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29 avril 2023 6 29 /04 /avril /2023 09:45

    L'Ukraine, dans ses frontières internationalement reconnues, a une superficie de 603 549 km². Ce pays est donc plus grand que le France métropolitaine. Il est donc logique qu'elle recouvre des régions fort différentes que ce soit par l'histoire, le milieu géographique, les cultures... On peut distinguer 4 grandes régions auxquelles j'en ajouterai quelques autres, nettement plus réduites mais qui ne sont pas sans intérêt pour comprendre les racines du conflit. Pour avoir une vue générale, se rapporter à : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/03/breve-histoire-de-l-ukraine.html et, surtout, à "Atlas des Peuples d'Europe Centrale" (de Jean et André Sellier) que j'ai déjà évoquée. 

 

     1° L'Ukraine occidentale.

 

     Il s'agit de la partie de la Pologne annexée par l'URSS en 1945. Elle a fait partie de la "République des deux Nations" de 1352 à 1772 soit pendant plus de 4 siècles (voir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2017/08/decouverte-de-l-ex-urss.html). Au moment du partage de la Pologne, la partie méridionale, nommée Galicie orientale, sera attribuée à l'Autriche puis à l'Autriche-Hongrie jusqu'en 1918. Une autre partie, la Volhynie, passera à la Russie dès 1772. La Galicie orientale et la Volhynie seront polonaises entre les deux guerres. La Galicie orientale n'a donc dépendu d'un État russe que de 1939 à 1941 et de 1945 à 1991 soit 48 ans seulement. 

     L'Ukraine occidentale, comme la Biélorussie, a toujours été peuplée majoritairement de "Ruthènes", c'est à dire de Slaves de tradition orthodoxes, ancêtres des Ukrainiens. Néanmoins, il y a eu, jusqu'à la seconde guerre mondiale, deux très importantes minorités : les Polonais, catholiques latins (au nombre de 3 millions entre les 2 guerres ; 35% de la populations), et les Juifs. Il faut y ajouter des germanophones arrivés surtout après 1772. Et surtout, les gréco-catholiques : il s'agit d'orthodoxes qui se sont rattachés à Rome (donc "catholiques") mais en gardant leurs traditions orthodoxes ou "byzantines" (donc le rite dit "grec") ; iles étaient majoritaires en Galicie orientale. 

     La principale ville de cette vaste région est Lviv (appelée, également, selon les langues, Lwow, Leopol, Lemberg, Lvov). Avant 1939, c'était une ville majoritairement polonaise (plus de 50% de catholiques) avec une très forte minorité juive (plus de 30%). 

     Pendant la seconde guerre mondiale, cette région comme les autres "confins polonais" (Biélorussie occidentale, sud-est de la Lithuanie) fut le lieu de massacres de masse perpétrées successivement ou concomitamment par les Soviétiques, les nationalistes ukrainiens et les Nazis. Des centaines de milliers de Juifs et plusieurs dizaines de milliers de Polonais disparurent. 

     Après 1945, la plupart des Polonais d'Ukraine occidentale, ayant échappé aux massacres et aux déportations, furent expulsés vers la Pologne où ils s'installèrent souvent dans les territoires occidentaux anciennement allemands d'où les Allemands avaient été chassés. Quant aux gréco-catholiques, ils furent rattachés de force à l'Église orthodoxe les obligeant à la clandestinité pendant des décennies. Dans cette région, l'opposition à la soviétisation se traduisit par des guérillas qui durèrent une bonne dizaine d'années entraînant des dizaines de milliers de morts et de déportés. 

 

2° L'Ukraine centrale. 

 

     C'est la région la plus vaste mais il est difficile d'en tracer la limite orientale et méridionale. Elle se situe entre le bas Dniestr et la rive gauche du Dniepr/Dnipro. Cette région a été dominée par les Lithuaniens puis l'État polono-lithuanien mais pendant une période souvent plus courte. C'est dans cette région que sont apparus les Cosaques, groupes de paysans ruthènes en révolte contre la République des 2 Nations. Finalement, ils tomberont dans l'orbite russe au XVIIIème siècle et seront utilisés comme troupe d'élite ainsi que comme paysans soldats installés dans les régions récemment conquises. 

     C'est dans cette région que se situe Kiev/Kyïv.  

     Cette ville, qui est la capitale de l'Ukraine indépendante, fut la capitale de la Rus', État créé par les Varègues, des Vikings, au milieu du IXème siècle. L'État kiévien se convertira à l'orthodoxie et, à son apogée, s'étendra de la mer Blanche à la mer Noire, formant le plus vaste pays d'Europe orientale. Il se désagrégera peu à peu en principautés avant d'être détruit par les invasions mongoles au XIIIème siècle. Néanmoins, peu après, une part importante des terres de la Rus' sera conquise par le Grand Duché de Lithuanie qui s'alliera ultérieurement avec la Pologne ("République des deux nations"). Les autres territoires passant à la principauté de Moscovie qui reprendra le nom de Rus' pour former la Russie avant de conquérir, au cours des siècles, les terres de l'ancien État kiévien. 

     L'Ukraine centrale est une très importante région céréalière grâce à un sol considéré comme le plus riche du monde : le tchernoziom (terre noire) et à un relief plan. Notons, cependant, que la zone des terres noires s'étend également en Russie, sur de vastes espaces au nord, ainsi qu'à l'est de l'Ukraine. Avant 1914, le territoire de l'Ukraine exportait de grandes quantités de blé. Il est donc stupéfiant que les plus riches régions agricoles d'URSS (et plus particulièrement celles d'Ukraine) furent touchées par une terrible famine au début des années 30 entraînant plusieurs millions de morts dans cette "République Soviétique" alors que la partie polonaise de l'Ukraine demeurait prospère ce qui prouve son caractère politique. Les Ukrainiens parlent désormais d'Holodomor et de génocide. 

     L'Ukraine centrale est, également, riche en fer (Krivoï Rog/Krivyï Rih) et en manganèse (Nikopol). De nombreux barrages ont été construits sur le Dniepr. 

   A la fin du XIXème, la population était très largement de langue ukrainienne ; on y trouvait, également des Juifs (mais en moindre proportion qu'à l'ouest), un certain pourcentage de Polonais (vers la frontière occidentale) et des Russes encore très minoritaires. Ceux-ci vont devenir de plus en plus nombreux à la fois pour combler des terribles pertes humaines et parce que le pouvoir se situe à Moscou. Par conséquent, les russophones représentaient, en 1991, une part significative de la population. 

 

3° L'Ukraine orientale. 

 

     Elle se confond grossièrement avec la vallée du Donetz, affluent du Don. Cette région n'a quasiment jamais appartenu à la Lituanie ou à la République des deux Nations. Les Cosaques du Don furent dans l'orbite de la Principauté de Moscou dès le XVIème siècle et disputèrent le territoire aux Tatars du khanat de Crimée dont je parlerai après. 

     On y trouve également des terres noires mais cette partie de l'Ukraine est surtout connue pour ses gisements de charbon dans le Donbass (= Bassin Houiller du Don). La grande ville de cette région est Kharkiv/Kharkov, se situe un peu à l'écart du Donbass mais ses industries y sont liées. 

     L'industrialisation autour du charbon (ainsi que du sel de Soledar) a fait venir une nombreuses main d'oeuvre de tout l'Empire puis de toute l'URSS ce qui a eu tendance à diluer la part des ukrainophones d'autant que la famine des années 30 a réduit encore le nombre de ceux-ci. Il semblerait qu'au moment de l'indépendance, les russophones (à ne pas confondre avec les Russes) y étaient majoritaires. Ce qui a servi de prétexte à Poutine pour y susciter une révolte qui sera armée par le pouvoir russe. On retrouve la méthode utilisée avec succès par Hitler - aux dépens de la Tchécoslovaquie et de la Pologne - et par l'actuel autocrate du Kremlin - en Géorgie et en Moldavie - qui consiste à soutenir des mouvements séparatistes dans des États voisins puis à intervenir militairement pour les "aider" avant de proclamer leur indépendance voire de les annexer (voir aussi : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2023/02/1-an-deja.html et tous les articles qui sont liés)

 

4° L'Ukraine méridionale. 

 

     Il s'agit des régions riveraines de la Mer Noire, entre le Don et le Danube. Elles furent très disputées au cours des siècles pour cette raison et, aussi, parce qu'il s'agit d'un couloir d'invasion qui ne fut, pendant longtemps, occupée que par des steppes semi-arides (steppe pontique) ou des zones marécageuses.

     Des cités grecques y furent créées dans l'Antiquité ; au Moyen-Age, les Gênois et les Vénitiens y installèrent des comptoirs. Néanmoins, l'intérieur était occupé par des peuples nomades. A partir du milieu du XIIIème siècle, ce sont les Tatars qui contrôlent ces territoires. Ceux-ci sont les descendants des Mongols qui ont submergé l'Europe orientale et centrale au XIIIème ; ils se sont métissés avec les peuples conquis ; ils parlent une langue proche du turc ; ils sont devenus musulmans. Le khanat des Tatars de Crimée (nettement plus vaste que la Crimée) sera de plus en plus affaibli sous les coups des princes de Moscovie (devenus Tsars de Russie) et se placera sous la suzeraineté des Ottomans. A la fin du XVIIIème, la Russie s'empare de tout le littoral et de la Crimée. 

     Les peuples musulmans sont chassés du littoral et remplacés par des colons allemands, grecs, bulgares, russes, ukrainiens, arméniens, juifs. Le grand port d'Odessa est construit à la fin du XVIIIème siècle à 30 km de l'estuaire du Dniestr. 

     Entre les deux guerres, le littoral de la Bessarabie (nommé Boudjak), appartiendra à la Roumanie avant de passer à l'URSS après 1945. 

     La Crimée est un cas un peu particulier : il s'agit d'une péninsule formée d'un plateau qui se relève au sud en dépassant plus de 1 500 m. dans une zone montagneuse qui domine la côte sud. Traditionnellement, l'intérieur était principalement occupé par des Tatars alors que la côte, au climat méditerranéen, avait été peuplée principalement par des Russes. Le pourcentage de ceux-ci va augmenter après la déportation en Asie centrale, par Staline, de tous les Tatars de Crimée pendant la guerre (des survivants et leurs descendants commenceront à revenir dans leur "pays" à la fin de l'ère soviétique). Plusieurs bases navales (en particulier Sébastopol) et des stations balnéaires (par exemple Yalta) ont rendu célèbre cette région. 

     Au sein de l'URSS, la Crimée faisait partie de la République de Russie bien qu'elle n'ait pas de liaison terrestre avec le reste de la Russie (elle en est séparée par l'étroit débouché de la mer d'Azov : isthme de Kertch). En 1954, elle est rattachée à l'Ukraine. En 1992, elle obtient un statut autonome au sein de l'Ukraine indépendante. En 2014, la Russie attaque la Crimée grâce à des commandos de forces spéciales puis annexe ce territoire après un simulacre de référendum. 

 

5° Les autres Ukraine. 

 

     - L'Ukraine subcarpatique a appartenu à la Hongrie pendant des siècles avant de devenir Tchécoslovaque entre les deux guerres puis annexée par l'URSS en 1945. Elle comporte encore une minorité hongroise mais la majorité de la population est "ruthène". 

     - La Bukovine du Nord a été prise à la Roumanie après la seconde guerre. Elle est devenue principalement ukrainophone avec une minorité roumanophone. 

     - Inversement, la Transnistrie a été détachée de l'Ukraine avant 1939 puis rattachée à la Moldavie après 1945. Cependant, elle est actuellement occupée par des soldats russes. 

     - A l'est de l'Ukraine, il existe une portion de territoire qui fut rattachée à l'Ukraine dans les années 1920 avant de devenir russe et d'être russifiée. 

     - Plus vaste, le Kouban, de l'autre côté de la mer d'Azov, avait été conquis par les Tsars et confié aux Cosaques ; nombre de Tcherkesses (ou Circassiens), peuple musulman occupant ce territoire jusqu'à cette date, durent s'exiler dans l'Empire ottoman. Après la guerre civile, les soviétiques entreprirent une campagne de "décosaquisation" qui, avec la "dékoulakisation" et la famine des années 1930, réduisirent considérablement la population de langue ukrainienne qui était majoritaire avant 1914. Le Kouban, de toute façon, ne fut jamais rattaché à l'Ukraine. 

     - Il existait, avant 1914, des fortes minorités ukrainiennes en Russie, au nord-est de la future République soviétique d'Ukraine. Cette région des "terres noires centrales" fut très éprouvée par la famine avec les conséquences que l'on sait sur le pourcentage d'ukrainophones. Par contre, pendant la période soviétique, beaucoup d'Ukrainiens vont s'installer - de gré ou de force - dans toutes les régions du pays. 

     - la nouvelle frontière entre l'Ukraine et la Pologne après 1945 a laissé une minorité "ukrainienne" dans ce dernier pays. J'ai écrit entre guillemets car c'est un peu plus compliqué. En effet, il y avait, principalement, 2 groupes. Dans l'extrême sud-est des Carpathes polonaises, se trouvaient des peuples montagnards d'origine finno-ougrienne (comme les Estoniens) appelés Lemkos et Bykos. Or, les nationalistes ukrainiens y maintenaient une guérilla ; le gouvernement communiste polonais décida "l'opération Vistule", c'est à dire la déportation de tous les habitants vers d'autres régions de Pologne ; à la place on a un parc national. Dans la plaine, c'étaient des Ukrainiens au sens étroit qui ont été dispersés ou largement polonisés. Bref : la minorité ukrainienne de Pologne est réduite mais des immigrés ukrainiens sont arrivés depuis 1991. 

     - Il existe une forte communauté ukrainienne ayant émigré, dès la fin du XIXème siècle, dans les provinces des "Prairies" au Canada où, avec d'autres immigrants, elle a submergé les autochtones (Premières Nations et Métis). Ils sont principalement originaires de l'ouest de l'Ukraine et majoritairement gréco-catholiques. 

 

     Il ne vous reste plus qu'à étudier les cartes !

     

 

 

 

 

    

 

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  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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