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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 20:22

     Depuis plusieurs semaines, la presse laisse  entendre que Israël serait sur le point de lancer une attaque pour détruire les usines nucléaires de l'Iran car ce dernier pays est censé menacer sa sécurité. 

     Cette vision des choses - un petit pays pacifiste menacé par une tyrannie islamiste - ne résiste pas à l'examen des faits.

 

     UN FAIT VOLONTAIREMENT OCCULTÉ : ISRAEL EST UNE PUISSANCE NUCLÉAIRE


     Ce n'est pas nouveau même si le fait n'a jamais été reconnu officiellement par le gouvernement israëlien. La révélation  date de 1986 et émane de Mordechai Vanunu, un scientifique israëlien ayant travaillé au centre secret de Dimona (il fut ensuite kidnappé à Rome par les agents israëliens, jugé et condamné à une lourde peine de prison).

     Israël est la sixième puissance nucléaire du monde pour la date de mise au point de la bombe (dans les années 60) et pour le nombre d'armes atomiques (évaluées entre 80 et 200). Ce pays possède toute la panoplie des armes nucléaires - et pas seulement une bombinette - sans compter toute une variété de vecteurs (avions, sous marins, fusées). De nombreux pays l'ont aidé dans sa tâche dont la France.

     La puissance atomique de cet État est donc supérieure à celle de la Corée du Nord et à celle dont pourrait un jour disposer l'Iran. Néanmoins, jamais le moindre inspecteur de l'AIEA n'a mis son nez dans les installations nucléaires israëliennes car ce pays n'adhère pas au TNP.

    Israël bénéficie donc d'un "droit" à l'arme atomique qui est dénié à nombre d'autres pays. Les "occidentaux" de façon explicite et les autres 'grands" de façon implicite considèrent sans doute que ce pays ne possède l'arme atomique que pour la dissuasion. Ce qui n'est pas tout à fait vrai car, selon de nombreuses sources, les dirigeants du pays auraient été tentés de l'utiliser lorsque les armées syrienne et égyptienne se faisaient menaçantes en 1973.

 

     LA QUETE DE LA BOMBE DANS LES PAYS ARABES ET MUSULMANS.

 

     Remarque préalable : il ne faut pas confondre les deux termes. Ainsi, la population des pays arabes ne comprend pas que des musulmans. Avant 1948, il y avait dans tous ces pays, des minorités chrétiennes et juives qui existaient bien avant la naissance de la religion musulmane. Si la population juive hors Israël et Palestine a disparu quasi totalement, il reste encore des millions de chrétiens dans la région. Le nationalisme arabe apparu à la fin du XIXème, était aussi bien l'oeuvre de chrétiens que de musulmans.. A contrario, deux grands pays dont la population est à 99% de tradition musulmane (Turquie et Iran) sont habitées, en majorité, de populations de langues non arabes .Par ailleurs, l'antagonisme entre les musulmans chiites et les musulmans sunnites est particulièrement fort mais ne recoupe pas la dichotomie arabe/non arabe. Il ne faut donc pas considérer le Proche et le Moyen Orient (hors Israël) comme un bloc

 

     La création de l'État d'Israël s'est faite aux dépens de la population arabe de Palestine avec l'appui des États Unis, de la France, de l'URSS et de leurs satellites à l'ONU. Contrairement à une légende bien installée, les pays arabes voisins n'ont pas mis toutes leurs forces dans la bataille lors de la guerre qui suivit la proclamation unilatérale de l'indépendance d'Israël. Des accords secrets avec des régimes arabes voisins expliquent en partie ce manque de solidarité. Les Palestiniens furent donc vaincus et - pour la majorité d'entre eux - contraints à l'exil. L'Égypte et la Jordanie récupèrèrent ce qui restait de la Palestine.

     L'arrivée au pouvoir de Nasser en Égypte en 1954 va changer la donne. Les Arabes ont trouvé un dirigeant qui lance des réformes sociales et qui secoue la tutelle "occidentale". On ne parle plus que de "revanche". Pour parer à cette menace potentielle, Israël va lancer 2 guerres : en 1956 et 1967. Cette dernière lui permettant de s'agrandir aux dépens de l'Égypte, de la Syrie et de la Jordanie. D'autres guerres suivront,  déclenchées soit par les pays arabes (une fois : en 1973) soit par Israël (les 2 invasions du Liban). Israël évacuera le Sinaï et négociera avec l'OLP pour accorder une autonomie à la Cisjordanie et Gaza mais, dans le même temps, accroîtra considérablement les colonies en Cisjordanie (500 000 habitants aujourd'hui) ce qui rend de plus en plus illusoire la mise en place d'un véritable État palestinien.

     Face à cette humiliation originelle et à ces échecs répétés de renverser la situation, plusieurs stratégies ont été tentées par les Palestiniens et les pays arabes : terrorisme, soulèvement populaire, négociations, armement.... Ce qui frappe, c'est qu'il n'y a jamais eu d'action coordonnée de l'ensemble des pays et des peuples hostiles au "sionisme". Des pays "musulmans" comme la Turquie (dont il faut souligner qu'elle est membre de l'OTAN , l'aliance "atlantique") et, dans une moindre mesure, l'Iran du chah passent des accords avec Israël. D'autres sont minés par les conflits internes  : guerres civiles (aggravées par des interventions étrangères)  au Liban et au Yemen, révoltes des Kurdes de Turquie, Irak et Iran ou du Dhofar omanais... Et il y a des conflits entre pays voisins : l'Irak baasiste s'oppose au régime impérial du chah sans que ce conflit ne dégénère ; il en sera différemment avec l'arrivée de Khomeyni : la guerre qui dure de 1980 à 1988 fera sans doute 1 million de morts et ruinera les deux pays. Le surarmement des pays arabes est autant dicté par ces considérations que par la volonté de détruire l'État d'Israël.

     Plusieurs pays arabes ou musulmans ont été tentés d'acquérir la bombe atomique. La Libye de Kadhafi y a renoncé (mais son programme ne semble pas avoir été très avancé). L'Irak et l'Iran se sont intéressés au nucléaire dans les années 70 avec l'aide de ... la France.

     En effet, c'est la France qui, à partir de 1975, a aidé le régime de Saddam Hussein à construire le réacteur OSIRAK, détruit par Israël en 1981 et c'est toujours la France de Giscard qui, en 1974,  a introduit l'Iran du chah dans le capital d'EURODIF, usine d'enrichissement de l'uranium située à Tricastin. Il faut préciser qu'après la "Révolution Islamique" (dont le vainqueur fut Khomeyni, hébergé en France alors que la France était censée être l'alliée du chah !), le gouvernement français dénonça l'accord ce qui nous valut une vague d'attentats ou d'enlèvements très probablement téléguidée par l'iran.

     Par conséquent, la France a une responsabilité considérable dans la prolifération nucléaire dans la région. Et il faut une forte dose d'hypocrisie pour dénoncer aujourd'hui le programme nucléaire iranien.

     Ceci étant dit, on peut s'interroger sur le sens de ce programme dans le pays des mollahs. Il est étrange qu'un pays exportateur de pétrole ait participé au capital d'une usine d'enrichissement d'uranium, puis ait construit une centrale nucléaire (Bouchehr - avec l'aide de la Russie) si elle n'a pas d'ambitions militaires. On peut émettre l'hypothèse que l'Iran ne souhaite pas acquérir la bombe A tout de suite mais qu'elle se donne les moyens (en terme d'enrichissement) de la poséder au cas où.... (comme le Japon apparemment). Mais pour quoi en faire ?

 

     QUI MENACE QUI DANS LA RÉGION ?

 

     La République Islamique d'iran n'est pas un "modèle" politique pour les progressistes. Il s'agit d'une forme de théocratie où de nombreuses libertés sont bafouées, où les opposants sont pourchassés (les années Khomeyni ont été particulièrement sanguinaires), où les non-musulmans ou les femmes sont victimes de discriminations. C'est une variante chiite d'un régime intégriste musulman dont une version sunnite est donnée par l'Arabie Séoudite. Mais qui dénonce le régime politique de ce dernier pays ? Nous devons donc dénoncer le  régime politique "islamiste" de l'Iran comme tous les autres régimes ou gouvernements islamistes et, par voie de conséquence, soutenir les opposants démocrates. Mais rien ne justifie une intervention militaire de quelque nature qu'elle soit. "Personne n'aime les missionnaires armés" disait Robespierre en janvier 1792 (il changea d'avis ensuite !)

     Par contre, l'Iran n'est pas une puissance expansionniste. Certes, elle se veut la protectrice des chiites dans la monde et, sur cette base, elle soutient par tous les moyens - y compris militaires - le Hezbollah libanais ou les partis chiites d'Irak. Par ailleurs, la République Islamique n'hésite pas à organiser ou à sous traiter des attentats contre ses opposants exilés ou contre des pays avec lesquels elle est en désaccord. Mais, depuis 1979, l'iran n'a jamais attaqué un autre pays. L'occupation de 3 ilôts dans la Golfe Persique avait été réalisée en 1971, par le régime du chah.

     On ne peut pas en dire autant de la plupart des autres pays de la région sans parler des "grandes puissances". La Turquie a envahi une partie de Chypre en 1974 et continue de l'occuper. La Syrie est intervenue au Liban à l'occasion de la guerre civile et y a laissé des troupes pendant des décennies. L'Irak a attaqué l'Iran en 1980 puis le Koweit en 1990. L'URSS a envahi l'Afghanistan fin 1978. La Russie a favorisé l'invasion d'une partie de l'Azerbaidjan par l'Arménie puis a envahi deux territoires géorgiens. Israël a attaqué tous ses voisins à l'occasion de plusieurs guerres et occupe encore - outre les territoires palestiniens - une partie de la Syrie.

     Les États Unis sont intervenus en 1991 et 2003 contre l'Irak et en 2001 contre l'Afghanistan. A chaque fois, à la tête de coalitions comprenant toujours le Royaume Uni et, 2 fois sur 3, la France. Les Américains ont des troupes  dans quasiment tous les pays voisins de l'Iran (Irak, Turquie, Afghanistan, autres États arabes du Golfe + Kirghizistan). L'Iran est donc encerclé par les E.U. (et la France car notre pays possède une base dans un pays du Golfe et des troupes en Afghanistan). L'Iran est, par ailleurs, soumis à des mesures de "sanctions" plus ou moins sévères quasiment sans interruption depuis la "Révolution Islamique".

     Inversement, Israël bénéficie, depuis sa création, d'une aide américaine considérable. Bien plus importante que celle reçue par d'autres alliés ou satellites de la région.

 

     QUE VA-T-IL SE PASSER ?

 

     On peut être sûrs d'une chose : le gouvernement d'Israël (qui va de l'extrême droite jusqu'au parti travailiste en passant par la droite cléricale et la droite classique ; imaginons une coalition allant de Hollande à Le Pen n'excluant que Mélenchon et Bayrou !!!) se moque bien de ce que peut penser l'administration Obama. Au contraire, Netanyahou serait bien content que le président américain ne soit pas réélu et si sa politique pouvait faire gagner le Parti républicain en novembre, il gagnerait un soutien inconditionnel. Car, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les E.U. ont peu d'influence sur la politique israëlienne alors que les gouvernements israëliens successifs ont pu s'appuyer sur un puissant groupe de pression aux E.U. qui a la prétention de pouvoir faire et défaire les présidents. Seuls Eisenhower et Clinton ont tenté (et obtenu) d'infléchir la politique israëlienne.

    Il faut, par ailleurs, rappeler que la "guerre" contre l'Iran a déjà commencé : blocus économique, piratage informatique, assassinats de responsables du programme nucléaire...

     Néanmoins, Israël est tentée de rééditer le "coup" de la destruction d'OSIRAK. Ils possèdent les bombes capables de percer des mètres d'épaisseur de béton ou de roche. Ils ont suffisamment d'avions pour effectuer un raid. Ils pourraient, éventuellement,  avoir un problème de ravitaillement en vol. Et, évidemment, ils devraient violer l'espace aérien d'un ou plusieurs pays étrangers mais cela ne les a pas gênés en 1981 (ils sont passés par l'Arabie Séoudite). La seule chose qui peut les faire hésiter est la capacité de la défense anti aérienne iranienne.

     Et pourtant, qui peut imaginer que l'Iran puisse subir une agression sans réagir ? Attentats ciblés, lancement de missiles contre Israël,  manifestations ou émeutes dans de nombreux pays. blocage du détroit d'Ormuz.... Cette dernière menace n'inquiète pas les E.U. qui achètent leur pétrole ailleurs mais les pays d'Extrême Orient sont très dépendants. En tout état de cause, le prix de l'essence, déjà en hausse à cause des menaces de guerre, s'envolerait. Par conséquent, même si la "guerre éclair" était victorieuse, les suites risquent d'être dramatiques.

    

     UNE SEULE SOLUTION : DÉNUCLÉARISATION DE TOUTE LA RÉGION

 

      La dissuasion nucléaire est un leurre. Elle ne peut empêcher les révoltes populaires. Par contre, les conséquences d'une guerre nucléaire sont connues et inacceptables. Plutôt que de crier au loup contre l'éventualité d'une bombe iranienne en oubliant volontairement les bombes israëliennes, les diplomates seraient mieux inspirés de rechercher les moyens de pacifier la région : garanties données à l'Iran et à Israël pour leur sécurité, retrait d'Israël des territoires occupés et mise en place d'un véritable État palestinien, démantèlement des bases militaires étrangères, dénucléarisation du Proche et Moyen Orient prélude à la renonciation universelle à l'arme atomique.

 

     NI BOMBE ISRAELIENNE - NI BOMBE IRANIENNE : DENUCLEARISATION

 

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  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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