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11 avril 2023 2 11 /04 /avril /2023 15:21

     Les élections de juin 2022 ayant été annulées dans la 1ère circonscription de l'Ariège du fait du très faible écart de voix entre la candidate LREM, arrivée deuxième, et le candidat RN, arrivé troisième, des élections partielles étaient donc organisées les 26 mars et 2 avril 2023. Elles se sont traduites par la défaite de la députée sortante LFI -NUPES battue très nettement au second tour par la dissidente socialiste. 

 

     A gauche, beaucoup de voix ont dénoncé le soutien de la droite et du RN à la candidate socialiste dissidente. Ce qui est véridique mais c'est quand même plus complexe que cela. 

 

     Il faut, tout d'abord, préciser que ce département est un bastion du Parti Socialiste depuis des lustres. Traditionnellement, le sénateur est PS, les deux députés sont PS, le président du Conseil Départemental est PS ; idem pour les maires des principales villes. 

 

     En 2012, après la victoire de Hollande aux Présidentielles, la députée sortante PS avait remporté le siège dès le premier tour. Le candidat de la droite "classique" était relégué à moins de 16% soit trois fois moins. Le FN et le Front de gauche se disputaient la troisième place autour de 11%. EE-LV dépassait les 5% d'assez peu. Quant au MODEM, il n'atteignait pas 2%. La gauche dans son ensemble était à près de 70%. 

 

     Changement complet en 2017. En effet, après le quinquennat Hollande et le résultat très médiocre de Hamon à la Présidentielle, c'était la candidate soutenue par Mélenchon qui était en tête de la gauche mais avec 20,26 % seulement. La première place étant occupée par le macronien avec 31,35% alors que le PS perdait plus des 3/4 de son électorat en étant bloqué à 13,54%. Il faut dire qu'il y avait un candidat Divers gauche qui raflait 7,27%, privant peut-être le PS de la place au second tour. Quant au total de la gauche (en ajoutant les candidatures EE-LV , PCF et LO), il passait sous la barre des 50%. Par ailleurs, le candidat de la droite "classique" s'effondrait ce qui permettait au FN de progresser un peu en pourcentage (mais pas en voix). De toute évidence, une partie significative de l'électorat socialiste s'était portée sur le candidat du Président élu ; une autre partie étant passée à LFI ; 1/4 restant à la "vieille maison". Le match semblait mal engagé pour la gauche mais Bénédicte Taurine, faisait plus que doubler son nombre de voix. Elle avait récupéré la quasi totalité des voix LO, PCF, EE-LV et un bon pourcentage des voix PS et DVG du premier tour voire d'une partie des voix FN. Le candidat macronien était battu sur le fil avec 143 voix de différence. 

 

     En 2022, les accords au sommet entre LFI, PCF, EE-LV et PS prévoyaient un candidat unique en la personne de la députée sortante. Au premier tour, celle-ci gagnait un peu plus de 900 voix et passait nettement en tête avec 33,12%. Néanmoins, le PS local, soutenu par des "barons" de ce parti, présentait une candidate qui parvenait à augmenter le score socialiste de 2017 en atteignant 18,07%. La gauche dépassait, à nouveau les 50% des voix. La représentante du parti de Macron reculait donc nettement en perdant plus de 3 000 voix et en réussissant à dépasser le RN  de 8 voix seulement ; manifestement, une partie de l'électorat socialiste, tenté par Macron, était revenu au bercail. Le RN faisait un bond spectaculaire de plus de 2 600 voix malgré la concurrence d'un candidat zemmourien à plus de 1 000 voix. cependant, il faut signaler l'absence étonnante d'un quelconque candidat de la droite "classique" dont l'électorat s'est reporté massivement vers l'extrême-droite et accessoirement sur le "marcheur". 

 

     Le contexte de 2023 était assez différent. En effet, Macron n'a pas de majorité à l'Assemblée et ne peut compter que sur l'appui de députés LR ou sur le 49-3 pour faire passer ses projets. Et, surtout, la décision de faire passer l'âge de départ en retraite de 62 à 64 ans a suscité une forte mobilisation encadrée par une unité syndicale sans faille (ce qui ne s'était pas vu depuis très longtemps). Il était donc prévisible que la candidate du parti présidentiel perde des plumes. ce fut encore pire que prévu : elle perd plus de 3 900 voix et plus de 60% de son électorat de 2022 et plus des 3/4 de celles du "sommet" de 2017.

 

     Qui allait profiter de cette déroute ? La députée sortante espérait rempiler sans souci ; c'était sans compter sur le retour de la dissidente PS (Mme Froger) soutenue par tous les notables socialistes du département et de la Région, par Hollande et ses amis, et par le n° 1bis d'un parti coupé en 2 parties strictement égales. Résultat : la dissidente gagne 96 voix alors que Bénédicte Taurine perd plus de 3 500 voix mais reste à la première place du fait de la régression de la macronienne. Quant au RN, il demeure troisième ; paradoxe : il perd 842 voix mais gagne en pourcentage (de 19,94 à 24,78). Le candidat Reconquête recule nettement et on n'a pas de candidat de la droite "classique" mais un "sans étiquette" qui fait un bide. 

 

     Comment analyser l'évolution du rapport de force à gauche entre 2017 et 2023 ? Jean-Luc Mélenchon a, sans aucun doute, commis une lourde erreur d'appréciation. D'une part, en ne voyant pas que les opposants à la réforme des retraites sont très divers politiquement. Certes, beaucoup sont proches de la NUPES mais on trouve des déçus de Macron (singulièrement à la CFDT et autres syndicats dits "réformistes" voire des syndicats de droite) et des électeurs du Front National. Par ailleurs, les outrances de la jeune garde mélenchonistes et les dissensions internes de LFI - sans oublier la bataille des images au sujet des graves incidents de Sainte Soline - ont fait fuir des électeurs de Taurine en 2017 et 2020. Soit ils se sont abstenus, soit ils ont voté PS dissident. 

 

     Autrefois, le candidat de gauche arrivé en tête bénéficiait du désistement du candidat de gauche arrivé derrière. Cela n'a plus court : on ne compte plus les exemples de maintien au second tour de deux ou de deux listes candidats de gauche. On a l'exemple du Mans en 2020 et celui de la seconde circonscription de l'Ariège en 2022 mais on en trouverait facilement d'autres. La candidate dissidente s'est donc maintenue. 

 

     Ses partisans ne manquent pas de souffle en disant que sa candidature a évité que le RN soit présent au second tour car en récupérant la deuxième place et en se maintenant, ils jouaient sur du velours pour le second tour. A contrario, si le candidat lepéniste avait été qualifié, la candidate LFI/NUPES aurait sauvé son siège. 

 

     Bénédicte Taurine n'avait aucune réserve de voix pour le second tour hormis celles de L.O. fort modestes. Habituellement, le candidat le plus à gauche récupère 20% du vote RN ; pour cette fois-ci, le report fut plus limité (pas plus de 15%). Inversement, les électeurs de Renaissance n'allaient pas laisser passer l'occasion de mettre à terre la candidate de Mélenchon : ils ont voté pour Froger comme un seul homme. Ils ont été rejoints par les électeurs de Zemmour et, sans aucun doute, par une bonne partie de ceux du sans étiquette. Cela suffisait pour détrôner la sortante mais, fait inédit (c'est inédit car si le report des électeurs RN est généralement de 50% pour la droite, il s'agissait ici d'une candidate censée être de gauche), la moitié des électeurs du R.N. a voté socialiste, transformant la défaite de Bénédicte Taurine en déroute. En effet, elle ne gagne que 998 voix entre les deux tours alors que Froger en gagne 6 016. Comme si le "Front Républicain" constitué, autrefois, pour contrer le FN/RN s'était transformé en un "Front de l'ordre" pour contrer la LFI et ses alliés, qui, eux, sont "diabolisés". Si digues il y a, c'est désormais contre un autre "danger".

 

     On peut tirer quelques leçons de cet épisode tout en nuançant du fait de la situation locale particulière où, en définitive, le PS local n'a fait que refermer une parenthèse qui lui était insupportable. Primo : Macron ne peut pas dissoudre car il perdrait au moins la moitié de ses députés. Secundo : le RN/FN est totalement "dédiabolisé" ; il apparaît désormais comme une droite populaire fort classique (voir : https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/06/legislatives-2022-en-sarthe.html et https://gerard-fretelliere.over-blog.com/2022/06/legislatives-2022-dans-la-4eme-circonscription.html. Tertio et inversement, la coalition de gauche sous domination mélenchoniste est dans une mauvaise passe. Elle doit revenir au centre du jeu en disputant l'électorat populaire de province aux lepénistes et en séduisant les déçus du macronisme. Pour le moment, c'est l'échec sur ces deux enjeux. Pourtant, il y a urgence ! 

 

   Pour tout savoir sur l'évolution électorale de la circonscription, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_circonscription_de_l%27Ari%C3%A8ge

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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