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7 mars 2022 1 07 /03 /mars /2022 12:03

     Il n'y a pas erreur : je n'ai pas voulu écrire "camping". Certes, les deux mots ont la même racine (camp) mais c'est tout car le campisme est une attitude de politique internationale. 

 

     Pour comprendre la généalogie du mot, il faut remonter à 1864. Cette année-là, est fondée, à Londres, l'Association Internationale des Travailleurs dite plus couramment Internationale. Ce sera la première du nom. Elle vise à regrouper les ouvriers du monde entier mais ses débuts sont modestes ne représentant que quelques dizaines de sections nationales ou locales. Néanmoins que des travailleurs de tous pays puissent s'unir sur des objectifs communs, au-delà des divergences doctrinales est une avancée considérable : "Travailleurs de tous pays, unissez-vous". Plusieurs Congrès ont lieu avant 1870 ; les "Internationaux" dénoncent la guerre franco-prussienne mais l'échec de la Commune en 1871 et des divergences croissantes entre les "marxistes" et les "antiautoritaires" vont entraîner l'éclatement de la première Internationale puis l'échec final. 

 

     La deuxième Internationale, fondée, à Paris, en 1889, est moins diverse puisqu'elle regroupe désormais des partis politiques socialistes, social-démocrates et travaillistes d'Europe mais également du Japon, d'Inde, des États-Unis. En effet, le regroupement est "politique" :  les  syndicats sont mis à l'écart (ils créent un secrétariat syndical international). Plusieurs tendances coexistent encore - ce qui entraîne de grands débats même si les "marxistes" dominent -  car l'Internationale fonctionne selon les principes du fédéralisme. Néanmoins, les anarchistes et anarcho-syndicalistes n'en font pas partie. L'Internationale dénonce les risques de guerre entre les puissances impérialistes capitalistes et en appelle à l'union du prolétariat mondial en criant "Guerre à la guerre".

 

     Quand la guerre est sur le point d'éclater, Jaurès tente de mobiliser contre un conflit européen généralisé mais il est assassiné et les socialistes des divers pays en guerre se rallient presque tous à "l'Union Sacrée". Seule une poignée s'y oppose et organise 2 réunions en Suisse : Zimmerwald et Kienthal. La guerre continue mais un coup de tonnerre éclate au début de l'année 1917 : le tsar est renversé en Russie. Quelques mois plus tard, une tendance du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie, les "bolchéviques" (ils se renommeront ensuite "communistes") autour de "Lénine", prend le pouvoir pour mettre en place le "socialisme". Ce succès a de multiples conséquences sur la conception du socialisme et de l'internationalisme. 

 

     En effet, dès le 2 mars 1919, les communistes russes, créent à Moscou, une Internationale Communiste dite 3ème Internationale puis Komintern. Cette internationale part du postulat que le Révolution mondiale est en marche et que la Russie soviétique est le modèle pour les révolutionnaires du monde entier. Dans tous les partis de la IIème Internationale, se pose la question : faut-il rallier le Komintern ? D'autant qu'ils doivent accepter les "21 conditions" assez draconiennes. Partout a lieu la scission entre les partisans de la IIIème qui se nomment, désormais "communistes" et ceux qui se refusent à y adhérer, qu'ils restent à la IIème ou qu'ils aient une position intermédiaire. En France, la majorité décide, au Congrès de Tours, d'adhérer à la IIIème et devient le Parti Communiste Français. 

 

     Il y a une énorme différence entre la IIème et la IIIème. Considérant que l'URSS (créée en 1922) est le centre du communisme et de la révolution mondiale, le Komintern fait de la défense de l'URSS l'une de ses bases essentielles. Il y a plus : très vite, le fonctionnement des nouveaux partis communistes est calqué sur le modèle soviétique et c'est à Moscou que les décisions essentielles sont prises. On n'est donc plus du tout dans une fédération de partis indépendants et égaux. Au contraire, des agents du Komintern (le plus célèbre Français étant Jacques Duclos) sont envoyés de par le monde pour contrôler les partis et préparer la révolution. En France, le véritable chef du PCF est souvent un envoyé de Moscou : Abraham Haphetz dit Gourevitch ou Lepetit, en 1925-26, ou Eugen Fried dit Clément, dans les années 30. La politique des P.C. suit les fluctuations des décisions staliniennes ("classe contre classe" dans les années 20 puis "Front Populaire" après la victoire de Hitler) et ils doivent, également, soutenir la politique nationale et internationale de l'URSS (par exemple : le Pacte de Non Agression Hitler - Staline). Le Komintern disparaît officiellement pendant la guerre mais l'allégeance à Moscou perdurera pendant des décennies (du moins pour les "orthodoxes")

 

     Au sein du PC de l'URSS puis dans la plupart des PC, se constitue, à partir de la fin des années 1920, une opposition dirigée par Lev Bronstein alias Léon Trotsky. Celui-ci et ses partisans sont violemment combattus par les staliniens du monde entier. Puis ils rompent définitivement avec le stalinisme et constituent, en 1938, près de Paris, une IVème Internationale trotskyste. Celle-ci est composée de sections nationales comprenant souvent très peu de militants, sous la supervision du "Vieux" jusqu'à son assassinat en 1940 par un agent stalinien. Cette 4ème Internationale ne rompt pas vraiment avec les schémas organisationnels lénino-staliniens et avec la "défense de l'URSS" qui est toujours un "État ouvrier" mais "dégénéré" car aux mains d'une "bureaucratie". Cette nouvelle Internationale connaîtra nombre de scissions et plusieurs Internationales se réclameront de Trotsky sans pouvoir supplanter les PC liés à Moscou. 

 

     L'après-guerre se manifeste par la rupture de l'alliance de circonstance passée entre les E.U. et le Royaume-Uni (+ la France, etc..) d'un côté et l'URSS de l'autre. Churchill dénonce, en 1946 : "un rideau de fer s'est abattu à travers le continent" et il considère que l'Europe est divisée en 2 camps hostiles. Puis Truman, président américain, enfonce le clou, un an plus tard en dénonçant le "totalitarisme" qui, sans le nommer, vise l'URSS. En réponse, un dirigeant soviétique nommé Jdanov, réplique quelques mois plus tard en affirmant que le monde est divisé en deux camps : " Au fur et à mesure que nous nous éloignons de la guerre, deux camps s’affirment. Les États-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. Ce camp est soutenu par l’Angleterre, la France mais aussi par des États possesseurs de colonies. Les forces anti-impérialistes et antifascistes forment l'autre camp. L'URSS et les pays de la démocratie nouvelle en sont le fondement. Le camp anti-impérialiste s'appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, les partis communistes frères".

 

     Un révolutionnaire doit donc choisir son camp. Ce sera la vulgate des communistes mais, aussi, des trotskistes pendant des décennies. Avec une dérive évidente : tous ceux qui se disent communiste, anti-fasciste ou anti-impérialiste doivent être soutenus sans hésitation et sans analyse critique. Les partis ou mouvements mais, aussi, les États qui affirment ces principes et qui disposent ainsi d'un brevet d'honorabilité "à vie". C'est la "campisme". Alors que l'internationalisme prétendait que "les prolétaires n'ont pas de patrie". De ce fait, l'URSS proclamant qu'elle construit le socialisme, elle doit être crue sur parole sans se donner la peine d'une analyse marxiste mais c'est tout aussi vrai pour Cuba depuis 1959, voire le Nicaragua sandiniste, le Vénézuela chaviste, tous les pays du bloc communiste, etc... 

 

     Les premières critiques du "campisme" pur vont apparaître au sein du bloc communiste. En commençant par l'excommunication de la Yougoslavie de Tito qui met, alors, en palce un régime "socialiste" original et se rapproche du Tiers Monde pour prôner le "neutralisme'. Plus grave est  la scission de la Chine maoïste ; devenue le nouveau "phare" de la révolution mondiale, elle va soutenir des partis maoïstes (dits "marxistes-léninistes") qui demeureront souvent des groupuscules avant d'évoluer de façon très diverses : les uns déclencheront des guérillas ("Sentier Lumineux" au Pérou), d'autres, à l'issue d'une longue mutation, deviendront des néo-PC ("PTB" en Belgique). On verra même des scission dans la scission quand l'Albanie de Hoxha rompra avec la Chine. La Chine considérait que l'URSS était impérialiste (injure suprême) ce qui bouleverse le "campisme". 

 

     Une autre critique du campisme se fera jour au sein de partis communistes (surtout européens) qui s'efforceront de définir à une voie pacifique vers le socialisme et se livreront à une analyse critique du modèle soviétique (ex : Tchécoslovaquie en 1968 puis PC Italien de Berlinguer). 

 

     La fin de l'URSS puis du Bloc de l'Est en Europe va plonger les "campistes" dans le plus grand désarroi puisque le pays de la Révolution d'Octobre va rompre avec le communisme. "Rome n'est plus dans Rome" ! Pire encore : ces pays ex-communistes vont souvent donner le pouvoir à la droite qui va liquider l'héritage communiste alors que la Chine et le Vietnam, restés communistes en titre se vautrent dans le capitalisme. Il y a de quoi y perdre son latin. 

 

     Mais l'impérialisme américain voire européen est toujours là et les "révolutionnaires", à juste titre titre, d'ailleurs, vont dénoncer les agressions "impérialistes"  MAIS en étant fort indulgents vis à vis de régimes anti-américains (Cuba, le Vénézuela, la Syrie, l'Iran) ou des impérialismes chinois et russe. Ce dernier étant admiré par l'extrême-droite. D'où tous les dérapages constatés de la part de certains hommes politiques de gauche comme Mélenchon qui voit l'impérialisme américain partout et qui est violemment anti-allemand (je me rappelle une des rares émission où je l'ai regardé et où il était d'une rare vulgarité vis à vis de Merkel). La guerre en Syrie puis en Ukraine va être l'occasion pour les "campistes" de redonner de la voix au mépris des peuples massacrés. 

 

 

 

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  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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