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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 10:41

     J'ai rédigé un article sur le sujet pour "Rouge et Vert", le journal des Alternatifs. La "commande" était la suivante : "pas plus de 5 000 signes". Cette contrainte a eu comme conséquence que certains passages sont peu développés. J'ai donc décidé de publier le texte pour les lecteurs de mon blog mais en y ajoutant les compléments nécessaires. En particulier dans la conclusion.

 

     25%. Le résultat du Front National aux élections européennes 2014 est impressionnant. Plus de 4,7 millions de citoyens ont voté pour ses listes, pulvérisant le score (très mauvais cependant) de 2009. Certes, les listes "Bleu Marine" obtiennent moins de voix que Marine Le Pen à la présidentielle mais le pourcentage déjà exceptionnel de 2012 est nettement dépassé.

     En tout état de cause, le F.N. dépasse largement ses précédents records : 2,21M. et 10,95% en 1984 ou 11,75% mais 2,13 M. en 1989. On peut toujours croire qu'il y aura un reflux (le F.N. ne faisait que 9,81% en 2004 alors que J. M. Le Pen était qualifié pour le deuxième tour de la présidentielle deux ans auparavant) mais c'est peu probable dans l'immédiat car le F.N. enfile les succès électoraux depuis les cantonales d'il y a 3 ans.

 

     La carte du vote F.N.

 

     Si on reprend les 7 circonscriptions des européennes, on remarque que c'est dans le Nord-Ouest (là où Marine Le Pen était tête de liste) que le F.N. est le plus puissant avec 1/3 des voix et une pointe à près de 40% dans l'Aisne. Puis vient l'Est avec une pointe de plus de 31% en Champagne-Ardennes. Enfin le S.E. (celle du père) : ce n'est plus le seul bastion du F.N. comme auparavant mais le F.N. obtient encore 33% en PACA.

     Première constatation : cette carte recoupe largement celle de la France industrielle (à l'est d'une ligne Le Havre - Marseille) jusqu'à la fin des années 1960. Désormais, c'est la France de la désindustrialisation, du chômage le plus élevé et du plus fort pourcentage d'allocataires du RSA. On remarquera une exception spectaculaire : l'Ile de France où le F.N. "ne" fait que 17% et des zones moins "contaminées" : Rhône-Alpes et Alsace. Zones qui - pour des raisons diverses - ont mieux tenu le choc ou bien qui marquent un reflux relatif du vote FN.

     Le site de Laurent de Boissieu (http://www.france-politique.fr) fournit les cartes montrant les zones de forces et de faiblesses des divers candidats ou listes aux principales élections. On est frappé par la progression spectaculaire du F.N. dans le 1/4 N - N. E. du pays depuis 20 ans alors qu'à la fin des années 80, le FN était surtout implanté en "Alsace-Moselle".  Pendant longtemps, l'Ouest et le Centre- Sud du pays étaient largement épargnés. Ce n'est plus le cas : il y a une "nationalisation " du score F.N. Dans les Pays de le Loire, la liste F.N. progresse de 778% en 5 ans.

     À l'échelle locale, on est frappé par un autre phénomène : le score F.N. augmente au fur et à mesure que l'on s'éloigne des centres vers les périphéries. Le premier exemple est donné en Ile de France : 9% à Paris mais 20% en Seine Saint Denis et 27,88% en Seine et Marne. L'autre est celui de la Sarthe : 16,25 % au Mans (mais nettement plus dans les quartiers populaires) et plus de 40% dans des communes rurales éloignées de tout ; y compris des axes de circulation importants. Second constat : le vote F.N. est un vote de ceux qui subissent la "relégation" géographique.

 

     Qui sont les électeurs du F.N. ?

 

     À qui a-t-il pris des voix ? Un élément de réponse est donné par le fait que c'est la troisième fois que les "nationalistes" ou "eurosceptiques" de droite dépassent les 25% aux européennes, après 1994 et 1999. La nouveauté, c'est que le F.N. empoche seul la mise en ne laissant que peu de place à DLR qui double cependant son score. Cette captation du vote de Villiers est spectaculaire en Pays de Loire.

     Si on compare avec 2009, trois partis ont subi de lourdes pertes : l'UMP, EE-LV et le NPA. Comme les autres ont moins perdu ou un peu progressé, la tentation est grande d'imaginer que leurs électeurs déçus sont allés voir au F.N. Ce n'est, évidemment, pas si simple car il y a eu sans doute de nombreux glissements. Par ailleurs, on peut supposer que l'électorat F.N. s'est plus mobilisé que les autres. Néanmoins, on aurait tort de se rassurer à bon compte : le F.N. séduit de plus en plus d'électeurs qui votaient antérieurement à gauche.

     Quant à la sociologie des électeurs F.N. les réponses sont cruelles : il s'agit d'un électorat populaire (ouvriers et employés), jeune et souvent précaire. Ils habitent parfois en HLM mais, le plus souvent, ils ont fait construire, soit dans les quartiers populaires soit dans des lotissements situés à 10 km d'une petite ville où ils travaillent. Ils ne sont pas misérables mais ont du mal à finir le mois avec le poids des emprunts et l'augmentation du prix de l'essence. Ils sont éloignés des services publics qui, de toute façon, se dégradent... Une analyse plus poussée se trouve dans un article remarquable publié par un membre d'EE-LV sur son blog : http://oursvert.com/2014/05/30/desintegration.

     Conclusion : le vote F.N. est un vote de rancoeur (ceux qui sont découragés s'abstiennent).

 

     Face au F.N.

 

     "Victoire du fascisme" selon Michaël Löwy, intellectuel franco-brésilien, proche du NPA (et qui a commis, avec Besancenot, un livre sur Guevara que l'on peut oublier), ou "vote de classe dévoyé", selon Denis Sieffert, directeur de Politis ? Ni l'un ni l'autre !

     Certes, le FN est un parti d'extrême-droite comportant des éléments fascisants mais il ne "tient" pas la rue (heureusement !). Certes, par ailleurs, le vote FN attire de plus en plus les couches populaires et de moins en moins les bourgeois réactionnaires mais pour qu'il y ait vote de classe, il faudrait qu'il y ait conscience de classe parmi ceux qui votent F.N. ; or, c'est tout le contraire (et le problème).

     Il est frappant de constater que le F.N. obtient des résultats spectaculaires alors qu'il a un réseau militant souvent fort lacunaire. Ce qui montre que ce sont les médias qui "font" le vote F.N. Volontairement ou pas. 

     Rejet de la classe politique, hostilité" à l'Union Européenne à coup sûr. Et un succès personnel pour celle que l'on n'appelle plus que "Marine" (comme on disait autrefois "Arlette") qui apparaît de plus en plus comme "la petite mère du peuple" ou " le sauveur suprême ".

 

 Post scriptum : une analyse fort intéresante bien que sur un site de droite http://www.atlantico.fr/decryptage/9-erreurs-analyse-plus-courantes-fn-christophe-bouillaud-1021253.html/page/0/2.

ET je rappelle l'article publié en 2011 :  Après les cantonales de 2011)

 

 

 

 

 

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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