La mort de George Floyd, sous les coups d'un policier de Minneapolis a montré la persistance du racisme aux États-Unis. Le racisme existe, malheureusement, dans tous les pays mais, dans la première puissance mondiale, il s'appuie sur toute une série de causes qui, cumulées, font que, dans cet État, la discrimination et la haine raciales sont particulièrement prégnantes.
Mais qu'est-ce que le racisme ? Il s'agit d'une idéologie discriminatoire. Elle postule, tout d'abord, qu'il existe différentes races dont les contours sont plus ou moins bien définis. Les racistes déploient des trésors d'imagination sordide pour définir les critères discriminants censés être les plus scientifiques possibles. Le plus souvent, les racistes s'appuient sur l'aspect physique pour mépriser ceux dont la peau est plus sombre mais d'autres éléments peuvent entrer en jeu comme la religion, la généalogie ou l'histoire. Et, ensuite, le racisme prétend qu'il y a inégalité entre les races ; il existe des races supérieures et des races inférieures dont les racistes dénient parfois l'humanité même. Par voie de conséquence, les premières ont tous les droits sur les secondes ; y compris de les anéantir.
Revenons maintenant aux États-Unis.
La première cause du racisme dans ce pays, c'est la colonisation. Et comme partout, elle fut brutale. Quand les premiers colons européens ont pris possession de ce qui allait devenir la territoire des États-Unis, il ne s'agissait pas d'une "terre sans peuple" (pour paraphraser la première partie d'une formule célèbre justifiant une autre entreprise coloniale). Là-bas vivaient plusieurs millions de ceux que l'on a appelé les "Indiens", représentant une grande diversité culturelle. Au départ, ils accueillirent plutôt pacifiquement les Européens qui débarquaient sur ce continent mais ils furent mal payés en retour alors que les nouveaux arrivants n'auraient pas pu survivre sans l'aide des techniques ancestrales des autochtones. Très vite, les envahisseurs perpétrèrent des massacres : arrivés en 1607, les colons de la Virginie tuèrent des "indigènes" (le mot doit être pris au sens propre : ceux qui sont du pays) dès 1608. Contre les "sauvages" tout est permis. Début d'une interminable série de crimes contre l'humanité (esclavage, génocide, ethnocide, déportations...). A tel point que les survivants, parqués dans des "réserves" n'étaient plus que 100 000 au début du XXème siècle. Voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2017/11/apres-la-mort-de-dennis-banks.html. La façon dont ont été traitées les "Premières Nations" est l'acte fondateur du racisme américain.
Il y a un facteur aggravant. En 1620, un groupe de protestants "non conformistes", ayant traversé l'océan à bord du Mayflower, débarque au Nord-Est du futur État. Il s'agit donc d'exilés qui pensent trouver, loin de chez eux, une sorte de "Terre Promise" pour les "vrais" croyants. Puisque c'est Dieu lui-même qui leur a donné providentiellement cette terre qui peut s'y opposer ? On remarquera qu'il s'agit, également, d'une entreprise coloniale non étatique ; c'est rare mais non exceptionnel comme on le verra plus tard en Afrique ou au Proche-Orient. Cette épopée est un des mythes fondateurs des États-Unis au point qu'on la célèbre par le "Thanksgiving Day" et que les descendants des colons sont nombreux à considérer sans complexe qu'ils sont les "premiers habitants".
La seconde cause du racisme est l'esclavage. Il a été pratiqué pendant plus de 250 ans aux États-Unis. Par définition cette pratique est raciste puisque l'esclave est considéré comme une chose (un bien du propriétaire) et non un être humain libre. Il faut, glisser, ici, quelques petites remarques. Tout d'abord pour signaler que le maître ayant tous les droits, il pouvait sans se gêner, violer les femmes esclaves qui accouchaient d'enfants métis ; ceux-ci pouvaient devenir libres (voire posséder des esclaves) mais n'en étaient pas moins discriminés. Ensuite, pour rappeler qu'un exploitant avisé avait intérêt à éviter une trop forte mortalité de ceux qui étaient sa propriété même si la traite a permis, pendant longtemps, de renouveler la main d'oeuvre. Il s'en suit, que les esclavagistes et leurs successeurs racistes n'ont jamais voulu la destruction des afro-américains mais seulement leur soumission y compris après que ces derniers aient obtenu la liberté.
Autre facteur aggravant : l'esclavage n'a été aboli qu'à l'issue d'une très meurtrière guerre civile : la Guerre de Sécession. A la fin de ce conflit, les "États Confédérés d'Amérique", nom choisi par 13 États sécessionnistes, furent vaincus et le Congrès des États-unis vota plusieurs amendements abolissant l'esclavage et proclamant l'égalité entre tous les citoyens. Les anciens esclaves devenus libres purent croire à une vie meilleure pour peu qu'ils développent leurs talents. Funeste erreur car, dans le "Sud" les racistes purent, peu à peu, reconquérir le pouvoir et prendre leur revanche. Ils mirent en place des législations instituant la ségrégation qui servira de modèle ultérieur aux lois anti-juives des nazis et à l'apartheid sud-africain. Dans beaucoup d'États du Sud, les Noirs furent privés du droit de vote et la séparation entre les "Blancs" et les "colorés" fut systématisé : écoles séparées, églises séparées, cimetières séparés, hôpitaux séparés, places séparées dans les transports, les restaurants....selon le principe hypocrite : "séparés mais égaux". Bien évidemment, pour sauvegarder la soi-disant "pureté de la race", les relations sexuelles entre "Blancs" et personnes "de couleur" étaient strictement interdites.
Aussi surprenant et scandaleux que cela puisse paraître, la discrimination raciale s'étendit au-delà des États racistes. Par exemple dans l'armée où, jusqu'aux lendemains de la seconde guerre, les personnes de couleur ne pouvaient espérer un grade d'officier. Et, dans les États non ségrégationnistes, les gens de "couleur" étaient constamment victimes d'un racisme "ordinaire" : par exemple pour l'accès au logement.
Ce racisme institutionnel se doublait de violences récurrentes contre les "Noirs" : "pogroms" comme celui de Tulsa (Oklahoma) en 1921, "lynchages". Les responsables des crimes ne furent que très rarement inquiétés. On peut supposer que cette tradition d'impunité a inspiré le policier violent de Minneapolis.
Voir cet article qui résume un siècle de violence raciste : https://www.lhistoire.fr/%C3%A9tats-unis-un-si%C3%A8cle-de-s%C3%A9gr%C3%A9gation
Il faudra attendre un siècle exactement après l'abolition de l'esclavage pour que le racisme institutionnel soit définitivement interdit aux États-Unis en 1965. Il faut saluer le courage des militants non violents noirs et de leurs soutiens "libéraux" blancs qui malgré les violences subies et les assassinats réussirent à retourner l'opinion et à contraindre le président Johnson (lui-même sudiste) de faire voter les lois sur les "droits civiques".
Il ne faut pas, non plus, laisser de côté le racisme ayant visé d'autres groupes humains, immigrés plus tardifs. Que ce soient les catholiques, les Asiatiques, les Latino-Américains et d'autres qui furent également victimes du mépris voire de la violence des "white anglo-saxons protestants".
Les conséquences de trois siècles et demi de racisme institutionnel sont encore présentes dans la première puissance du monde. Ne serait-ce que par l'inégalité sociale qui subsiste de façon parfois brutale. Une défaite de Trump dont le père fut membre d'une organisation raciste (le Ku Klux Klan) et qui attise en permanence la haine raciale, serait une oeuvre de salubrité publique.