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24 février 2023 5 24 /02 /février /2023 07:13

     Cela fait un an que les troupes d'Adolf Poutine ont commencé leur guerre d'agression contre l'Ukraine. En fait, la tentative de liquidation de l'indépendance ukrainienne a commencé 8 ans plus tôt avec les opérations de démembrement du pays en Crimée et dans le Donbass puis le blocus des ports militaires de la mer d'Azov (voir mon article du 24 février : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/02/le-nouvel-imperialisme-russe.html)


     Le 24 février, comme Hitler contre la Pologne en septembre 39, Poutine a attaqué l'Ukraine sur 3 fronts avec l'aide de son valet, le président biélorusse Loukachenko. Les troupes impérialistes, bien supérieures en nombre et en matériel, ont conquis d'importants territoires mais n'ont pas pu prendre Kiev, n'ont pas pu assassiner le président ukrainien et se sont heurtées à une résistance populaire farouche. L'Ukraine a tenu le choc (voir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/03/les-buts-de-guerre-de-poutine.html ; 

 

     En France, nous étions en pleine campagne électorale ce qui a obligé les candidats à condamner l'agression ; y compris les stipendiés de la Russie ; y compris les pseudo-anti-impérialistes ; y compris ceux qui voulaient ménager le nouveau tsar. Par contre, très vite, la petite musique défaitiste a commencé à se faire entendre et il n'y a eu aucune campagne massive de soutien aux Ukrainiens. 

 

     Dès le début, j'ai pris position clairement : "Les seuls mots d'ordre justes sont : arrêt de l'agression russe, retrait inconditionnel des troupes russes et biélorusses de la totalité du sol de l'Ukraine, reconnaissance de l'indépendance de l'Ukraine dans ses frontières de 1991. Tout le reste est un dangereux bavardage". J'ai eu l'agréable surprise de constater que quelques individus (en particulier un Manceau, ancien de la LCR, des militants d'Ensemble, le collectif dirigeant les éditions Syllepse, des militants de Sud...) et le NPA étaient sur la même ligne. Ensemble a, très rapidement suivi. Ce fut à peu près tout mais les positions ont évolué en un an et on constate - par exemple - la signature de la CGT et de FO sur un communiqué intersyndical paru ces derniers jours : https://ensemble-mouvement.com/pour-une-paix-juste-et-durable/

 

  Depuis un an, je me suis attaché à informer sur l'Ukraine (voir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/03/breve-histoire-de-l-ukraine.html ou https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2023/01/la-gauche-et-le-mouvement-anti-guerre-en-ukraine-et-en-russie.html), à lancer le débat (voir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/03/campisme.html ; https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/02/faux-amis-et-vrais-amis-de-l-ukraine.html ; https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/03/fausses-comparaisons.html ; https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/06/saint-adolphe.html), à évoquer l'évolution du conflit et des partis français : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/08/6-mois.html ou https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/10/8-mois-de-resistance.html.

 

Je vous invite, également, à lire les analyses développées sur le site d'Ensemble : https://ensemble-mouvement.com/la-gauche-doit-sortir-de-son-silence-sur-la-guerre-en-ukraine/ et https://ensemble-mouvement.com/solidarite-avec-la-resistance-ukrainienne/ et https://ensemble-mouvement.com/ukraine-une-bien-etrange-partition/ plus : https://ensemble-mouvement.com/soutien-a-lukraine-resistante-vol-16/

 

  Aujourd'hui, et demain, ont lieu, partout en France, des manifestations pour l'Ukraine. Ce soir au Mans à 17 h 30 devant le Préfecture.

     

1 an déjà.
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27 janvier 2023 5 27 /01 /janvier /2023 08:23
La gauche et le mouvement anti-guerre en Ukraine et en Russie

     Un panorama très complet, par Bernard Dréano, de l'état des lieux. L'auteur aurait pu, à la fin de son article, évoquer le rôle de Ensemble et du NPA en France. Inversement, quant à l'attitude de Mélenchon, de LFI et de trop de groupuscules trotskistes, il est très "gentil". En tout cas, malgré ces quelques réserves, il pose les bases d'une meilleure compréhension de la situation et des enjeux

     Pourquoi les mouvements se réclamant de la gauche, libertaire, radicale ou réformiste, de la justice sociale, de l’écologie, du féminisme, de la non-violence et autres, ignorent-ils autant leurs homologues en Ukraine et en Russie….

 

     Les gauches, les écolos, et autres mouvements supposés progressistes, ne soutiennent généralement pas (ou peu) leurs homologues ukrainiens, russes et belarus…

 

En ce début d’année 2023, alors que nous approchons du premier anniversaire du déclanchement de la guerre d’agression que Poutine, diverses questions restent en suspens, concernant l’attitude des progressistes en France, en Europe, dans le Monde vis-à-vis de cette guerre et des forces progressistes dans les pays concernés.

 

     Ignorer la guerre ? Ignorer les militants locaux…

 

     Une partie de la gauche sociale et écologiste en Europe et plus encore dans d’autres parties du monde, aux Amériques, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, à plus ou moins adopté le « narratif » poutinien selon lequel l’Ukraine est considérée simple pion passif de l’Occident, lequel serait (puisque « potentiellement agresseur »), le responsable de cette guerre.

 

     Des forces bien plus nombreuses encore se contentent de « garder leurs distances » par rapport à cette guerre, et, tout en condamnant l’agression poutinienne, restent plus ou moins passives en matière de lutte contre celle-ci, passives aussi en matière solidarité avec les forces antiguerres en Russie et au Belarus, et très largement indifférentes, voire hostiles, aux forces progressistes ukrainiennes.

 

     Certains mouvements de la gauche et des écologistes, des militants syndicaux et associatifs, sont cependant très actifs, en Europe centrale et occidentale, soutenant la résistance armée et non armée du peuple ukrainien et concrètement solidaires avec les progressistes ukrainiens et les antiguerres russes ou bélarusses, c’est le cas par exemple du réseau international ENSU/RESU[1] et de sa branche française soutenue par divers mouvements associatifs, syndicaux, politiques, mais ces forces demeurent de facto minoritaires en Europe aussi bien du côté des gauches sociale-démocrates que de celle qui se veulent plus radicales, aussi bien chez les écologistes que dans les mouvements féministes ou dans la majorité des organisations syndicales. C’est encore hélas plus vrai si l’on parle des mouvements non européens.

 

A propos des progressistes en Ukraine[2]

 

    En Ukraine les droites sont majoritaires

 

     Le parlement ukrainien élu en 2019 est très globalement « de droite », celui qui l’a précédé en 2014 l’était plus encore. Le parti Serviteur du Peuple, très largement majoritaire au parlement (mais seulement 43% des voix) est un parti libéral-démocrate sans ligne politique très précise, constitué après l’élection présidentielle de 2019, autour du Président Zelinsky (élu au deuxième tour avec73% des voix sur un programme de paix et de lutte contre la corruption). L’opposition parlementaire, principalement les partis dits « oranges » Patrie de Iouila Timochenko et Solidarité européenne de Pétro Poronchenko (16% des voix à eux deux) est, elle clairement sur des positions à la fois ultra-néolibérales et nationaliste ukrainienne. Rappelons que l’extrême-droite (2,15% des voix pour Svoboda en 2019) n’a depuis 2019 qu’un seul député. Aujourd’hui, II n’y a pas de représentation de la gauche à la Verkhovna Rada (l’assemblée nationale ukrainienne).

 

     L’ancien parti « bleu » supposé pro-russe, le Parti de la vie héritier du Parti des régions avait fait en 2019 13% des voix. Ce mouvement était globalement tout aussi néolibéral et clientéliste que les autres ; il est aujourd’hui dissous par les autorités ukrainiennes comme d’autres organisations considérées comme russes ou pro-russes. Mais la plupart de ses députés siègent toujours au parlement (où ils ont constitué deux groupes distincts) et soutiennent la défense nationale contre l’agression russe, certains sont même engagés dans la défense territoriale, c’est aussi le cas de nombreux élus régionaux et locaux « bleus » de l’est du pays (par exemple le maire de Kharkiv).

 

     La fausse « gauche » populiste post-soviétique est marginalisée.

 

     Après l’indépendance de l’Ukraine en 1991 il existait un courant se disant « de gauche », principalement le Parti communiste d’Ukraine KPU qui regroupait le quart des voix aux législatives de 1998, mais s’est effondré électoralement après 2004 (tout de même encore 13,2% en 2012). Un électorat généralement âgé, essentiellement de l’Est et du Centre industriels du pays, souvent victimes de la période de « privatisation » (pillage par les oligarques) des années 1990, volontiers nostalgique de l’Union soviétique. Un parti populiste, conservateur sur les questions de sociétés, opposé (en paroles) au néolibéralisme, rongé par la corruption comme les autres partis, et au sein duquel certains se réclamaient de Staline. Après Maïdan, l’invasion de la Crimée et le début de la guerre au Donbass, le parti n’a fait que 3,9% aux législatives, avant d’être en 2015 privé du droit de participation aux élections par le gouvernement Porochenko, puis tout simplement interdit lors de l’agression russe de 2022 et la fuite de son dirigeant Petro Symonenko en Russie. D’autres partis ont suivi la même trajectoire dont le Parti Socialiste et le Parti socialiste progressiste d’Ukraine, scission du précèdent et dont la candidate avait obtenu 11% des voix aux présidentielles de 1999 (mais le parti n’avait fait que 4% aux législatives de 1998), populiste et nationaliste panslaviste pro-russe, progressivement marginalisé dans les années 2000. Lui aussi a été formellement interdit en 2022, de même que certaines organisations purement russes (comme l’organisation de jeunesse poutinienne fascisante Nachi) actives dans les territoires ukrainiens occupés après 2014.

 

     Probablement une majorité d’ukrainiens assimile la « gauche » avec ces partis plus ou moins post-soviétiques et plus ou moins pro-russes, et avec le « socialisme réel » de l’ancien régime soviétique.  C’est en tout cas le discours des néo-libéraux de la droite ukrainienne (en particulier du côté de Porochenko) et bien entendu de l’extrême droite dont une des activités principales était avant 2022 d’attaquer verbalement et parfois physiquement les groupes progressistes dont nous allons parler maintenant.

 

     Les mouvements progressistes en Ukraine aujourd’hui

 

     Ils existent sous plusieurs formes, sans avoir toujours de liens entre eux.

 

     Les syndicats. La FPU, Fédération des syndicats d’Ukraine, héritière de l’ancien syndicat unique de la période soviétique. Assez passive sur le plan revendicatif et souvent bureaucratique, elle reste la principale confédération. La KVPU, Confédération des syndicats libres d’Ukraine, est beaucoup plus militante, implantée en particulier dans de grandes entreprises (chemins de fer, transports urbains, métallurgie, mines, énergie – dont nucléaire…). Une partie des militants, et parfois des dirigeants, de certains de ses syndicats se réclament de l’anarcho-syndicalisme. Il y a des militants progressistes dans les syndicats enseignants et un mouvement étudiant militant Pryama Diya (Action Directe). Il existe aussi deux petites confédérations de droite et d’extrême droite, très minoritaire. La loi martiale, du fait de la guerre, interdit manifestations et grèves. Les syndicalistes FPU, KVPU, étudiants, acceptent globalement cette situation, et nombre d’entre eux sont au front, ce qui n’a pas empêché ces syndicats de mener certaines luttes parfois victorieuses.

 

     Les associations, notamment de défense des droits. Compte tenu de la situation en Ukraine, des carences des pouvoirs publics, de la corruption, les pratiques d’auto-organisation se sont développées dans tout le pays en particulier après 2014. Ainsi par exemple pour l’accueil et la défense des droits des populations déplacées par la guerre au Donbass, avec la création de l’association Vostok SOS. Le Centre des Libertés Civiques (co-prix Nobel de la paix 2022) est un autre exemple très connu.

     

     Localement existent toujours, malgré la guerre, des associations et réseaux antiracistes, antifascistes, pour les droits LGBT+, pour les minorités nationales et des groupes féministes actifs comme par exemple le groupe Bilkis qui vient de créer son « espace anticapitaliste » à Lviv, ce qui exaspère l’extrême droite. Dès 2014, et de manière plus généralisée, diverses formes d’auto-organisation solidaires locaux sont apparues, un tissu associatif de résistance civile[3]. Et plus encore depuis la guerre actuelle. Des plateformes comme par exemple localement la Kherson Public Platform, ou le Center for United Action, qui, avec ou sans le soutien des autorités locales selon les villes et régions, s’efforcent que l’aide humanitaire soit dirigée vers les besoins effectifs, les populations les plus en difficulté, et ne soit pas confisquée par les corrompus locaux ou gaspillée par le « Charity Business » d’ONG ou structures extérieures.

 

     Les écologistes : même si le Parti des Vert d’Ukraine créé en 1990 ne représente plus grand-chose (il faisait 5,43% des voix en 1998, 0,66% en 2019), il existe des mouvements locaux, certains regroupés notamment dans le réseau Ecoaction.avec notamment la coopérative Longo Maï active en Ukraine depuis plus de trente ans.

 

     Des groupes et mouvements politiques se réclamant du socialisme, les réseaux anarchistes ou anarcho-communistes comme l’Union autonome des travailleurs, le groupe de l’Ouest ukrainien Résistance autonome (Avtonomy Ovpir), venu du nationalisme (et qui en garde quelques ambiguïtés) et surtout le petit mais très actif Mouvement Social (Sotsialnyi Rukh), très lié à d’autres mouvements de gauche éco-socialistes d’Europe centrale et d’ailleurs, et la revue Commons.

 

     Ces mouvements progressistes et leurs membres sont quasiment tous engagés, de diverses manières, dans la défense du pays face à l’agression poutinienne. Plusieurs militants sont morts au front, d’autres sont prisonniers des russes dont Maksym Butkyevitch, figure de l’antiracisme, de l’antifascisme et des combats pour les droits humains, que les médias russes ont présenté comme « complice des nazis ».

 

     Cette union pour défendre la patrie transforme la société ukrainienne, crée de nouveaux liens de solidarité, une volonté collective de résistance ce qui ne signifie pas que règne un consensus sur l’évolution de la société et la gestion de l’Ukraine future.

 

Une double menace. 

 

     Celle des néo-libéraux.

 

Si les oligarques perdent de l’influence[4], si la corruption recule, certains profitent de la situation de guerre pour pousser leur agenda néolibéral. Ainsi que le remarque Philippe Askenazy dans Le Monde[5] la loi martiale a suspendu des pans entiers du droit du travail, suspension qui a vocation à durer après la guerre si l’on en croit les lois n° 5388  et n° 5371 votées par la Rada à la fin du printemps 2022, créant pour l’une des mécanismes de contrat « zéro heures » sur le modèle des lois scélérates britanniques (et inspirées d’ailleurs par les conseillers  conservateurs anglais), et pour l’autre privant 70% des salariés d’Ukraine (ceux des entreprises de moins de 250 salariés) du bénéfice des accords collectifs. La KVPU et la FPU ont appelé au rejet de ces textes, la Confédération internationale et la Confédération européenne des syndicats se sont émues, quelques syndicats nationaux de plusieurs pays ont protesté, par exemple en France, la CGT, Solidaires et la FSU, réactions qui ont provoqué une certaine hésitation de Volodymir Zelinsky …puis constatant que ces protestations restaient limitées, de finalement les promulguer. Beaucoup d’organisations syndicales occidentales sont en effet restées passives, et plus encore la gauche politique européenne, social-démocrate, écologiste ou supposée radicale, qui ont été, délibérément ou par distraction, aux abonnés absent, dans chacun des pays comme au parlement européen, alors qu’une pression minime aurait pu faire reculer les autorités ukrainiennes.

 

     Résultat, ces textes sont adoptés, même si la question de leur prorogation après la guerre demeure… Hélas ce n’est pas tout : l’offensive néolibérale bat toujours son plein, la loi qui depuis l’indépendance, protégeait les terres ukrainiennes de l’appétit des multinationales, est en train d’être démantelée, et pour que l’Ukraine de demain soit « attractive », les autorités ne cachent pas leur volonté de détruire les « blocages », en poursuivant le démantèlement du code du travail, détruisant les garanties collectives et le « pouvoir des syndicats », sans oublier de « privatiser » les propriétés de la FPU au nom de la « dé-communisation ». Ces orientations sont pleinement soutenues par le FMI (vis-à-vis duquel l’Ukraine est lourdement endettée), comme par les gouvernements occidentaux (dont la France), comme on l’a vu lors de la Conférence internationale de Lugano sur « la reconstruction de l’Ukraine » au début de l’été 2022, et comme on le voit depuis… Et là encore, s’il y a bien quelques actions syndicales de soutien à la FPU et à la KVPU et protestations de petits mouvements en Europe, les principaux partis de la gauche politique européenne, social-démocrate, écologiste ou supposée radicale ont été, délibérément ou par distraction, aux abonnés absents, dans chacun des pays comme au parlement européens, laissant tomber les progressistes ukrainiens.

 

     Et la fièvre nationaliste.

 

     En guerre le temps est au nationalisme. Nous sommes bien placés pour le savoir avec notre expérience historique en France. Avec la brutalité de l’agression poutinienne et de la politique menée dans les territoires nouvellement ou anciennement occupés, les sentiments antirusses dans la population ukrainienne augmentent. Dès 2014 on pouvait dire que Poutine, en récupérant la Crimée avait perdu l’Ukraine, où pourtant jusque-là l’influence culturelle russe était forte (pas seulement dans l’Est russophone). Depuis 2022 cette influence s’est effondrée tandis que l’unité nationale des ukrainiens se fait contre la Russie. Des monuments et symboles russes ou russo-soviétiques, perçus comme signe historique de domination et d’oppression coloniale sont détruits ou déplacées (par exemple des statues de Pouchkine, des noms de rues). C’est hélas une réalité classique face à une agression. La droite ukrainienne, une partie de la majorité, et bien sur l’extrême droite, font dans la surenchère. Ces gens-là ont par exemple demandé à Oleksandra Matviitchouk, dirigeante du CLC de « renoncer » à son prix Nobel de la Paix, sous prétexte qu’il lui a été attribué conjointement avec l’ONG russe Memorial et au militant bélarusse Ales Bialiatski – heureusement celle-ci n’a pas cédé.

 

     Des progressistes ukrainiens sont dénoncés pour s’afficher avec des Russes anti-guerre, une situation que l’on a connu dans d’autres conflits – heureusement de tels contacts existent, mais ne sont pas toujours publics.

 

     Le projet de loi n°7633 prévoit l’interdiction d’utiliser, dans le cadre de programmes éducatifs, scientifiques et de recherche des « sources d’information en russe et de citoyens de l’État agresseur », en contradiction avec la Constitution ukrainienne et la Convention européenne des droits humains (à laquelle l’Ukraine est adhérente) et avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.  De très nombreux universitaires et chercheurs, ukrainiens, européens et autres ont protesté contre ce texte. Mais les principaux partis de la gauche politique européenne, social-démocrate, écologiste ou supposée radicale ont été, délibérément ou par distraction, jusqu’à présent, aux abonnés absents, dans chacun des pays comme au parlement européen.

 

Un soutien aux antiguerres russe en paroles ?

 

     L’objet de ce texte n’est pas d’analyser les réactions de la société russe face à la guerre, et les diverses formes de dissociation, sinon de rejet, vis-à-vis de celle-ci. Disons simplement que l’opposition publique à la guerre se manifeste principalement du côté d’une opposition libérale-démocrate aujourd’hui férocement réprimée, ainsi que dans des milieux intellectuels et des classes moyennes des grandes villes (principalement Saint-Pétersbourg et Moscou). Notons au passage qu’une autre partie de ces mêmes classes moyennes est nationaliste et farouchement pro-Poutine. Les mouvements de défense des droits humains, dont l’emblématique Memorial mais il y en a d’autres… sont évidemment eux-aussi réprimés mais soutenu au niveau international par les organisations de défense des droits comme la FIDH et d’autres.

 

     On estime à un million de personnes les Russes qui ont quitté leur pays, ou s’en sont (à leurs yeux provisoirement) éloignés, partant notamment dans le Sud-Caucase, en Turquie, en Serbie, en Asie Centrale. Sans doute principalement des gens des classes moyennes et d’une partie de l’élite intellectuelle et technique.

 

     La Russie « périphérique » et populaire est largement coupée de ces milieux plus ou moins libéraux, et dans ces cités de banlieue, ces villes moyenne, la campagne, les attitudes vis-à-vis de la guerre semblent être, majoritairement, « d’évitement » du moins dans la mesure du possible car la pression des autorités se renforce.

 

     Il a existé, il existe, diverses formes de « gauches » en Russie. Le post-soviétique Parti communiste de la fédération de Russie, a surtout servi d’alibi à Poutine, une « opposition de sa majesté » national-populiste. Pourtant, en son sein, ou à partir de lui, se sont créés localement des noyaux progressistes – pas toujours très clairs sur la question du nationalisme et de l’impérialisme russe… comme par exemple le Levy Front (Front de Gauche), crée en 2008, mais dont une partie des fondateurs se rallieront en 2014 et 2022 à Poutine. L’attitude à avoir face à la guerre a créé de nouveaux clivages, et les plus résolus des « anti-guerres de gauche » cherchent à se regrouper en Russie et à l’étranger, par exemple dans le Mouvement socialiste russe RSD. Il existe aussi des réseaux plus ou moins actifs se réclamant de l’anarchisme, résolument anti-guerre, Et surtout les syndicalistes de la KPR, la deuxième confédération syndicale du pays, aujourd’hui réprimée. Notons que la « grande » FNPR, la confédération post-soviétique, qui a plutôt la configuration d’un « syndicat vertical fasciste », est farouchement pro-guerre.

 

     Contrairement à ce qui se passait il y a trente ans, les divers groupes de Mère de soldats, ne jouent pas (pas encore ?) un rôle important par contre le réseau Résistance féministe antiguerre (FAS) essentiellement composée de jeunes, est sans doute le mouvement anti-guerre le plus efficace du pays. Il joue aussi un rôle essentiel aujourd’hui en matière d’information sur ce qui se passe dans toute la fédération de Russie, y compris à propos des résistances à la militarisation dans certaines républiques autonomes (Yakoutie, Bouriatie, Daghestan, Bashkiristan, etc.).

 

     Au Belarus, si l’on parle surtout de l’opposition libérale démocrate en exil, l’opposition à la guerre s’est manifestée d’abord par les actions du syndicat indépendant BKDP, soumis à une intense répression. C’est aussi le cas du Centre de défense des droits humains Viasna et de son animateur Ales Bialiastky (co-prix Nobel de la paix).

 

     Tout cela reste plus ou moins en dehors des radars des organisations homologues des pays européens. 

 

     Syndicalistes, gauches diverses, écologistes, libertaires, féministes, mouvement de paix et non-violents, ONG et associations, délibérément ou par distraction, jusqu’à présent, trop souvent aux abonnés absents, trop souvent sans aucune relation avec ceux qui devraient être leurs partenaires naturels, ukrainiens ou russes…. Le soutien aux médias indépendants, reste limité, les relais pour que les informations vers la Russie et le Belarus, ou provenant de la Russie et du Belarus, le sont tout autant, la lutte pour permettre aux opposants exilés de bénéficier de conditions de séjour prolongés, en France par exemple, insuffisante.

 

     Il y a nous l’avons vu heureusement des exceptions, comme le RESU/ENSU déjà cité, comme la solidarité syndicale effective (Par exemple avec les convois organisés régulièrement par un réseau de petits syndicats dont en France l’Union syndicale Solidaires, ou les convois de l’intersyndicale française avec les principales confédérations). Et des absences préoccupantes, car si Jean Luc Mélenchon et le groupe parlementaire LFI a apporté leur soutien à certains militants de la gauche socialiste russe , LFI n’a toujours pas  de relations avec la gauche ukrainienne… Car si le Parti Vert Européen, ou EELV en France, se sont positionnés fermement contre l’agression poutinienne et pour la défense de l’Ukraine, ils n’ont guère engagé d’action de solidarité politique et concrète les concernant en propre par rapport aux mouvements ukrainiens. Les principales organisations libertaires en France ignorent toujours leurs camarades ukrainiens… Et l’on pourrait ainsi multiplier les exemples.

 

     En attendant, dans les conditions différentes bien entendu de l’Ukraine agressée d’une part et des dictatures russes et bélarusses d’autre part, les progressistes ont besoin de soutien politique et d’actions concrètes de la part de leurs pairs, maintenant !

 

Le 20 Janvier 2022

 

Bernard Dreano est membre du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine, président du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale CEDETIM et cofondateur de l’Assemblée européenne des citoyens AEC/Hca-France

 

[1] La plupart sont actives dans le réseau européen de soutien à l’Ukraine (RESU/ENSU) https://ukraine-solidarity.eu/ . En France Comité français du RESU https://www.facebook.com/

 

[2] On trouvera une analyse détaillée du paysage politique ukrainien, notamment après 2014 dans les excellents articles de Daria Sabourova. « Questions sur l’Ukraine, vie politique et sociale en Ukraine entre 2014 et 2022 » L’Anticapitaliste n°140 et 141, novembre, décembre 2022.

 

[3] « Non-violence, résistance passive et  désobéissance civile » Sur le rapport de l’Institut international pour l’action non-violente NOVACT (Barcelone) dans Brigades éditoriales de solidarité n°13 éditions Syllepse 2022 https://www.syllepse.net/syllepse_images/articles/brigades-e--ditoriales-de-solidarite---13.pdf). : https://novact.org/wp-content/uploads/2022/10/InformeCAST.png

 

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21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 14:55

     Dans un point de vue, publié dans l'édition du 20 mars du "Monde", un nommé Bruno Tertrais n'y va pas de main morte. 

 

     L'article commence bizarrement : "L'interminable crise iranienne...". Perplexité. En fait, il s'agit du programme nucléaire iranien qui, après avoir été soutenu par divers pays dont la France, quand l'Iran était dirigé par le Chah, est devenu inacceptable dès que les mollahs ont pris le pouvoir. 

 

     L'auteur explique que l'Iran doit faire des concessions si elle veut éviter l'alourdissement des sanctions internationales. Soit dit en passant, les sanctions n'ont pas démarré depuis que la République Islamique a décidé de relancer son programme nucléaire mais dès la naissance de ce régime ce qui fait une trentaine d'années. 

 

     Puis, tout en disant que "personne ne peut souhaiter, et encore moins recommander, une action militaire contre l'Iran...", il propose que l'emploi de la force par les E.U. devienne une option crédible. Et ajoute que "une action américaine serait de plus grande envergure et ne manquerait pas d'affecter des ressorts du pouvoir iranien..." On se demande si il n'appelle pas ce recours à la force de ses voeux. Mais pourquoi les E.U. ? Parce que les menaces d'Israël ne lui semblent pas assez dissuasives. 

 

     Il signale, pour étayer son propos, que "à la fin de la première guerre du Golfe, en 1987-1988, la peur d'une entrée en guerre des États-Unis, avait été déterminante dans la décision de l'imam Khomeiney de demander un cessez-le-feu". C'est possible mais cela oblitère une réalité : l'agresseur n'était pas l'Iran mais l'Irak de Saddam Hussein ; celui-ci ayant envahi l'Iran avec la bénédiction de nombreux pays dits "occidentaux". 

 

     Et, surtout, l'auteur, fidèle en cela à la ligne de conduite de nombre de "stratèges" passe sous silence un fait essentiel. S'il existe un pays qui a déjà, et depuis longtemps, un armement nucléaire conséquent (et pas du tout virtuel) c'est l'état d'Israël. On attend que M. Tertrais dénonce cet état de fait ou qu'il se contente de suggérer à Obama de demander à Israël de respecter les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU. 

 

     Si l'Iran veut avoir suffisamment de matière pour pouvoir éventuellement fabriquer des bombes atomiques, c'est, en partie, parce que ce pays et ses dirigeants se sentent menacés. Le point de départ ne serait-il pas une négociation concernant des garanties de sécurité pour l'Iran ? Le but ultime étant, bien entendu, pour un partisan de la paix mondiale, la dénucléarisation totale du Proche et Moyen Orient et la dénucléarisation mondiale. On en est loin !

 

 

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28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 20:53

     Récemment, j'ai eu l'occasion de revoir mon ami Bernard Ravenel, ancien responsable national du PSU, ancien président du Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (MDPL) et de l'Association France Palestine Solidarité (AFPS - il existe une antenne en Sarthe). 

 

     J'ai découvert qu'il avait rédigé une brochure de plus de 60 pages sur le sujet en 2007 (1) car, dès cette époque, les Israéliens et les Américains préparaient une agression contre l'Iran. Une mine d'informations pour résister au bourrage de crâne de la la propagande israélienne relayée complaisamment par la plupart des médias.

 

Dénucléariser le Moyen Orient

 

     Il commence en citant  Robert Gates, secrétaire d'État à la Défense de Bush junior (puis de Barack Obama !), qui, devant une commission du Sénat, le 7 décembre 2006 a déclaré qu'Israël a un arsenal nucléaire et que c'est la présence de cet arsenal qui a poussé l'Iran à développer son propre arsenal nucléaire en précisant  que "les Iraniens sont entourés par des puissances ayant des armes nucléaires - Pakistan à l'est, les Russes au nord, les Israéliens à l'est et les États-Unis (bateaux de guerre) dans le Golfe Persique".

 

     Il rappelle que "la présence de loin la plus déstabilisatrice de toute la région est le puissant arsenal israélien qui a permis à Israël de prétendre jouer le rôle de gendarme nucléaire pour tout le Moyen Orient, à commencer par le bombardement du réacteur Osirak, en Irak, le 7 juin 1981".

 

     Il précise l'historique le bombe atomique israélienne en révélant que le programme  nucléaire de cet État a démarré dès son indépendance, en 1948 et que, à partir de 1949, c'est dans le désert du Néguev, où il y avait des ressources en uranium, que se concrétise cet objectif, à Dimona. Le problème posé n'était pas tellement de trouver les scientifiques compétents (beaucoup de ceux qui avaient participé à la mise au point de la bombe A américaine étaient juifs) mais de mettre en place les infrastructures industrielles. La France de la IVème République (puis de la Vème) va, alors, entrer en lice sur proposition des E-U qui ne peuvent le faire directement. France et Israël s'aidant réciproquement de telle sorte que Israël possède 2 bombes dès 1967. Ce qui en fait le 6ème pays dans ce cas, juste après la France (1960) et le Chine (1964)

 

     D'autres pays ont aidé Israël. Les E-U, bien sûr, qui fournissent les avions, les missiles, l'uranium enrichi... mais également l'Afrique du Sud de l'apartheid pour les essais ou l'Allemagne pour les sous marins.

 

     Il indique qu'à plusieurs reprises, Israël s'est préparé à utiliser des armes nucléaires (1973 et 1991). Inversement, lors de la guerre de 1967, les Israéliens ont eu peur que l'Égypte ne bombarde le site de Dimona ce qui explique, entre autres raisons, la destruction de la flotte aérienne de son voisin.

 

     Israël a toujours démenti posséder la bombe jusqu'à ce que le premier ministre, Ehoud Olmert en fasse l'aveu en 2007 (soit 40 ans après la constitution de l'arsenal !) (2) C'est sans doute pourquoi ce pays n'adhère pas au Traité de Non Prolifération (TNP) à la différence de l'Iran.

 

     Il se pose la question de savoir si l'attaque d'Israël contre le Liban puis contre Gaza n'étaient pas des répétitions d'une attaque contre l'iran qui, donc, ne se limiterait pas à détruire les sites nucléaires mais viserait à détruire l'infrastructure de ce pays.

 

     Aujourd'hui, Israël possède entre 100 et 200 ogives et dispose des 3 vecteurs (avions, sous marins et rampes de lancement mobiles). A noter que ces armes se décomposent entre armes stratégiques et armes tactiques (ex : bombes à neutron) et - probablement - des armes à uranium appauvri (expérimentées par les E-U contre l'Irak et la Serbie) fournies par leur grand allié étatsunien.

 

     Quand cette brochure a été rédigée, l'Iran ne possédait pas l'arme nucléaire. C'est toujours le cas. Pour plusieurs raisons :

 

          - Les Iraniens sont sous la surveillance de l'AIEA ce qui les oblige à ruser s'ils souhaitent continuer leur programme

          - Les Israéliens ayant détruit des installations en Irak  en 1981 et en Syrie il y a quelques temps, les Iraniens ont du faire des travaux gigantesques pour enterrer leurs installations (ils ne sont pourtant peut être pas à l'abri des bombes anti bunkers - éventuellement nucléaires - que possèdent les E-U et que ces derniers ont peut être vendu à Israël)

          - Les Iraniens ont été victimes, à plusieurs reprises d'attentats très sophistiqués qui ont coûté la vie à des responsables de leur programme atomique et de virus informatiques qui ont désorganisé leurs usines. On devine qui sont les organisateurs de ces actes terroristes.

          - L'ONU  a décidé, en 2006, des sanctions contre l'Iran. Les E-U (avec le soutien  zélé de Sarkozy) en ont pris d'autres aggravant l'étranglement économique de la République islamique. La guerre a donc commencé car un blocus est un acte de guerre. Par voie de conséquences, le régime des mollahs a moins de latitude pour développer son programme nucléaire.

          - MAIS, la question essentielle est la suivante : l'Iran veut il avoir la bombe atomique ? Ou souhaite-t-il seulement rester au "seuil" comme le Japon, par exemple. Les dirigeants d'Israël font semblant de ne pas se poser la question car cela ruinerait le fondement de leur politique agressive.

 

     Encore une fois, une seule issue : la dénucléarisation de la région. La France de Hollande pourrait faire oeuvre utile dans ce sens. On peut rêver !

 

     Voir également : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/article-denucleariser-le-proche-et-le-moyen-orient-100059647.html

 

 

(1) Bernard RAVENEL avec la collaboration de Patrice BOUVERET : "Israël, Iran... Dénucléariser le Moyen Orient"   Cahier de formation n° 21 de l'Association France Palestine Solidarité (& Observatoire des armements/CDRPC) - Septembre 2007 - 5 €

(2) Il est extraordinaire de constater que nombre d'analystes continuent de mettre la bombe israélienne au conditionnel. Un tel déni de la réalité est affligeant. et, en même temps, significatif.

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 20:22

     Depuis plusieurs semaines, la presse laisse  entendre que Israël serait sur le point de lancer une attaque pour détruire les usines nucléaires de l'Iran car ce dernier pays est censé menacer sa sécurité. 

     Cette vision des choses - un petit pays pacifiste menacé par une tyrannie islamiste - ne résiste pas à l'examen des faits.

 

     UN FAIT VOLONTAIREMENT OCCULTÉ : ISRAEL EST UNE PUISSANCE NUCLÉAIRE


     Ce n'est pas nouveau même si le fait n'a jamais été reconnu officiellement par le gouvernement israëlien. La révélation  date de 1986 et émane de Mordechai Vanunu, un scientifique israëlien ayant travaillé au centre secret de Dimona (il fut ensuite kidnappé à Rome par les agents israëliens, jugé et condamné à une lourde peine de prison).

     Israël est la sixième puissance nucléaire du monde pour la date de mise au point de la bombe (dans les années 60) et pour le nombre d'armes atomiques (évaluées entre 80 et 200). Ce pays possède toute la panoplie des armes nucléaires - et pas seulement une bombinette - sans compter toute une variété de vecteurs (avions, sous marins, fusées). De nombreux pays l'ont aidé dans sa tâche dont la France.

     La puissance atomique de cet État est donc supérieure à celle de la Corée du Nord et à celle dont pourrait un jour disposer l'Iran. Néanmoins, jamais le moindre inspecteur de l'AIEA n'a mis son nez dans les installations nucléaires israëliennes car ce pays n'adhère pas au TNP.

    Israël bénéficie donc d'un "droit" à l'arme atomique qui est dénié à nombre d'autres pays. Les "occidentaux" de façon explicite et les autres 'grands" de façon implicite considèrent sans doute que ce pays ne possède l'arme atomique que pour la dissuasion. Ce qui n'est pas tout à fait vrai car, selon de nombreuses sources, les dirigeants du pays auraient été tentés de l'utiliser lorsque les armées syrienne et égyptienne se faisaient menaçantes en 1973.

 

     LA QUETE DE LA BOMBE DANS LES PAYS ARABES ET MUSULMANS.

 

     Remarque préalable : il ne faut pas confondre les deux termes. Ainsi, la population des pays arabes ne comprend pas que des musulmans. Avant 1948, il y avait dans tous ces pays, des minorités chrétiennes et juives qui existaient bien avant la naissance de la religion musulmane. Si la population juive hors Israël et Palestine a disparu quasi totalement, il reste encore des millions de chrétiens dans la région. Le nationalisme arabe apparu à la fin du XIXème, était aussi bien l'oeuvre de chrétiens que de musulmans.. A contrario, deux grands pays dont la population est à 99% de tradition musulmane (Turquie et Iran) sont habitées, en majorité, de populations de langues non arabes .Par ailleurs, l'antagonisme entre les musulmans chiites et les musulmans sunnites est particulièrement fort mais ne recoupe pas la dichotomie arabe/non arabe. Il ne faut donc pas considérer le Proche et le Moyen Orient (hors Israël) comme un bloc

 

     La création de l'État d'Israël s'est faite aux dépens de la population arabe de Palestine avec l'appui des États Unis, de la France, de l'URSS et de leurs satellites à l'ONU. Contrairement à une légende bien installée, les pays arabes voisins n'ont pas mis toutes leurs forces dans la bataille lors de la guerre qui suivit la proclamation unilatérale de l'indépendance d'Israël. Des accords secrets avec des régimes arabes voisins expliquent en partie ce manque de solidarité. Les Palestiniens furent donc vaincus et - pour la majorité d'entre eux - contraints à l'exil. L'Égypte et la Jordanie récupèrèrent ce qui restait de la Palestine.

     L'arrivée au pouvoir de Nasser en Égypte en 1954 va changer la donne. Les Arabes ont trouvé un dirigeant qui lance des réformes sociales et qui secoue la tutelle "occidentale". On ne parle plus que de "revanche". Pour parer à cette menace potentielle, Israël va lancer 2 guerres : en 1956 et 1967. Cette dernière lui permettant de s'agrandir aux dépens de l'Égypte, de la Syrie et de la Jordanie. D'autres guerres suivront,  déclenchées soit par les pays arabes (une fois : en 1973) soit par Israël (les 2 invasions du Liban). Israël évacuera le Sinaï et négociera avec l'OLP pour accorder une autonomie à la Cisjordanie et Gaza mais, dans le même temps, accroîtra considérablement les colonies en Cisjordanie (500 000 habitants aujourd'hui) ce qui rend de plus en plus illusoire la mise en place d'un véritable État palestinien.

     Face à cette humiliation originelle et à ces échecs répétés de renverser la situation, plusieurs stratégies ont été tentées par les Palestiniens et les pays arabes : terrorisme, soulèvement populaire, négociations, armement.... Ce qui frappe, c'est qu'il n'y a jamais eu d'action coordonnée de l'ensemble des pays et des peuples hostiles au "sionisme". Des pays "musulmans" comme la Turquie (dont il faut souligner qu'elle est membre de l'OTAN , l'aliance "atlantique") et, dans une moindre mesure, l'Iran du chah passent des accords avec Israël. D'autres sont minés par les conflits internes  : guerres civiles (aggravées par des interventions étrangères)  au Liban et au Yemen, révoltes des Kurdes de Turquie, Irak et Iran ou du Dhofar omanais... Et il y a des conflits entre pays voisins : l'Irak baasiste s'oppose au régime impérial du chah sans que ce conflit ne dégénère ; il en sera différemment avec l'arrivée de Khomeyni : la guerre qui dure de 1980 à 1988 fera sans doute 1 million de morts et ruinera les deux pays. Le surarmement des pays arabes est autant dicté par ces considérations que par la volonté de détruire l'État d'Israël.

     Plusieurs pays arabes ou musulmans ont été tentés d'acquérir la bombe atomique. La Libye de Kadhafi y a renoncé (mais son programme ne semble pas avoir été très avancé). L'Irak et l'Iran se sont intéressés au nucléaire dans les années 70 avec l'aide de ... la France.

     En effet, c'est la France qui, à partir de 1975, a aidé le régime de Saddam Hussein à construire le réacteur OSIRAK, détruit par Israël en 1981 et c'est toujours la France de Giscard qui, en 1974,  a introduit l'Iran du chah dans le capital d'EURODIF, usine d'enrichissement de l'uranium située à Tricastin. Il faut préciser qu'après la "Révolution Islamique" (dont le vainqueur fut Khomeyni, hébergé en France alors que la France était censée être l'alliée du chah !), le gouvernement français dénonça l'accord ce qui nous valut une vague d'attentats ou d'enlèvements très probablement téléguidée par l'iran.

     Par conséquent, la France a une responsabilité considérable dans la prolifération nucléaire dans la région. Et il faut une forte dose d'hypocrisie pour dénoncer aujourd'hui le programme nucléaire iranien.

     Ceci étant dit, on peut s'interroger sur le sens de ce programme dans le pays des mollahs. Il est étrange qu'un pays exportateur de pétrole ait participé au capital d'une usine d'enrichissement d'uranium, puis ait construit une centrale nucléaire (Bouchehr - avec l'aide de la Russie) si elle n'a pas d'ambitions militaires. On peut émettre l'hypothèse que l'Iran ne souhaite pas acquérir la bombe A tout de suite mais qu'elle se donne les moyens (en terme d'enrichissement) de la poséder au cas où.... (comme le Japon apparemment). Mais pour quoi en faire ?

 

     QUI MENACE QUI DANS LA RÉGION ?

 

     La République Islamique d'iran n'est pas un "modèle" politique pour les progressistes. Il s'agit d'une forme de théocratie où de nombreuses libertés sont bafouées, où les opposants sont pourchassés (les années Khomeyni ont été particulièrement sanguinaires), où les non-musulmans ou les femmes sont victimes de discriminations. C'est une variante chiite d'un régime intégriste musulman dont une version sunnite est donnée par l'Arabie Séoudite. Mais qui dénonce le régime politique de ce dernier pays ? Nous devons donc dénoncer le  régime politique "islamiste" de l'Iran comme tous les autres régimes ou gouvernements islamistes et, par voie de conséquence, soutenir les opposants démocrates. Mais rien ne justifie une intervention militaire de quelque nature qu'elle soit. "Personne n'aime les missionnaires armés" disait Robespierre en janvier 1792 (il changea d'avis ensuite !)

     Par contre, l'Iran n'est pas une puissance expansionniste. Certes, elle se veut la protectrice des chiites dans la monde et, sur cette base, elle soutient par tous les moyens - y compris militaires - le Hezbollah libanais ou les partis chiites d'Irak. Par ailleurs, la République Islamique n'hésite pas à organiser ou à sous traiter des attentats contre ses opposants exilés ou contre des pays avec lesquels elle est en désaccord. Mais, depuis 1979, l'iran n'a jamais attaqué un autre pays. L'occupation de 3 ilôts dans la Golfe Persique avait été réalisée en 1971, par le régime du chah.

     On ne peut pas en dire autant de la plupart des autres pays de la région sans parler des "grandes puissances". La Turquie a envahi une partie de Chypre en 1974 et continue de l'occuper. La Syrie est intervenue au Liban à l'occasion de la guerre civile et y a laissé des troupes pendant des décennies. L'Irak a attaqué l'Iran en 1980 puis le Koweit en 1990. L'URSS a envahi l'Afghanistan fin 1978. La Russie a favorisé l'invasion d'une partie de l'Azerbaidjan par l'Arménie puis a envahi deux territoires géorgiens. Israël a attaqué tous ses voisins à l'occasion de plusieurs guerres et occupe encore - outre les territoires palestiniens - une partie de la Syrie.

     Les États Unis sont intervenus en 1991 et 2003 contre l'Irak et en 2001 contre l'Afghanistan. A chaque fois, à la tête de coalitions comprenant toujours le Royaume Uni et, 2 fois sur 3, la France. Les Américains ont des troupes  dans quasiment tous les pays voisins de l'Iran (Irak, Turquie, Afghanistan, autres États arabes du Golfe + Kirghizistan). L'Iran est donc encerclé par les E.U. (et la France car notre pays possède une base dans un pays du Golfe et des troupes en Afghanistan). L'Iran est, par ailleurs, soumis à des mesures de "sanctions" plus ou moins sévères quasiment sans interruption depuis la "Révolution Islamique".

     Inversement, Israël bénéficie, depuis sa création, d'une aide américaine considérable. Bien plus importante que celle reçue par d'autres alliés ou satellites de la région.

 

     QUE VA-T-IL SE PASSER ?

 

     On peut être sûrs d'une chose : le gouvernement d'Israël (qui va de l'extrême droite jusqu'au parti travailiste en passant par la droite cléricale et la droite classique ; imaginons une coalition allant de Hollande à Le Pen n'excluant que Mélenchon et Bayrou !!!) se moque bien de ce que peut penser l'administration Obama. Au contraire, Netanyahou serait bien content que le président américain ne soit pas réélu et si sa politique pouvait faire gagner le Parti républicain en novembre, il gagnerait un soutien inconditionnel. Car, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les E.U. ont peu d'influence sur la politique israëlienne alors que les gouvernements israëliens successifs ont pu s'appuyer sur un puissant groupe de pression aux E.U. qui a la prétention de pouvoir faire et défaire les présidents. Seuls Eisenhower et Clinton ont tenté (et obtenu) d'infléchir la politique israëlienne.

    Il faut, par ailleurs, rappeler que la "guerre" contre l'Iran a déjà commencé : blocus économique, piratage informatique, assassinats de responsables du programme nucléaire...

     Néanmoins, Israël est tentée de rééditer le "coup" de la destruction d'OSIRAK. Ils possèdent les bombes capables de percer des mètres d'épaisseur de béton ou de roche. Ils ont suffisamment d'avions pour effectuer un raid. Ils pourraient, éventuellement,  avoir un problème de ravitaillement en vol. Et, évidemment, ils devraient violer l'espace aérien d'un ou plusieurs pays étrangers mais cela ne les a pas gênés en 1981 (ils sont passés par l'Arabie Séoudite). La seule chose qui peut les faire hésiter est la capacité de la défense anti aérienne iranienne.

     Et pourtant, qui peut imaginer que l'Iran puisse subir une agression sans réagir ? Attentats ciblés, lancement de missiles contre Israël,  manifestations ou émeutes dans de nombreux pays. blocage du détroit d'Ormuz.... Cette dernière menace n'inquiète pas les E.U. qui achètent leur pétrole ailleurs mais les pays d'Extrême Orient sont très dépendants. En tout état de cause, le prix de l'essence, déjà en hausse à cause des menaces de guerre, s'envolerait. Par conséquent, même si la "guerre éclair" était victorieuse, les suites risquent d'être dramatiques.

    

     UNE SEULE SOLUTION : DÉNUCLÉARISATION DE TOUTE LA RÉGION

 

      La dissuasion nucléaire est un leurre. Elle ne peut empêcher les révoltes populaires. Par contre, les conséquences d'une guerre nucléaire sont connues et inacceptables. Plutôt que de crier au loup contre l'éventualité d'une bombe iranienne en oubliant volontairement les bombes israëliennes, les diplomates seraient mieux inspirés de rechercher les moyens de pacifier la région : garanties données à l'Iran et à Israël pour leur sécurité, retrait d'Israël des territoires occupés et mise en place d'un véritable État palestinien, démantèlement des bases militaires étrangères, dénucléarisation du Proche et Moyen Orient prélude à la renonciation universelle à l'arme atomique.

 

     NI BOMBE ISRAELIENNE - NI BOMBE IRANIENNE : DENUCLEARISATION

 

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 08:39

     Quartier de Hötorget à Stockholm

Photo G. FRETELLIERE

 

 

Le Mouvement pour une Alternative Non-violente a édité un argumentaire de 4 pages en faveur d'un désarmement nucléaire unilatéral de la France, premier pas vers l'abandon général des armes nucléaires dans le monde.

 

     Pour le lire : http://www.francesansarmesnucleaires.fr

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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