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14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 06:38
Nouvelle étude sur la pauvreté à Sablé

     L'INSEE vient de publier une étude sur le niveau de vie des habitants dans 22 villes moyennes de la Région Pays de la Loire (INSEE Analyses Pays de la Loire n° 72 - 11 avril 2019). Aussitôt, la presse locale s'est emparée du sujet car il apparaît que Sablé se situe à la seconde place de la Région en ce qui concerne le taux de pauvreté.

 

     Je vous épargne la façon dont est calculé cet indice qui, pour l'essentiel, repose sur les déclarations des foyers fiscaux et diverses enquêtes (voir http://file:///C:/Users/G%C3%A9rard/Downloads/Insee-En-Bref-pauvrete.pdf.). Ce taux est actuellement fixé à 1015 euros par mois. On écrit souvent "par individu" ce qui est faux car tout le monde ne compte pas pour 1 selon sa place dans la famille (c'est, d'ailleurs, un peu la même chose - mutatis mutandis- pour les "parts" de l'impôt sur le revenu ou le quotient familial). En fait, on calcule le revenu disponible du "ménage" (ce mot correspond au nombre de personne vivant dans le même logement ; il peut n'y avoir qu'une personne dans le ménage) et on divise par le nombre d'unités de consommation (le premier adulte compte pour 1 , le second adulte pour 0,5 ainsi que les enfants de plus de 14 ans, les enfants de moins de 14 ans comptent pour 0,3). Exemple : une famille avec 2 parents et 4 enfants dont 2 de moins de 14 ans et 2 de plus de 14 ans. Le nombre d'unités de consommation est de 3,1. Si le revenu disponible (salaires, retraites, revenus du patrimoine, prestations sociales - impôts) est inférieur à 3145 euros par mois, le ménage est pauvre.  

 

     Il faut toujours utiliser les statistiques avec précaution : d'une part, elles doivent être comprises en fonction de leur mode de calcul ; d'autre part, il faut prendre en compte les sous déclarations ; enfin, à revenu égal, la situation sociale peut être très différente.

 

     Revenons à l'étude de l'INSEE.

 

     On remarquera que les 3 villes de la Sarthe se situent parmi les 11 plus pauvres (Sablé 2ème, La Flèche 5ème, La Ferté Bernard 11ème). Inversement, les 8 villes où le taux de pauvreté est le plus faible se situent toutes en Vendée ou en Loire-Atlantique. Cependant, si on regarde le niveau de vie moyen (la médiane), c'est un peu différent mais la tendance est la même. Ce qui montre, déjà, que le niveau de vie moyen en Sarthe est plus faible que dans les autres départements de la Région. D'ailleurs, le taux de pauvreté de Sablé se situe tout juste au-dessus de la moyenne française car celui des Pays de la Loire est nettement en dessous.

 

     Secundo, il faut noter que Sablé est une ville très industrielle (la part de l'industrie dans les emplois de la commune de Sablé est de 55% contre moins de 20% dans les Pays de la Loire) et donc ouvrière avec des emplois souvent peu qualifiés donc des salaires plus bas donc un revenu plus faible. Par ailleurs, il y a sans doute plus de personnes ayant un emploi intérimaire ou en CDD donc plus instable avec des périodes sans revenus alors même que le chômage n'est pas plus fort qu'ailleurs (voire plus faible). Or, une autre caractéristique de Sablé est qu'il y a un fort pourcentage de logements sociaux donc réservés aux personnes ayant de faibles revenus. Donc le pourcentage de personnes à revenu modeste est plus élevé de ce fait même.

 

     Attention : l'enquête ne cible que la commune de Sablé. Or, il est fréquent que les couples s'installent en dehors de Sablé dans une maison individuelle lorsqu'ils en ont les moyens, en particulier avec un emploi plus stable (type CDI) pour au moins l'un des membres du foyer. Phénomène qui n'est pas propre à Sablé d'ailleurs et qui se manifeste par le fait que les communes au centre d'une agglomération ont souvent un revenu médian plus faible que celles de la périphérie où ont poussé les lotissements. Cette évolution explique, en partie qu'il y a un pourcentage plus élevé de logements vides (10% en 2015 soit environ 650) alors que sur la côte Atlantique ce pourcentage est très faible.

 

     Tertio : il faut prendre en compte aussi le pourcentage plus élevé d'étrangers primo-arrivants qui ne peuvent pas travailler ou qui ne trouvent pas d'emplois stables.Ce pourcentage est plus élevé à Sablé qu'à Château Gontier ou La Flèche. Il est lié à l'existence à la fois d'une gare bien desservie et d'un très gros employeur.

 

     Enfin, le pourcentage plus élevé de familles monoparentales. Ce qui a une double conséquence : la plus grande probabilité de n'avoir qu'un emploi à temps partiel ou pas d'emploi du tout et donc, de dépendre plus des prestations sociales alors que les allocations familiales ne sont pas très élevées (ceux qui prétendent que les pauvres font des enfants pour toucher les "allocs" sont des imbéciles).

 

     Certains commentateurs évoquent le fait que les cadres ne s'installent pas à Sablé ce qui expliquerait le fort pourcentage de "pauvres". Il faut nuancer. D'une part, les besoins en cadres bien payés sont plus faibles en pourcentage qu'ailleurs du fait de la structure de l'emploi. D'autre part, en période d'instabilité d'emploi, beaucoup préfèrent habiter au Mans ou à Angers. Enfin, les cadres souhaitent  vivre soit à la campagne donc hors de la ville centre soit  dans une grande ville. On remarquera que ce sont toutes les villes moyennes de ce type qui voient se développer le même phénomène.

 

     Bref : ce n'est pas un scoop car ce phénomène dure depuis des années et est lié à la structure de l'emploi. A ce sujet, on relira, avec intérêt,  l'étude de la DREAL des Pays de la Loire, parue au début du XXIème (les statistiques sont celles de 1999) qui montre très bien que la situation était la même il y a 20 ans (alors même que l'étude concernait l'aire urbaine ; sans doute la Communauté de Communes). On y voyait que, parmi les 50 premières "aires urbaines" de l'Ouest, Sablé se situait en tête pour le pourcentage d'ouvriers dans le population active (46,9% contre une moyenne de 31,4%) mais au dernier ou avant dernier rang pour le pourcentage de cadres et professions intellectuelles supérieures (4,9% contre une moyenne de 8,5%), les professions intermédiaires (15,8% contre une moyenne de 20,4%) et les employés (22,5% contre une moyenne de 29,1%) et pour la part des 15 ans et plus diplômés bac +2 (et, inversement, dans les premiers rangs pour les 15 ans et + sans diplôme), etc... Voir : http://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_Sable-sur-Sarthe_cle7e8d45.pdf

 

     Comment faire évoluer la situation ? La première solution qui vient à l'esprit est d'augmenter les revenus des ménages donc augmenter les salaires ! Mais ça ne résout pas tout comme avec une baguette magique si tant est que les patrons accordent des augmentations conséquentes. Inversement, si les salaires plus élevés restaient à Sablé, le revenu médian serait plus fort et le taux de pauvreté baisserait. Se pose alors le problème de la diversification des emplois. Tentatives nombreuses dans le passé avec des résultats mitigés. Il faut donc s'efforcer de retenir les ménages à revenu plus élevé dans notre commune mais les lotissements disponibles ne courent pas les rues et - comme on l'a vu plus haut - ce n'est peut-être pas le seul élément. 

 

     Ceci étant, tout ce qui favorisera la mixité sociale et l'attractivité de la commune sera positif mais il ne faut pas s'attendre à ce que les choses changent rapidement.

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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