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23 mai 2023 2 23 /05 /mai /2023 15:42

     Une élection municipale partielle intégrale a eu lieu dimanche 14 mai à Bonnétable. Elle a été rendue nécessaire par la démission, le 1er mars 2023, du maire, Frédéric Barré, suivi de la démission de 12 autres élus. Comme il n'y avait eu qu'une seule liste en 2020, il n'y avait pas un seul candidat non élu pouvant les remplacer et il était donc impossible d'élire un nouveau maire. Étant donné que la commune a plus de 1 000 habitants, c'est la totalité du conseil qui était soumise à renouvellement. 

 

     Pourquoi ces démissions ? A cause de l'ambiance exécrable régnant au sein du Conseil Municipal pourtant "unicolore". 

 

     Pour bien comprendre, il faut revenir quelques dizaines d'années en arrière.

 

     En juin 1995, Yvon Marzin, directeur d'école, divers gauche mais proche du PS, devient maire de la commune en succédant à un élu de droite. Au bout de 6 ans, il cède la place à Christian Fleury, postier, autre divers gauche, parfois étiqueté PCF, mais se fait élire conseiller général du canton où il siège de 2001 à 2008. A cette date, Fleury garde la place de maire et se présente aux cantonales où il est battu par Jean-Pierre Vogel, divers droite à l'époque. 

 

     Intéressons-nous à ce dernier. Expert-comptable de profession, il est devenu, en 1995, maire de Beaufay. Cette commune, voisine de Bonnétable, a la particularité de ne pas faire partie du canton mais d'appartenir, quand même à la communauté de communes, dite Maine 301, dont Vogel prendra la tête dès 2000 en remplacement de l'ancien maire de Beaufay. Fort de ce tremplin, le maire de Beaufay, président de la CdC, ayant adhéré à l'UMP, se fait élire conseiller général du canton de Bonnétable en 2008 en battant Christian Fleury qui, cependant, reste maire de Bonnétable. Vogel innove dans la propagande institutionnelle en insérant dans le journal de la communauté de communes un encart où il vante son action de conseiller général. Tout le monde comprend que la commune de Bonnétable est la prochaine cible. 

 

     En 2014, Fleury ne se représente pas à la mairie et la liste de gauche est dirigée par un jeune retraité peu connu sur place : Joseph Carreno. Il y a une liste de droite dirigée par Pascal Yvon, qui lui, est bien connu localement mais ne pourra pas non plus faire le poids face au 3ème concurrent. En effet, Jean-Pierre Vogel a imaginé un scénario original : son épouse se présente pour lui succéder à Beaufay et, lui, est candidat à Bonnétable où il s'est arrangé pour payer des impôts locaux. Il mène une puissante campagne et, à l'issue du premier tour, il lamine ses adversaires : avec 62,12 % il obtient 22 sièges sur 27 . La liste Carreno doit se contenter de 22,19% (3 sièges) et celle de Pascal Yvon de 15,69% (2 sièges). Mme Vogel gagne à Beaufay face à une liste divers gauche et, dans la foulée, remplace son époux à la tête de la CdC. Le couple contrôle donc 2 communes, le canton et la CdC (voir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/article-chez-les-vogel-et-les-boulard-la-politique-est-une-affaire-de-famille-123471429.html) Mais ce n'est pas fini ! 

 

     En effet, comme l'appétit vient en mangeant, Jean-Pierre Vogel annonce sa volonté d'être candidat aux sénatoriales ayant lieu en septembre de la même année. Problème : l'UMP intronise Louis-Jean de Nicolaÿ, grand notable, propriétaire du château du Lude et maire de cette commune. Or, il s'agit d'un scrutin de liste et le n°2 de la liste doit être de sexe opposé. Comme la droite ne peut espérer que 2 sièges, c'est rapé ! Mais non !

 

     Car Jean-Pierre Vogel décide de constituer une liste de droite dissidente dont il prend la tête. Bingo ! La liste socialiste vire en tête devançant la liste UMP officielle mais celle de Vogel n'a que 25 voix de retard et récupère le 3ème siège en ajoutant une cinquième corde à l'arc familial. Un exploit ! Pas pour longtemps car, dès 2014, Vogel doit  commencer par céder sa place de conseiller général à sa suppléante qui ne restera qu'un an.

 

     Le sénateur-maire embellit la ville mais ne lance pas de grands investissements d'autant qu'il souhaite réduire la dette. Tout va pour le mieux mais les multiples réformes concoctées sous le mandat de François Hollande vont compliquer la donne. 

 

     En effet, la carte des intercommunalités est considérablement modifiée, les cantons sont redécoupés et leurs élus sont élus sur la base d'un binôme paritaire femme - homme et enfin, les lois réduisant le cumul des mandats sont renforcées. 

 

      En 2015, c'est le binôme Véronique Cantin (maire de Neuville) - Thierry Lemonnier (adjoint à Bonnétable) qui se fait élire dans le nouveau canton. Ils seront réélus en 2021. En 2017, se met en place la nouvelle communauté de communes nommée Maine Saosnois (un monstre composé de 51 communes et de 75 conseillers) qui va de Bonnétable à Mamers. C'est le maire de cette commune, Frédéric Beauchef qui en prend la tête. Au total, le couple Vogel a perdu 2 mandats. 

 

     La même année 2017, une nouvelle loi anti cumul rentre en application interdisant à un député ou à un sénateur d'être, en même temps, à la tête d'un exécutif (par exemple, maire d'une commune). Vogel voit rouge car il va devoir choisir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2017/09/le-choix-des-cumulards.html

 

     Il décide d'abandonner le poste de maire tout en restant conseiller municipal. Qui va lui succéder ? Il y a 2 candidats déclarés : Patrick Corbin et Marie-Laure Pléver (dont on reparlera) mais le sénateur n'en veut pas. Il s'arrange donc, par une manoeuvre dont il a le secret, pour les écarter et propose un professeur enseignant au collège local : Frédéric Barré dont il devient le "conseiller personnel" (mais si !). Celui qui passe pour un "homme de paille" ne fait pas l'unanimité puisqu'il n'obtient que 18 voix sur 27 ; il y a donc 4 élus de la majorité qui n'ont pas suivi le choix de Vogel. Cependant, pour bien montrer qui est le "chef", le journal municipal s'enrichit d'une "page" du sénateur et, en plus, d'une "page" du conseiller départemental venant en sus de l'éditorial du maire. Comment est-ce possible ? Le Tribunal Administratif n'ayant apparemment pas été saisi on n'en saura pas plus sur la légalité de cette innovation politicienne. 

 

     En 2020, Patrick Corbin tente de former une liste : sans succès. Marie-Laure Pléver argue de sa charge de travail pour ne pas se représenter. La gauche est incapable de présenter une liste malgré un ballon d'essai en 2019. Yvon renonce. Il n'y a donc qu'une seule liste dirigée par le maire sortant et comprenant l'inévitable Vogel. Celui-ci va triompher aux sénatoriales de 2020 en humiliant de Nicolaÿ. Tout baigne ! 

 

     On ne sait pas précisément ce qui s'est passé entre les deux hommes mais, une fois la crise du COVID passée, il apparaît de plus en plus nettement que Vogel joue le rôle de premier opposant au maire qui semble ne plus avoir trop envie de l'aide de son "conseiller personnel". La lecture du compte-rendu des séances du Conseil Municipal est particulièrement éclairante sur ce point. La crise culmine lors d'un conseil municipal tenu en décembre 2022 : https://actu.fr/pays-de-la-loire/bonnetable_72039/a-bonnetable-le-torchon-brule-entre-le-maire-frederic-barre-et-le-senateur-vogel_56111463.html. Épuisé par le harcèlement de son mentor, le maire décide donc de démissionner entraînant près de la moitié du C.M. dans le départ (en particulier, une adjointe, mise en cause publiquement par l'inévitable Vogel lors d'une dernières séances du CM). Le premier adjoint, devenu maire par intérim tiendra, quand même, un dernier conseil pour faire voter le budget ; à cette occasion une élue s'en prendra violemment à Jean-Pierre Vogel sans toutefois le nommer. 

 

     Jean-Pierre Vogel se retrouve, à nouveau, maître du jeu. Peu de temps après le départ de Barré, il annonce que la future liste est prête. Il avait tout prévu mais trop c'est trop ! Des Bonnétabliens, principalement de sensibilité de gauche, décident de se mobiliser contre ces pratiques très bassement politiciennes. Dès la première réunion, la liste est quasiment complète mais il faut, en un très court laps de temps, remplir les formalités administratives, rédiger et imprimer profession de foi et bulletins de vote, distribuer un tract, préparer une réunion publique... Pari réussi par la liste dirigée par Thierry Bottras, professeur de lycée, tout juste retraité, qui se nomme "Bonnétable Autrement" (voir : https://www.facebook.com/bonnetable.autrement)

 

     Quant à la liste de droite, on a deux surprises : en effet, si beaucoup de candidats sont d'anciens élus de 2014 ou de 2020, il y a une revenante - Marie-Laure Pléver, évincée en 2017, qui prend la tête - et un absent : Jean-Pierre Vogel. 

 

     On se perd en conjectures au sujet de cette configuration. Est-ce Vogel qui a fumé le calumet de la paix avec celle qu'il avait écartée. Est-ce la tête de liste qui a exigé que le sénateur ne soit pas candidat. Est-ce celui-ci qui a eu peur d'un vote anti-Vogel dévastateur ? 

 

     Le 14 mai, la liste Pléver soutenue par toute la droite départementale, l'emporte nettement avec 875 voix (près de 64% et 22 élus) contre 499 (un peu plus de 36% et 5 élus). Le 22 mai, elle est élue maire de Bonnétable. Le jour du conseil, Jean-Pierre Vogel était assis au premier rang des spectateurs. 

 

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  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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