie sur toute une série de causes qui, cumulées, font que, dans cet État, la discrimination et la haine raciales sont particulièrement prégnantes.

 

     Mais qu'est-ce que le racisme ? Il s'agit d'une idéologie discriminatoire. Elle postule, tout d'abord, qu'il existe différentes races dont les contours sont plus ou moins bien définis. Les racistes déploient des trésors d'imagination sordide pour définir les critères discriminants censés être les plus scientifiques possibles. Le plus souvent, les racistes s'appuient sur l'aspect physique pour mépriser ceux dont la peau est plus sombre mais d'autres éléments peuvent entrer en jeu comme la religion, la généalogie ou l'histoire. Et, ensuite, le racisme prétend qu'il y a inégalité entre les races ; il existe des races supérieures et des races inférieures dont les racistes dénient parfois l'humanité même. Par voie de conséquence, les premières ont tous les droits sur les secondes ; y compris de les anéantir. 

 

     Revenons maintenant aux États-Unis. 

 

     La première cause du racisme dans ce pays, c'est la colonisation. Et comme partout, elle fut brutale. Quand les premiers colons européens ont pris possession de ce qui allait devenir la territoire des États-Unis, il ne s'agissait pas d'une "terre sans peuple" (pour paraphraser la première partie d'une formule célèbre justifiant une autre entreprise coloniale). Là-bas vivaient plusieurs millions de ceux que l'on a appelé les "Indiens", représentant une grande diversité culturelle. Au départ, ils accueillirent plutôt pacifiquement les Européens qui débarquaient  sur ce continent mais ils furent mal payés en retour alors que les nouveaux arrivants n'auraient pas pu survivre sans l'aide des techniques ancestrales des autochtones. Très vite, les envahisseurs perpétrèrent des massacres : arrivés en 1607, les colons de la Virginie tuèrent des "indigènes" (le mot doit être pris au sens propre : ceux qui sont du pays) dès 1608. Contre les "sauvages" tout est permis. Début d'une interminable série de crimes contre l'humanité (esclavage, génocide, ethnocide, déportations...). A tel point que les survivants, parqués dans des "réserves" n'étaient plus que 100 000 au début du XXème siècle. Voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2017/11/apres-la-mort-de-dennis-banks.html. La façon dont ont été traitées les "Premières Nations" est l'acte fondateur du racisme américain. 

 

     Il y a un facteur aggravant. En 1620, un groupe de protestants "non conformistes", ayant traversé l'océan à bord du Mayflower, débarque au Nord-Est du futur État. Il s'agit donc d'exilés qui pensent trouver, loin de chez eux, une sorte de "Terre Promise" pour les "vrais" croyants. Puisque c'est Dieu lui-même qui leur a donné providentiellement cette terre qui peut s'y opposer ? On remarquera qu'il s'agit, également, d'une entreprise coloniale non étatique ; c'est rare mais non exceptionnel comme on le verra plus tard en Afrique ou au Proche-Orient. Cette épopée est un des mythes fondateurs des États-Unis au point qu'on la célèbre par le "Thanksgiving Day" et que les descendants des colons sont nombreux à considérer sans complexe qu'ils sont les "premiers habitants".

 

     La seconde cause du racisme est l'esclavage. Il a été pratiqué pendant plus de 250 ans aux États-Unis. Par définition cette pratique est raciste puisque l'esclave est considéré comme une chose (un bien du propriétaire) et non un être humain libre. Il faut, glisser, ici, quelques petites remarques. Tout d'abord pour signaler que le maître ayant tous les droits, il pouvait sans se gêner, violer les femmes esclaves qui accouchaient d'enfants métis ; ceux-ci pouvaient devenir libres (voire posséder des esclaves) mais n'en étaient pas moins discriminés. Ensuite, pour rappeler qu'un exploitant avisé avait intérêt  à éviter une trop forte mortalité de ceux qui étaient sa propriété même si la traite a permis, pendant longtemps, de renouveler la main d'oeuvre. Il s'en suit, que les esclavagistes et leurs successeurs racistes n'ont jamais voulu la destruction des afro-américains mais seulement leur soumission y compris après que ces derniers aient obtenu la liberté. 

 

     Autre facteur aggravant : l'esclavage n'a été aboli qu'à l'issue d'une très meurtrière guerre civile : la Guerre de Sécession. A la fin de ce conflit, les "États Confédérés d'Amérique", nom choisi par 13 États sécessionnistes, furent vaincus et le Congrès des États-unis vota plusieurs amendements abolissant l'esclavage et proclamant l'égalité entre tous les citoyens. Les anciens esclaves devenus libres purent croire à une vie meilleure pour peu qu'ils développent leurs talents. Funeste erreur car, dans le "Sud" les racistes purent, peu à peu, reconquérir le pouvoir et prendre leur revanche. Ils mirent en place des législations instituant la ségrégation qui servira de modèle ultérieur aux lois anti-juives des nazis et à l'apartheid sud-africain. Dans beaucoup d'États du Sud, les Noirs furent privés du droit de vote et la séparation entre les "Blancs" et les "colorés" fut systématisé : écoles séparées, églises séparées, cimetières séparés, hôpitaux séparés, places séparées dans les transports, les restaurants....selon le principe hypocrite : "séparés mais égaux". Bien évidemment, pour sauvegarder la soi-disant "pureté de la race", les relations sexuelles entre "Blancs" et personnes "de couleur" étaient strictement interdites.

 

     Aussi surprenant et scandaleux que cela puisse paraître, la discrimination raciale s'étendit au-delà des États racistes. Par exemple dans l'armée où, jusqu'aux lendemains de la seconde guerre, les personnes de couleur ne pouvaient espérer un grade d'officier. Et, dans les États non ségrégationnistes, les gens de "couleur" étaient constamment victimes d'un racisme "ordinaire" : par exemple pour l'accès au logement.

 

     Ce racisme institutionnel se doublait de violences récurrentes contre les "Noirs" : "pogroms" comme celui de Tulsa (Oklahoma) en 1921,  "lynchages". Les responsables des crimes ne furent que très rarement inquiétés. On peut supposer que cette tradition d'impunité a inspiré le policier violent de Minneapolis. 

 

     Voir cet article qui résume un siècle de violence raciste : https://www.lhistoire.fr/%C3%A9tats-unis-un-si%C3%A8cle-de-s%C3%A9gr%C3%A9gation

 

     Il faudra attendre un siècle exactement après l'abolition de l'esclavage pour que le racisme institutionnel soit définitivement interdit aux États-Unis en 1965. Il faut saluer le courage des militants non violents noirs et de leurs soutiens "libéraux" blancs qui malgré les violences subies et les assassinats réussirent à retourner l'opinion et à contraindre le président Johnson (lui-même sudiste) de faire voter les lois sur les "droits civiques". 

 

     Il ne faut pas, non plus, laisser de côté le racisme ayant visé d'autres groupes humains, immigrés plus tardifs. Que ce soient les catholiques, les Asiatiques, les Latino-Américains et d'autres qui furent également victimes du mépris voire de la violence des "white anglo-saxons protestants". 

 

     Les conséquences de trois siècles et demi de racisme institutionnel sont encore présentes dans la première puissance du monde. Ne serait-ce que par l'inégalité sociale qui subsiste de façon parfois brutale. Une défaite de Trump dont le père fut membre d'une organisation raciste (le Ku Klux Klan) et qui attise en permanence la haine raciale, serait une oeuvre de salubrité publique.

 

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26 octobre 2019 6 26 /10 /octobre /2019 17:14

     J'aurais également pu écrire : Trudeau comme Trump mais on aurait pu croire que le premier ministre canadien qui vient de remporter le plus de sièges aux élections fédérales canadiennes du 21 octobre menait la même politique que le président des États-Unis alors qu'il ressemble plutôt à Macron. 

 

     L'exploit de Trudeau est le suivant : le Parti Libéral du Canada qu'il dirige a obtenu moins de voix (33,1%) que le Parti Conservateur du Canada dirigé par Scheer (34,4%) et une différence de 240 000 votants. Pourtant, il a gagné plus de sièges : 157 contre 121. A noter que ce sont des résultats provisoires dans la mesure où 3 réclamations ont été déposées par des candidats battus. On comparera utilement avec l'article écrit il y a 4 ans : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2015/10/raz-de-maree-rouge-sur-le-canada.html

 

     La même mésaventure était arrivée à la candidate démocrate en 2016. Elle avait obtenu 2 868 000 voix de plus que Trump (+2,09 points de pourcentage) mais avait perdu en ne récupérant que 227 voix du collège électoral contre 304 à son adversaire.

 

     Comment est-ce possible ? 

 

     Comme en France, ces élections n'ont pas lieu à la proportionnelle mais au scrutin majoritaire. A deux tours en France ; à un seul dans les pays anglo-saxons. La distorsion entre les votes populaires et les sièges peut être considérable. Ainsi, Macron a pu obtenir une large majorité à l'Assemblée Nationale alors qu'il n'atteignait même pas 25% au premier tour de la Présidentielle. Inversement, Marine Le Pen, arrivée seconde n'a eu qu'une poignée de députés ; moins que LR (parti de Fillon), le PS, la France Insoumise et le PCF. 

 

     En effet, dans ce type de scrutin, l'essentiel est d'arriver en tête au premier ou au second tour dans le plus grand nombre de circonscriptions.

 

     Le problème des conservateurs canadiens est qu'ils ont des "fiefs" inexpugnables dans les 3 provinces des Prairies. Ils y dépassent fréquemment les 50% face à 5 concurrents mais atteignent parfois des sommets à plus de 85% des voix. Ils engrangent des suffrages qui font monter leur moyenne mais sont faibles ou très faibles dans d'autres circonscriptions (en particulier dans les plus grandes agglomérations qui votent nettement libéral). La moyenne flatteuse cache donc des différences considérables. 

 

     La même mésaventure touche le Nouveau Parti Démocratique (parti de la gauche modérée) et les Verts. Avec respectivement 15,9% et 6,5%, ils n'obtiennent que 24 et 3 sièges alors que le Bloc Québecois en a 32 avec 7,7% des voix car il obtient un pourcentage bien plus élevé au Québec, seule province où il se présentait (32,5%, juste derrière les libéraux). 

 

     Je vous joins, ci-dessous, la carte des élections de 2019 et celle des élections de 2014. On voit bien le raz-de marée conservateur dans les Prairies (aux dépens du NPD), le recul relatif du PLC dans les Maritimes (au profit du PCC), les progrès du BQ au Québec (généralement aux dépens du NPD) et le poids du PLC dans les grandes agglomérations. 

 

     Si on compare avec les élections nationales québecoises (voir : https://www.electionsquebec.qc.ca/provinciales/fr/resultats-sommaire-2018.php et http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2018/10/tournants-historiques-au-quebec.html ) on constate que le Parti Libéral Canadien a les mêmes points forts au Québec que le Parti Libéral du Québec et qu'il progresse nettement ; que le Bloc Québecois a récupéré les électeurs du Parti Québecois mais, également un nombre significatif venus de la CAC et de Québec Solidaires ; que les conservateurs canadiens n'ont récupéré qu'une petite partie des voix de la CAC et le NPD qu'une partie des voix de Québec Solidaires. 

Andrew Scheer comme Hillary Clinton
Andrew Scheer comme Hillary Clinton
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1 avril 2019 1 01 /04 /avril /2019 19:04

     On n'en sait pas encore la date ni les modalités mais une chose est sûre : le Royaume-Uni va quitter l'Union Européenne. Or, dans les faits sinon en droit, la langue anglaise était quasiment la langue officielle de l'ensemble de la Confédération. 

 

     Après le départ du principal pays anglophone d'Europe, la langue de Shakespeare sera la langue maternelle d'une infime partie de la population des 26. En effet, l'anglais n'est majoritairement parlé que dans la République d'Irlande où elle est, pourtant, théoriquement, en seconde place. On pourrait y ajouter Malte, autre ancienne colonie britannique où l'anglais est la seconde langue bien que représentant peu de locuteurs. Voire la troisième ex-colonie : Chypre. 

 

     J'ai appris que pour résoudre le paradoxe, les "bureaucrates de Bruxelles" avaient réfléchi à une langue commune qui ne soit pas l'anglais. La solution qui est tout de suite venue à l'esprit est de choisir l'allemand qui est la langue la plus parlée dans l'Union Européenne. En Allemagne et en Autriche bien sûr mais, également, dans une bonne demi-douzaine d'autres pays (le Président actuel de la Roumanie et un ancien Président de Slovaquie sont germanophones de même que plusieurs sportifs italiens, un ancien ministre des Affaires Étrangères tchèque et j'en passe...). Bien évidemment, en ayant eu vent, Mélenchon a eu tôt fait de crier au complot de Merkel et fit tant de bruit et de fureur que l'affaire fut pliée. 

 

     Macron tenta, sans succès, de ressusciter le passé glorieux du français comme langue internationale et, ainsi, de pousser ses pions mais comme ses collègues étaient incapables de déchiffrer sa prose, étant donné que notre langue est de moins en moins comprise et que Macron a la fâcheuse tendance de la truffer d'anglicisme, le projet capota. 

 

     C'est alors qu'un brillant intellectuel suggéra l'espéranto qui n'a aucune connotation "impérialiste" mais plus grand monde ne  parle la langue inventée par un Polonais. Les fonctionnaires de l'Union Européenne confondant Zamenhof et Alzheimer.

 

     Pour trouver une solution, il fut suggéré de chercher le plus petit dénominateur commun. Soit une langue parlée dans un tout petit État. On commença par penser à l'irlandais (voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2018/08/periple-dans-une-ancienne-colonie-anglaise.html). Cela aurait été une belle revanche contre le Brexit ; les Écossais, les Gallois et les Bretons commençaient à jubiler. Cependant, l'écriture de la langue est complexe ce qui rebuta les responsables de l'Union. Et, surtout, il est vite apparu que les dirigeants du pays ne connaissaient pas leur première langue officiellle.  

 

     Ensuite, venait le maltais. Mais Orban, rejoint par Salvini, Le Pen, Beaudet (un néerlandais) et toute l'extrême-droite ne pouvait admettre une langue aussi proche de l'arabe qui, par conséquent, sentait le soufre djihadiste.

 

     On songea à faire une infime exception en proposant le latin qui est, peu ou prou, la langue officielle d'un État enclavé dans l'U.E.. Cela paraissait idéal car il existe une demi-douzaine de pays de langue "latine" auxquels il faut ajouter tous les pays à dominante catholique. L'idée suggérée par l'Espagne et le Portugal eut l'assentiment extérieur de la Confederatio Helvetica et, au sein de l'U.E., des deux États héritiers de la "République des deux Nations" dont le latin fut la première langue officielle. Salvini était pour (je ne parle pas de Conte qui est le Premier Ministre mais qui n'a pas plus de pouvoir réel que la reine du Royaume-Uni) mais on vit se dessiner une sainte alliance inédite entre Tsipras, devenu le fer de lance l'orthodoxie, et Merkel, fille de pasteur luthérien. 

 

     On s'acheminait vers un "no deal" (horreur) quand un accord fut conclu secrètement jusqu'à ce qu'il soit annoncé publiquement lors du départ du R.U. Je vous le livre en avant-première : choisir la langue du Président de la Commission Européenne. Pour le moment, la langue officielle de son pays est parlée dans 3 autres pays ce qui n'est pas rien. Par conséquent, les fonctionnaires européens vont se mettre rapidement à apprendre cette langue qui était celle de Clovis et qui est assez proche de l'allemand. Vive le francique (ordinairement appelé "platt" en France)

 

     Abrëllsgeck - Schéinen Dag !

     

 

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19 mars 2019 2 19 /03 /mars /2019 11:57

     Question dont la réponse est essentielle pour la suite. Les opposants - quels qu'ils soient - sont-ils capables de se mettre d'accord sur un projet de transition ? La réponse n'est pas simple car l'opposition est divisée et, surtout, parce qu'elle n'apparaît pas toujours crédible auprès des manifestants qui insistent sur l'indépendance et l'horizontalité de leur mouvement. 

 

     Un élément de réponse dans cet article : http://www.regards.fr/monde/article/quelle-s-opposition-s-en-algerie

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13 mars 2019 3 13 /03 /mars /2019 11:50

     L'Algérie est le premier pays étranger que j'ai visité. C'était il y a presque 52 ans soit 5 ans après l'indépendance. J'y suis retourné l'année suivante (voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2018/08/voyager-il-y-a-50-ans-3.html). Les traces de la colonisation et de la guerre étaient encore très visibles dans les paysages et dans les discussions nombreuses que j'avais eues avec des Algériens. Je n'y ai pas remis les pieds depuis ce temps-là mais j'aurais aimé pouvoir y retourner car ce pays - beaucoup moins touché par le tourisme que ses voisins - est très attachant. Je m'intéresse donc, encore, à ce qui s'y passe.

 

    En 1967, les espoirs de 1962 s'étaient déjà, en partie évanouis. Après les envolées lyriques de  Ben Bella et des tentatives avortées d'autogestion, le pouvoir fut très vite confisqué, dès 1965, par les militaires dirigés par Boumédiène. Les hommes en arme n'ont plus lâché les rênes depuis cette date. Pendant quelques temps, le régime apparut comme progressiste puis, avec les révoltes de 1988, sa nature clanique voire mafieuse s'étala au grand jour. Comme dans nombre d'autres pays "arabes", la gauche se trouva dans l'incapacité de prendre la relève des militaires et ce sont les islamistes qui tirèrent leur épingle du jeu. Jusqu'à ce qu'un coup d 'État militaire ne leur vole une victoire probable. S'ensuivit la "décennie noire" qui fit environ plus de 100 000 morts.

 

     C'est alors que Bouteflika, un ancien militant indépendantiste et jeune ministre dès 1962 (à l'âge de 25 ans), fut choisi par les cercles du pouvoir comme une solution civile acceptable. Après avoir été écarté, en 1981, pour prévarication, il s'était exilé en Suisse et était revenu 6 ans plus tard en Algérie sans jouer de rôle de premier plan. Son élection, en 1999, fut contestée comme le furent ses réélections de 2004 et 2009. Quant à celle de 2014, ce fut comme une répétition de ce que les clans dirigeants voulaient rééditer en 2019. Car, malgré un grave accident vasculaire survenu en 2013 qui rendit le Président incapable de diriger le pays, il se présenta (ou, plutôt, "on" le présenta), il gagna et disparut quasi totalement, remplacé de façon grotesque par son portrait. 

 

     Le même scénario était concocté, sans peur du ridicule, par ceux qui s'en servent comme d'un paravent. Malgré cette situation honteuse (mais pas aussi rare qu'on ne l'imagine) le peuple algérien semblait résigné jusqu'à ce que quelques courageux prennent le risque de descendre dans la rue. Premières manifestations à Kherrata (symbole de la révolte de 1945) puis à Alger le 22 février. Ensuite, la peur changea de camp et ce furent des marées humaines qui manifestèrent dans le plus grand calme contre un 5ème mandat et le "système". 

 

     Panique au sommet. La candidature de Bouteflika fut quand même présentée puis le pouvoir annonça qu'il ne se présentait plus mais prolongeait son mandat. Coup d'État institutionnel qui a pour but de laisser les clans préparer l'après Bouteflika. Si le peuple algérien leur en laisse le temps. 

 

     Deux articles à chaud : 

- l'un de mon camarade Jacques Fontaine : https://www.ensemble-fdg.org/content/algerie-espoir-et-vigilance

- l'autre co-signé par Mohamed Harbi, ancien dirigeant du FLN, qui en a écrit l'histoire et qui fait entendre, depuis des lustres, une voix de gauche indépendante : https://www.ensemble-fdg.org/content/lalgerie-est-au-bord-de-leclosion-0

 

     Et je vous conseille la lecture sur le Net des quotidiens indépendants en français. Ils sont nombreux et généralement de qualité. Attention : El Moudjahid est le quotidien officiel. Je vous conseille El Watan et son caricaturiste Le Hic ; Liberté et son caricaturiste Dilem et Le Soir d'Algérie et son caricaturiste Karim.

 

     

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28 février 2019 4 28 /02 /février /2019 08:24

     Je ne suis jamais allé au Venezuela et je n'ai jamais étudié spécifiquement ce pays. Je ne suis donc pas un spécialiste et je ne prétends pas fournir des analyses pointues sur le sujet. Cependant, pour des raisons personnelles, j'ai de l'intérêt pour ce pays

 

     La situation au Venezuela n'est pas rose mais elle risque rapidement de virer au tragique si les dirigeants politiques ne font pas preuve du sens des responsabilités et si les diplomates sont impuissants à éviter la guerre qui menace. 

 

     Un petit retour en arrière pour commencer. 

 

     Le Venezuela fut une colonie espagnole relativement secondaire jusqu'à son indépendance conquise au début du XIXème sous l'impulsion de Simon Bolivar. A cette époque, il vivait principalement de l'agriculture et de l'exportation de produits tropicaux. Ce pays était, à la fin du XIXème un grand producteur et exportateur de cacao et de café. 

 

     Tout change avec le pétrole. Il est exploité dès 1878, autour de la lagune de Maracaibo mais le boom ne commence que pendant le première guerre sous l'impulsion d'une filiale de Shell puis de compagnies américaines. Très vite, le Venezuela devient un des principaux producteurs et exportateurs de pétrole. Il va le rester longtemps et être, à certains moments, le premier exportateur. 

 

     Le principal client du pétrole vénézuelien est les États-Unis. Ceux-ci ont été, pendant longtemps, les premiers producteurs mais ils sont depuis des lustres les premiers consommateurs. La première raison des importations venant de la patrie de Bolivar est surtout technique : le pétrole lourd de ce pays est mélangé avec celui plus léger du Texas. Ces importations servent également à combler le déficit qui apparaît dans la seconde moitié du XXème siècle. Donc, contrairement à une opinion répandue, les E-U. ont plus besoin de pétrole vénézuelien que de pétrole du Proche Orient. Une partie importante du pétrole vénézuelien n'est pas raffinée sur place mais l'est soit aux E.-U. soit sur les îles néerlandaises de Curaçao et Aruba toutes proches.

 

     Aux lendemains de la guerre, le Venezuela apparaît comme un eldorado pour les pauvres Européens qui y émigrent ; le P.I.B. par habitant est y nettement plus élevé qu'en Europe du Sud (il en est de même à Cuba, en Uruguay et en Argentine). Cependant, les inégalités sociales sont considérables et vont même s'aggraver à la fin du XXème : le pétrole enrichit une élite blanche et laisse à l'écart les populations métissées des campagnes et des bidonvilles.

 

     Le Venezuela va connaître, comme nombre de pays d'Amérique Latine l'alternance de régimes militaires et de période de démocratie plus ou moins longue (voir http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2017/10/amerique-latine-terre-de-revolutions.html). En 1958, c'est le retour de la démocratie et, pendant un temps, une politique économique et sociale assez ambitieuse. Le pays est un des fondateurs de l'O.P.E.P. et nationalisera son pétrole en 1976 constituant Petroleos de Venezuela S.A. (P.D.V.S.A.) qui devient une sorte d'État dans l'État (en 2009, le pétrole donc la compagnie nationale c'est 90% des recettes d'exportation, 50% du budget de l'État et 33% du P.I.B.).

 

     De ce fait, ce pays est très dépendant des cours du pétrole. Qu'ils s'effondrent et toute l'économie est en berne. Une des manifestations la plus spectaculaire de ce phénomène eut lieu en 1989 quand le gouvernement - théoriquement de gauche - aux prises avec de graves difficultés financières, lança un programme d'austérité draconien. Celui-ci eut pour conséquence un soulèvement de la population des bidonvilles, marqué par des émeutes et des pillages qui entraînèrent une répression violente de l'armée faisant sans doute 3 000 morts (c'est le "caracazo" nom donné en référence au "bogotazo" causé par l'assassinat de Gaitan en Colombie en 1948). Réplique de ces événements : en 1992, deux tentatives de coup d'État militaire qui échouèrent. L'auteur, Hugo Chavez, fut emprisonné pendant 2 ans puis amnistié. En 1998, il accède au pouvoir légalement et triomphalement. 

 

     Chavez, né en 1954, est un métis, aux origines indiennes évidentes, issu d'une famille d'enseignants modestes de la province qui professe des idées de gauche. Il s'engage dans l'armée à 17 ans sans renier ces idées. A l'époque, l'impérialisme américain est fortement contesté en Amérique Latine. Non seulement par Castro et  les tenants du castrisme (y compris au Venezuela où se créeront plusieurs foyers de guérilla) mais, également par des  militaires "nationalistes-révolutionnaires" comme  le Péruvien Velasco Alavarado (au pouvoir de 1968 à 1975) et le Panaméen Torrijos (de 1968 à 1981). Chavez est surtout fasciné par la personnalité de Bolivar qui incarne l'indépendance nationale et le progrès social.

 

     Chavez restera au pouvoir jusqu'à sa mort en 2013. Il réussira à sortir vainqueur (en 2002) d'un putsch soutenu par les Américains et d'autres pays après que le peuple des "cerros" (ces bidonvilles accrochés à la montagne dominant le centre de Caracas) et certains militaires se soient soulevés contre le coup d'État. Il sera réélu et ses partisans remporteront les élections à de nombreuses reprises (sauf quand Chavez veut modifier la Constitution pour se faire réélire indéfiniment). 

 

     Qu'est ce qui explique cette popularité ?

 

     Tout d'abord, il change les règles du jeu politique. Non seulement au plan formel avec une Constitution plus démocratique mais, également en mobilisant sur son nom les classes populaires métisses, noires et amérindiennes qui le reconnaissent comme l'un des leurs et qu'il réintroduit dans un jeu politique qui était dominé jusque là par une alternance molle entre un parti démocrate-chrétien, un parti social-démocrate et un parti conservateur. La création d'un parti "bolivarien" devenu par absorption de divers groupes le Parti Socialiste Unifié du Venezuela en 2007, parti de masse entièrement dévoué à son chef, formera l'assise de son pouvoir conjuguée avec une omniprésence médiatique et des talents de tribun. En ce sens, il est "populiste" comme le sera également Morales en Bolivie, un Indien. Et comme l'était, avec les spécificités argentines, le Peron de la fin des années 1940. Ou Castro, bien évidemment. Même si les 4 exemples ont leurs caractéristiques propres. Et puisque l'on parle d'un ancien militaire, on peut, également penser à Nasser, Atatürk ou Reza Chah voire Sankara.

 

     Comme Peron et comme Castro, Chavez va lancer un vaste programme social pour combler le fossé entre les classes. Avec de beaux résultats au début des années 2000.

 

     Le pétrole va lui servir de vache à lait mais cela n'aura qu'un temps.

 

     Tout d'abord, Chavez se heurte très vite à l'opposition des cadres et techniciens de P.D.V.S.A. qui vont se lancer dans une grève très dure qui se terminera par le licenciement de plusieurs milliers d'entre eux et, par voie de conséquences, par une grave pénurie de personnel qualifié.

 

     Ensuite, l'argent utilisé par la politique sociale manque alors pour investir dans la  modernisation de ses installations pétrolières vieillissantes dont la productivité décline et dans l'exploitation de vastes gisements situés dans le bassin de l'Orénoque.

 

     Enfin, la gestion de la compagnie est confiée à des proches du régime, souvent incompétents et parfois corrompus.

 

     On en arrivera à la situation paradoxale d'un pays qui possède les plus vastes ressources pétrolières "potentielles" du monde (entre 15 et 20% ; devant l'Arabie Séoudite) et dont la production baisse.

 

     La situation économique n'est pas bonne en 1998 mais les cours se redressent ensuite. A ce moment, le Venezuela ne profite pas suffisamment de cette embellie pour diversifier l'économie. Quand, une quinzaine d'années plus tard, les cours s'effondrent , le Venezuela est pris à la gorge comme d'autres pays mono-exportateurs. Le Venezuela a bien tenté, dans le passé, une diversification en exploitant ses ressources hydroélectriques et ses minerais qui font marcher les usines de sidérurgie et d'aluminium mais sans vraiment entamer la mono-activité pétrolière. Quant aux biens de première nécessité à commencer par la nourriture ils sont en très grande partie importés. 

 

     On touche du doigt ce que l'on appelle la "malédiction du pétrole". Dans nombre de pays exportateurs, l'argent du pétrole est mal utilisé. Soit, on développe une industrie lourde en abandonnant l'agriculture et la petite industrie (c'est le modèle soviétique appliqué, par exemple, en Algérie) ; soit les bénéfices se retrouvent dans les poches d'une caste civile ou militaire (c'est encore le cas en Algérie mais, également au Nigéria, au Gabon, au Congo, en Angola...). 

 

     Chavez meurt d'un cancer en 2013 après avoir réussi à se faire réélire en 2012 avec une marge plus faible que précédemment. Des élections présidentielles sont alors, à nouveau, organisées et se traduisent par une victoire sur le fil des chavistes. Son successeur, Maduro, n'a pas son charisme et, qui plus est, il doit faire face à une situation économique de plus en plus catastrophique. Alors qu'une partie de la base sociale du chavisme s'en éloigne, l'opposition espère que son heure est venue. Elle remporte haut la main les élections législatives de 2015 mais Maduro réplique en convoquant, en 2017, des élections pour  une Constituante qui est boycottée par l'opposition. Les chavistes dominent cette nouvelle institution qui s'arroge le pouvoir législatif concurremment à l'Assemblée Nationale. Puis suit en 2018, une élection présidentielle boycottée par une grande partie de l'opposition Maduro l'emporte largement mais ses adversaires refusent de reconnaître sa légitimité. Ce résumé rapide laisse de côté les violences ayant eu lieu lors des manifestations de l'opposition et qui se sont soldées par des dizaines de victimes. 

 

     Ces jeux politiques pourraient paraître dérisoires si la situation économique et sociale n'était pas catastrophique : endettement croissant au risque du défaut de paiement, inflation monstrueuse, pénuries dans tous les domaines, chômage de masse, insécurité en hausse... Ce qui a amené quelques millions de Vénézuéliens à émigrer (environ 10% de la population).

 

     Dans ces conditions, chacun des 2 blocs politiques se rend compte qu'il est dans une impasse. Les uns craignant de perdre le pouvoir, les autres d'hériter d'une situation impossible. Le Vatican participera à une tentative de médiation mais elle est abandonnée. Pendant ce temps, Trump a été élu et il considère Maduro comme sa bête noire qu'il doit faire tomber à tout prix. 

 

     L'occasion est donnée en janvier de cette année. Maduro est investi le 10 janvier. Quelques jours plus tard, le nouveau président de l'Assemblée Nationale, Guaido, se proclame Président de la République par intérim. Le pays a donc, désormais, 2 Assemblées concurrentes et 2 Présidents. Sans surprise, les E.-U. reconnaissent Guaido. Le quotidien "Le Monde" a raconté comment ce dernier a été "fabriqué" par Washington. Il s'agit donc d'un "coup d'État constitutionnel" comme celui qui a renversé Manuel Zelaya au Honduras en 2009 et Dilma Rousseff au Brésil en 2016. De nombreux pays d'Amérique Latine suivent : la droite y est au pouvoir ou y est revenue récemment. Exceptions : Cuba, bien sûr, plus la Bolivie, l'Uruguay et le Mexique qui sont gouvernés à gauche et craignent d'être les prochaines cibles. Quant à Trudeau, le Premier Ministre canadien, il s'est comporté en "caniche" de Trump ; pas glorieux. Idem pour Macron même s'il y met les formes. Il est vrai que Total lorgnerait les ressources pétrolières.

 

     Outre la Turquie et l'Iran violemment anti-américains et dont les régimes connaissent les mêmes problèmes et les mêmes dérives que celui de Maduro, il faut noter que la Chine et la Russie soutiennent Maduro. Pas seulement par sympathie idéologique mais surtout parce qu'ils sont très engagés financièrement dans le pays. 

 

     Quelle issue ?

 

     Les E.-U. ont envoyé une soit-disant "aide alimentaire" alors que leur politique est responsable d'une partie des malheurs du peuple vénézuelien. Ils tentent, pour le moment en vain, de la faire passer au Venezuela. Ils souhaiteraient, également, installer des militaires aux frontières au cas où... Ce qui ne fait pas plaisir aux militaires brésiliens alors que Bolsonaro est prêt à tout accorder à Trump. 

 

     Des militants de gauche, au Venezuela comme en France, dénoncent depuis plusieurs années la dérive autocratique et l'échec économique et social de Maduro. Malheureusement, ils sont bien faibles et dépassés par une polarisation dangereuse (voir :  https://www.ensemble-fdg.org/content/venezuela-debat-cest-une-tragedie-sociale-que-le-gouvernement-ne-reconnaisse-pas ; https://www.ensemble-fdg.org/content/seul-le-peuple-souverain-et-mobilise-peut-decider-de-son-destin-avec-referendum-et-elections ; https://www.ensemble-fdg.org/content/pour-une-sortie-democratique-ou-le-peuple-venezuelien-decide  Des gouvernements comme celui du nouvel élu mexicain et, à nouveau, le Vatican, tentent une médiation. 

 

     Les opposants de Maduro comptent sur un retournement de l'armée qui est devenue, de fait, le principal soutien de son gouvernement. Pour le moment, ses dirigeants restent fidèles et le peuple semble prêt à s'opposer, avec eux, à une éventuelle agression militaire. Jusqu'à quand Maduro peut-il tenir ? Et surtout, que ferait Guaido s'il arrivait au pouvoir ? Il a promis la démocratie, la réconciliation nationale, le retour à la prospérité.... mais il lui faudra contenir la soif de revanche des milieux aisés et se démarquer de son protecteur américain. Encore possible ? Par contre, on ne voit pas comment il pourrait relancer l'économie sans brader les ressources pétrolières ni imposer des mesures d'austérité encore plus brutales. Tristes perspectives.

 

 

   

 

 

 

 

     

 

     

     

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10 octobre 2018 3 10 /10 /octobre /2018 07:00

     Les élections à l'Assemblée Nationale du Québec, qui ont eu lieu le 1er octobre 2018, se traduisent par un double tournant historique. 

 

     Pour la troisième fois (après la victoire de l'Union Nationale en 1936 et celle du Parti Québecois en 1976), un parti récent remporte les élections : il s'agit de la Coalition Avenir Québec (C.A.Q.) de François Legault. Et pour couronner le tout, un autre nouveau parti, Québec Solidaire (Q.S.) obtient plus de sièges qu'un "vieux" parti (mais moins de voix). Cependant, à y regarder de près, cette première analyse doit être nuancée. 

 

     En 1936, la victoire de l'Union Nationale de Maurice Duplessis n'était pas tellement signe de nouveauté car ce "nouveau parti" résultait de la fusion d'un parti "classique" (le Parti Conservateur) avec des transfuges de l'autre parti qui dominait la politique québécoise depuis longtemps, le Parti Libéral. D'ailleurs, le Parti Libéral reprenait le pouvoir de 1939 à 1944 avant que ne revienne l'Union Nationale qui restera à la tête du gouvernement jusqu'en 1960. C'est pendant cette période de 16 ans (appelée "Grande noirceur") qu'allait vraiment s'affirmer un tournant à la fois conservateur (et, même réactionnaire) et autonomiste. 

 

     Quand, en 1960, le Parti Libéral reprenait le pouvoir, on pouvait croire qu'il n'y aurait rien de nouveau sous le soleil. Erreur car les libéraux de Jean Lesage incarnaient réellement un virage à gauche : la "Révolution Tranquille"

 

     Le tournant de 1976 était tout aussi important car le Parti Québecois gagnait après seulement 8 ans d'existence. Et il matérialisait la victoire d'un mouvement indépendantiste et - dans une large mesure - progressiste ce qui était tout à fait inédit. 

 

     L'Union Nationale finira par disparaître totalement du paysage politique. Le Parti Libéral restera encore un des pivots de la vie politique mais en occupant l'espace laissé vacant à droite. Ce qui explique les tentatives de relance à droite avec les éphémères bons résultats de l'A.D.Q. et, désormais, la victoire de la C.A.Q. Ceci étant, ce succès des caquistes dont le parti a 7 ans seulement est-il le début d'une nouvelle idéologie, d'un véritable tournant. Certainement pas. La C.A.Q. est un parti de droite qui doit son succès au fait qu'il profite de l'épuisement des libéraux et qu'il a mis entre parenthèses le débat sur l'indépendance. Malgré sa large majorité, il n'aura pas la tâche facile du fait de l'inconsistance de son "chef" (pourtant député de longue date et plusieurs fois ministre), du manque d'expérience de ses futurs ministres et du poids accru de la gauche. Il risque de gouverner par "coups" médiatiques plutôt que de réaliser un projet cohérent. Si on examine les résultats, on constate qu'il a déjoué un peu les sondages en faisant mieux que ce que ceux-ci lui promettaient en fin de campagne. Sa force est qu'il a une répartition assez homogène dans la province. Il a taillé des croupières à ses concurrents dans les campagnes (il y devient hégémonique hormis dans le Nord-Est) ainsi que dans la périphérie francophone de Montréal et la plupart des autres agglomérations et réussit une petite percée à Montréal même.

 

     Les deux perdants sont ceux qui étaient prévus mais l'ampleur de la défaite va les pousser à des révisions déchirantes. 

 

     Le Parti Libéral Québecois (P.L.Q.) a été victime d'un vote de rejet assez classique mais il obtient le plus mauvais pourcentage de voix de son histoire. Plus grave : il perd un des piliers de ses succès antérieurs : les circonscriptions rurales francophones car son homologue au niveau fédéral (le Parti Libéral Canadien de Justin Trudeau) ne lui a pas facilité la tâche en acceptant la veille du scrutin un accord avec les É.U. qui risque de léser fortement les éleveurs laitiers québecois (cette province est au premier rang pour la production de lait au Canada). Sauf rarissimes exceptions, il ne se maintient que dans l'agglomération de Montréal. Il fait un tabac dans la bourgeoisie montréalaise, chez les anglophones (autre exemple : à Pontiac) et les immigrants récents non francophones mais peut-on espérer durer comme parti national en perdant la plupart de ses appuis francophones (il est 4ème dans cet électorat) et la quasi totalité de ses députés dans le reste du pays. Etre un anti Parti Québecois ne mène pas loin.

 

     La situation est bien plus grave pour le Parti Québecois. Il se retrouve à la troisième place en voix mais c'est son plus mauvais score depuis 1976 et, surtout, il ne garde que 10 sièges comme Q.S. Pire encore, il disparaît des principales agglomérations se repliant sur quelques "bastions" (en particulier au nord et nord-est de la province). Qu'il soit coincé entre les mâchoires de la C.A.Q. et de Q.S. n'explique pas tout. Le problème de fond est qu'il n'a plus de projet, qu'il ne sait plus où se situer. Il ne croit plus à l'indépendance et son autonomisme est également revendiqué par Q.S. et la C.A.Q.. Quant à chercher un remède sur une ligne "à gauche toute !", la place est prise. 

 

     Pour Q.S. les résultats ont été salués comme s'il avait gagné l'élection. Il est vrai que quasiment chaque élection se traduit par une progression. En 2018, il obtient le double du nombre de voix obtenue en 2014 (et un peu plus en pourcentage). Il y avait déjà eu doublement entre 2008 et 2014. Il y a 10 ans, les Verts faisaient jeu égal avec Q.S. ; aujourd'hui, ils font presque 10 fois moins. Cerise sur le gâteau : Q.S. fait élire 10 députés : dans son fief de l'est de l'île de Montréal, il double la mise en passant de 3 à 6 députés (avec une pointe de près de 60% dans Gouin). Victoire symbolique : Jean-François Lisée, chef du P.Q. y est battu par un candidat Q.S. Et, surtout, Q.S. fait élire 2 députés dans l'agglomération de Québec, 1 à Sherbrooke et 1 au sud de l'Abitibi. La vague est nationale puisque les candidats Q.S. progressent dans les 125 circonscriptions. Ils obtiennent de 15 à 20% dans 33 circonscriptions et plus de 20% dans 17. Sa force réside dans l'électorat jeune et, dans une moindre mesure, dans sa capacité à concurrencer le P.L.Q. dans l'électorat allophone. Par contre, il est encore souvent moins implanté dans les régions purement rurales malgré la victoire d'une jeune agricultrice du Témiscamingue. 

 

     Certains ont établi un parallèle avec "La France Insoumise". C'est très réducteur. D'abord parce que le style de Q.S. ressemble plus à celui des Verts qu'à celui d'un parti structuré autour d'un "chef". Ensuite parce qu'il n'existe pas de parti explicitement à gauche en dehors de Q.S. (la tentative de résurgence du N.P.D. Québec a fait le flop que l'on pouvait prévoir d'autant que la plupart de leurs candidats n'étaient pas francophones). Manon Massé et Gabriel Nadeau Dubois se sont très bien complétés ; la première faisant penser à Bernie Sanders, à qui elle se réfère, et apparaissant comme la plus convaincante des "chefs" ; le second faisant un tabac auprès de la jeunesse intellectuelle. 

 

     Reste la question du positionnement de Q.S. pour l'avenir. Le tour de force de Q.S. est d'avoir installé un parti se réclamant explicitement de la gauche voire du socialisme à un niveau inespéré. Et maintenant vient l'heure des choix. Occuper de façon plus prononcée le créneau nationaliste du P.Q. quitte à s'aliéner son électorat montréalais ? Enfoncer encore plus le clou de l'écologie au risque de heurter l'électorat rural peu sensible à ce positionnement ? Mettre l'accent sur les questions sociales (emploi, salaires, retraite, sécurité sociale...) afin de séduire les militants syndicaux ? Quant aux relations avec le N.P.D. fédéral, la question va se poser avec acuité très rapidement car les élections fédérales ont lieu bientôt. Le parti canadien "de gauche" a absolument besoin des électeurs de Q.S. mais il est fédéraliste, multiculturaliste et avait mis sous le boisseau toute revendication sociale avec Thomas Mulcair. Rudes débats en perspectives.

 

ANNEXES : LES RÉSULTATS : https://www.electionsquebec.qc.ca/provinciales/fr/resultats.php

 

    

Attention à l'illusion d'optique. Il faut zoomer pour voir les sièges obtenus dans l'agglomération de Montréal par le P.L.Q.et Q.S.

Attention à l'illusion d'optique. Il faut zoomer pour voir les sièges obtenus dans l'agglomération de Montréal par le P.L.Q.et Q.S.

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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 09:41

     Les prochaines élections à l'Assemblée Nationale du Québec ont lieu le 1er octobre. Elles devraient se traduire par l'affaiblissement des deux formations politiques qui dominent la vie politique locale au profit de deux partis relativement nouveaux (ils n'existaient pas il y a 15 ans). Pour plus de précisions voir 2 articles anciens : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-resultats-des-elections-au-quebec-109982836.html et, surtout http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-la-gauche-quebecoise-et-les-elections-du-4-septembre-109722284.html

 

     La province est dirigée depuis 2003 par le Parti Libéral du Québec (P.L.Q.), avec seulement une interruption de septembre 2012 à avril 2014 quand Pauline Marois dirigeait un gouvernement minoritaire du Parti Québecois. Actuellement, le chef du gouvernement est Philippe Couillard mais son poste est menacé. En effet, malgré la victoire, en octobre 2015, des libéraux de Justin Trudeau au niveau fédéral (voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2015/09/la-gauche-au-pouvoir-au-canada.html http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2015/10/la-canada-en-campagne-electorale.html  ; http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2015/10/raz-de-maree-rouge-sur-le-canada.html) le P.L.Q. est devenu impopulaire du fait de sa connivence avec les milieux d'affaires et sa politique anti-sociale. Donc : un parti de droite très fédéraliste ce qui explique qu'il rafle la mise dans l'électorat non francophone (par contre, il serait devancé par la plupart de ses concurrents dans l'électorat francophone). 

 

     Le favori des sondages (mais l'écart se resserre et, surtout, il s'agit d'une élection au scrutin majoritaire à un seul tour) est la Coalition Avenir Québec (C.A.Q.) dirigée par François Legault. Celui-ci, co-fondateur d'Air Transat mais ayant un long passé politique (député et ministre), a quitté le Parti Québécois en 2011 pour fonder son nouveau parti avec d'autres transfuges de droite du parti indépendantiste. Peu après, il ralliait ce qui restait de l'Action Démocratique du Québec (A.D.Q.) parti de droite revendiqué. Bref : la C.A.Q. est un parti de droite mais, à la différence du P.L.Q., il est favorable à plus d'autonomie pour le Québec sinon l'indépendance. Par voie de conséquence, alors que le P.L.Q. est fédéraliste et multiculturaliste comme son homologue fédéral, la C.A.Q. se veut le défenseur de la laïcité et de la langue française. Ce fut, d'ailleurs, un de ses arguments de campagne. A la veille du vote, il devancerait le P.L.Q. de très peu en pourcentage mais gagnerait plus de circonscriptions. Serait-il majoritaire ? Pas gagné ! D'autant que Legault n'a pas démontré un grand sérieux dans sa campagne par sa méconnaissance de certains dossiers. Bref : le vote C.A.Q. est d'abord un vote utile anti-P.L.Q.

 

     Le Parti Québecois a été créé en 1968 pour obtenir l'indépendance du Québec. Il arriva rapidement au pouvoir avec René Lévesque. Il s'agit d'un parti souverainiste qui fut, pendant longtemps, de tendance social-démocrate mais qui, malgré 2 tentatives, n'arriva jamais à gagner les référendums qu'il avait provoquées. Pire : à nouveau au pouvoir à la charnière du XXème et du XXIème siècle, il mena une politique de droite qui lui aliéna le soutien syndical et favorisa la naissance de Québec Solidaire. Revenu brièvement au pouvoir pendant 19 mois (de 2012 à 2014), il mit en avant une "Charte des Valeurs" qui avait pour but de renforcer la laïcité du Québec ce qui lui valut l'hostilité farouche du P.L.Q. et du N.P.D. Étant minoritaire, il finit par perdre le pouvoir et à se diviser. L'actuel "chef", Jean-François Lisée veut revenir au premier P.Q. mais il le fait de façon brouillonne et il est coincé entre le vote utile pour la C.A.Q. et la poussée spectaculaire de Q.S. sur sa gauche. Il avait proposé un accord à Q.S. dit de "convergence" : en gros, une répartition des circonscriptions afin d'éviter la concurrence. Cette idée avait, d'ailleurs été, préalablement, lancée par Q.S. et refusée alors par un P.Q. en plein renouveau ! En 2017, Q.S. a rejeté cette convergence ; certains ont donné comme faux prétexte que le P.Q. est raciste ce qui est grotesque (mais on trouve trace de cette injure dans certains sites français y compris sur le site d'Ensemble). En réalité, Q.S. a pensé que son électorat ne comprendrait pas un accord avec un "vieux" parti ; néanmoins, il a intégré un petit parti indépendantiste peu après.  A 2 jours du scrutin, le P.Q. est donné comme le grand perdant par les sondages.

 

     L'autre surprise de la campagne est la percée de Québec Solidaire. Je ne présenterai pas à nouveau ce parti qui est le seul (si on excepte le N.P.D. Québec) à se réclamer clairement de la gauche. Il a réussi à faire sa place dans la cour des grands et, donc, à être invité à participer aux débats des chefs en la personne de Manon Massé, députée et co-porte-parole. Selon les derniers sondages, il ferait presque jeu égal avec le P.Q. en pleine dégringolade ce qui lui permettrait de doubler son pourcentage de 2014 (7,5%) et d'espérer gagner plusieurs sièges. Non seulement dans la partie est de l'île de Montréal mais, également, dans d'autres agglomérations. Une des causes de ce nouveau progrès (outre les difficultés du P.Q.) est l'arrivée de G.N.D. à savoir Gabriel Nadeau Dubois qui fut animateur de la grève étudiante de 2012. Aussitôt devenu adhérent, il devint co-porte-parole puis député en profitant de la démission de Françoise David. Ce ralliement a permis de renforcer le poids de Q.S. dans la jeunesse et de gonfler les effectifs du parti (17 000 membres revendiqués ce qui ferait 150 000 membres en France !). Néanmoins, il demeure faible dans les campagnes à la différence des ses concurrents.

 

     Quelques mots sur les autres partis. Le N.P.D. du Canada proche de Q.S. sur les questions sociales mais totalement opposé sur le fédéralisme et la laïcité, a laissé se reconstituer un P.D.Q. du Québec qui restera un groupuscule. Le Parti Vert du Québec avait, autrefois, refusé un accord avec Q.S. quand les 2 partis tournaient autour de 3%. Depuis, il stagne d'autant que l'un de ses anciens "chefs" est passé au P.Q. et s'est fait élire député et que Q.S. a fait de l'écologie son principal cheval de bataille. Enfin, il existe un parti Conservateur du Québec qui est groupusculaire. Quant au Parti Communiste du Québec, il a quitté Q.S. en 2014 pour rallier le P.Q. et se veut le plus indépendantiste des partis !

 

     Finalement, une campagne médiocre avec son lot de polémiques de bas étage (dont Manon Massé a su s'abstenir). Et, surtout, on ne sait pas trop ce que veulent faire et peuvent faire les partis en lice. En tout cas, on ne trouve pas de grand dessein pour le Québec. Quant à savoir si un parti aura la majorité absolue, c'est également une grande énigme. 

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13 juin 2018 3 13 /06 /juin /2018 09:19

     La coalition gouvernementale qui dirige l'Italie depuis le début du mois laisse perplexe bien des commentateurs en France. La plupart ne comprennent pas ce "mariage" qui serait, au mieux, un mariage de raison entre organisations politiques très différentes. D'autres, soucieux de simplifier à l'extrême et de s'appuyer sur l'exemple français considèrent qu'il s'agit d'une alliance contre nature comme si Le Pen gouvernait avec Mélenchon. Bref : le rassemblement des extrêmes. Ce qui est caricatural pour, au moins, une raison : le Movimento Cinque Stelle (Mouvement Cinq Étoiles ou M5S) et La Lega (La Ligue) sont des "objets politiques" spécifiques à l'Italie (comme le fut, en son temps, le fascisme). Il faut donc éviter toute tentative d'analogie qui serait une marque de paresse intellectuelle. 

 

     J'ai déjà beaucoup publié au sujet du M5S :

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-coluche-president-112649591.html

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-tsunami-en-italie-115820878.html

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-tsunami-en-italie-suite-116087621.html 

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-tsunami-en-italie-re-suite-116331539.html 

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2016/11/beppe-grillo-et-donald-trump.html

 

     Il s'agit d'un parti "anti-systéme" qui refuse de se situer sur un axe "droite- gauche". Comme le firent, autrefois, les Verts. A cette différence près (entre autres) que ces derniers avaient un fonctionnement "horizontal" alors que le M5S fonctionne "verticalement".  Le M5S a inventé le "non-parti" basé quasi exclusivement sur Internet. L'usage systématique d'Internet donne une illusion de démocratie mais demander aux sympathisants de voter en cliquant est, malgré les apparences, le contraire d'un débat démocratique. Mélenchon et Macron s'en sont inspiré avec le succès que l'on sait (attention : ils ont, en partie, copié la méthode mais pas le programme : voir http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2017/11/n-est-pas-un-congres.html). Même si Grillo s'est effacé au profit de Di Maio, le mouvement fonctionne encore de façon très autoritaire. Et, pour séduire, il fait feu de tout bois ne reculant devant aucune démagogie. Quoiqu'il en soit, malgré des positions apparemment écologiques (contre le tunnel Lyon - Turin par exemple), il n'est pas un parti de gauche. Sa base électorale est, d'ailleurs, contradictoire : ses cadres sont les représentants de la petite bourgeoisie moderniste du Nord alors que ses électeurs sont très majoritairement recrutés dans les classes populaires du Sud où il a fait un tabac aux dépens de la gauche et de la droite fascisante.

 

     La Ligue n'est pas un parti fasciste. Il existe des partis ou mouvements se réclamant peu ou prou du fascisme : d'une part, Fratelli d'Italia (frères d'Italie, début de l'hymne italien) ; d'autre part la Casa Pound (du nom de l'écrivain américain fascisant Ezra Pound) mais ils ne totalisent pas plus de 5% des voix et n'ont pas l'influence qu'a eu, pendant quelques dizaines d'années après la seconde guerre le Movimento Sociale Italiano (Mouvement Social Italien ou MSI). Ceci étant dit, une caractéristique essentielle du fascisme, à savoir la constitution de milices paramilitaires, est absente de ces mouvements. Par contre, des groupuscules fascistes alliés à certains secteurs de la police et de l'armée ainsi qu'aux services secrets italiens et américains, ont organisé des attentats à la bombe pour déstabiliser l'État italien dans les années 70 ce qui a été, en partie (mais en partie seulement) une des causes du développement d'un terrorisme d'ultra gauche dont les Brigate Rosse (Brigades Rouges) ont été l'exemple le plus connu.

 

     A son origine, la Ligue était le nom générique de "ligues régionales" apparues dans le nord de l'Italie (en particulier la Lega Lombarda - Ligue Lombarde et le Liga Veneta - Ligue Vénète) qui vont se fédérer en 1989, sous l'impulsion d'Umberto Bossi, pour former la Lega Nord per l'indipendenza della Padana (Ligue du Nord pour l'indépendance de la Padanie ou tout simplement Lega Nord). La revendication de la Lega Nord (qui se transformera assez vite en simple autonomisme) peut paraître surprenante pour un Français pour, au moins, 2 raisons : d'une part, la Padanie est une construction idéologique car elle n'a jamais existé (selon la Lega Nord, elle est censée regrouper les 8 régions du Nord, autour de la plaine du Pô) ; d'autre part, parce que l'Italie du Nord est la région la plus dynamique de l'Italie à qui il ne manque que la capitale (Rome se situant dans le Centre). Justement, le premier slogan a été "Rome voleuse" suivi d'attaques contre le Sud. L'argument est que l'État italien est mal géré et que les ressources (en particulier fiscales) provenant du Nord sont dilapidées par les politiciens et les "Sudistes". L'indépendance est donc vue principalement comme le moyen d'obtenir une autonomie fiscale.

 

     On est donc face à un "autonomisme de riches" d'autant plus virulent que le pouvoir central est ailleurs. C'est comme si la Bavière (unie au Bade-Würtemberg) voulait son indépendance. Ou, plutôt, cela ressemble beaucoup à l'indépendantisme catalan hormis le fait que la Catalogne est héritière du royaume d'Aragon qui regroupait toutes les terres de langue catalane (et aragonnaise) et que la République espagnole, détruite par Franco à l'issue de la guerre civile, avait accordé une large autonomie à la Catalogne et, hormis, également, le fait que les Catalans parlent une langue différente de la plupart des autres Espagnols (à savoir le castillan) ce qui est le contraire de la Padanie (car le Nord parle italien comme le reste du pays et, surtout, dans le Nord, il existe 3 régions autonomes du fait de l'existence de minorités linguistiques française et franco-provençale, allemande, frioulane, slovène et ladine).

 

     La Lega Nord a été pendant près de 30 ans un parti régional sans aucune influence dans le reste du pays. Il s'appuyait sur les patrons de PME très nombreux dans le Nord et, plus généralement, sur la petite bourgeoisie même si des ouvriers et des agriculteurs votaient pour lui. En ce sens, elle s'apparentait au poujadisme.

 

     Jusqu'à ce qu'elle prenne un double virage sous l'impulsion de Matteo Salvini : supprimer la référence au Nord pour se nommer La Lega tout simplement et butiner dans le reste du pays ; renforcer son caractère réactionnaire en mettant l'accent sur la dénonciation de l'État (La Lega est donc "libérale" au sens économique du terme) et des immigrés (et pas seulement ceux venus du Sud du pays). Plus un point commun avec le M5S : la dénonciation de l'Union Européenne. Ce tournant s'est traduit par une adhésion au groupe d'extrême-droite au Parlement Européen, aux côtés du Front National. On peut, donc, désormais la classer à l'extrême droite.

 

     Les "Léguistes" ont adopté une stratégie électorale différente du M5S. Alors que les "grillini" ont toujours refusé toute alliance considérée comme une inacceptable concession à la "vieille politique", les dirigeants de la Lega (Nord) n'ont pas hésité à participer à des coalitions avec la droite de Berlusconi, avant ou après les élections. Ce qui les différencie du Front National qui est rejeté par la droite "classique". Il est vrai que, jusqu'aux dernières élections législatives, les "berlusconiens" arrivaient nettement devant leur partenaire au sein du bloc de droite élargi à l'extrême droite. 2018 constitue donc un tournant car Berlusconi a été devancé par Salvini et parce que le bloc de droite n'a pas obtenu la majorité des sièges malgré l'effondrement de la gauche et du centre gauche. Cela du fait de la nouvelle percée du M5S qui obtient un score historique avec près d'1/3 des élus à lui tout seul. L'autre tournant est la trahison de Salvini qui a lâché ses alliés pour pouvoir gouverner avec le seul parti disponible : le Mouvement 5 Étoiles. Ce qui, soit dit en passant, montre bien que l'on peut proclamer son rejet de la politique politicienne et en épouser tous les travers. 

 

     Et maintenant ? Le programme de gouvernement est plus une addition des propositions des uns et des autres qu'un texte de compromis. D'où un gros risque d'incohérence d'autant que la base électorale du M5S ne peut que pâtir des mesures fiscales mises en avant par la Lega. Par ailleurs, bien que ce parti ait quasiment 2 fois moins de députés que son partenaire, Salvini est suffisamment malin pour donner le la à la coalition. Jusqu'à quand Di Maio et ses amis accepteront-ils d'être les supplétifs d'un parti nettement plus faible ; situation fort curieuse et embarrassante. Dans ces conditions les relations avec l'Union Européenne apparaissent assez secondaires. 

 

     Et la gauche ? En France, aux présidentielles de 2017, le total de ce que l'on pouvait encore appeler "gauche" tournait autour de 27%. En Italie, on atteint le même pourcentage de voix mais cela ne donne que 21% des députés. Moins que le M5S à lui tout seul. Le parti Démocrate de Renzi peut toujours se targuer d'avoir atteint près de 20% et d'avoir marginalisé les forces situées plus à gauche. Que ce soit Liberi e Uguali - Libres et Égaux, dissidence de gauche du P.D, ou Potere al Popolo - Pouvoir au Peuple, soutenu par les deux "PC maintenus". Refusant de se joindre à la coalition dirigée par le PD et partant tous deux séparément, ils n'ont même pas dépassé les 5% au total. Il faut donc tout reconstruire et ce ne sera pas simple.

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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 09:08

     Dans un tiré à part de "Ouest France" diffusé lors de la "Fête de l'Europe" qui s'est déroulée à Sablé samedi dernier, j'ai lu qu'une jeune Française avait fait un séjour en Lettonie pour "améliorer son anglais". Cette formule avait déjà été énoncée par une autre Française, interrogée lors d'un reportage télévisé en Lettonie.  

 

     Et pourtant ! La langue nationale de la Lettonie est le letton. Avant la première guerre mondiale, on y entendait fréquemment l'allemand et le russe. Après l'annexion de la Lettonie par l'U.R.S.S. le russe devint la première langue. J'ai un ancien collègue, qui alors qu'il était étudiant en russe, avant 1989, a effectué un séjour d'une année là-bas pour perfectionner sa connaissance de la langue de Pouchkine. Logique !

 

     Aujourd'hui, il est très rare d'entendre parler anglais dans la rue à Riga et c'est encore plus rare dans le reste du pays. Il est même difficile de se faire comprendre quand on essaie d'utiliser l'anglais. Surtout si on s'adresse à une personne de plus de 50 ans. Mieux vaut, si on est rebuté par l'apprentissage du letton, utiliser le russe encore très largement compris et parlé. Voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2017/08/decouverte-de-l-ex-urss.html

 

     Alors pourquoi se diriger vers un pays balte pour parler anglais ? Je ne vois qu'une seule explication. Il doit y avoir des lieux (Université, cours privés...) où l'on ne parle que dans la langue de Shakespeare. Les jeunes étrangers de tous pays s'y retrouvent et communiquent dans la nouvelle langue véhiculaire internationale mais ne doivent pas rencontrer beaucoup de Lettons. Pourquoi pas ! Mais si on veut vraiment être "immergé" dans un milieu anglophone, il est préférable de se rendre dans un pays où l'anglais est la langue nationale : en Europe, il s'agit du Royaume-Uni et de l'Irlande ; éventuellement Malte dont la langue nationale est le maltais (langue proche de l'arabe mâtinée de français, d'italien et d'anglais) mais qui fut colonie britannique pendant près de 2 siècles. 

 

     Par contre, quand les Lettons partent pour une année en France, ils n'y vont pas pour perfectionner leur anglais, eux. Ils ont bien compris qu'en France, il vaut mieux parler français pour communiquer facilement. 

 

     Pour une analyse plus développée de l'anglomanie, voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-ce-n-est-pas-une-langue-c-est-un-outil-124455741.html

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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