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16 août 2018 4 16 /08 /août /2018 14:23

     Dans l'article précédent ( http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2018/08/voyager-il-y-a-50-ans-3.html), j'ai évoqué la 4L et les Auberges de Jeunesse (A.J.). Développons un peu. 

 

     La 4 L (ou Renault 4) était une voiture très populaire dans les années 60 et 70 qui doit son nom au fait qu'elle a 4 chevaux fiscaux. Moins sommaire que la 2 CV Citroên, elle est tout aussi maniable mais plus rapide. Grande nouveauté : elle est équipée d'un hayon arrière ce qui permet de charger le coffre au maximum. 

 

     A l'époque, sur les routes, il n'y a pas de limitation de vitesse mais on ne craint pas trop l'excès avec ce véhicule qui ne peut dépasser le 120 km/h que dans les descentes. Il n'y a pas, non plus, de ceintures de sécurité et donc de limite du nombre de passagers, de restriction de la consommation d'alcool, d'airbag... Les véhicules sont plus fragiles. Tout cela explique que, malgré un parc automobile bien plus réduit qu'aujourd'hui, il y ait beaucoup plus de morts sur les routes (le maximum étant atteint en 1972 avec un peu plus de 18 000 morts contre moins de 3 500 en 2016). Ceci étant, posséder une automobile est un gage d'indépendance pour les jeunes qui, à l'époque, gagnent généralement leur vie avant 20 ans et qui commencent à voyager de plus en plus nombreux. 

 

     En 1969, j'achète ma voiture. Il s'agissait d'une AMI 8, une Citroën. Moteur un peu plus puissant que celui de la mythique 2 CV, allure très particulière. Je l'ai utilisée 2 fois dans les Alpes et ce ne fut pas de la tarte. En montée, il fallait rétrograder pour tourner dans les épingles à cheveux mais impossible de relancer la seconde : on montait tout en première. Par contre, ce véhicule avait un excellent comportement dans les descentes avalant les virages sans problèmes (y compris les 48 du Stelvio). Au bout de 3 ans, j'ai acheté un R 6 qui était une version améliorée de la 4 L. ; je l'ai gardée 9 ans en effectuant environ 10 000 km par an. 

 

     L'Auberge de Jeunesse est, à cette époque, le principal lieu d'hébergement pour les jeunes. La première A.J. a été créée en Allemagne par Richard Schirrmann, en 1911, près de Hambourg. L'idée est de permettre aux jeunes de tous pays et de toutes conditions de voyager en trouvant un hébergement bon marché tout en favorisant les rencontres. Tout un réseau se met en place dans ce pays et dans les pays voisins. La première A.J. française ne fut créée, en France  qu'en 1929 à Boissy la Rivière (Essonne) par Marc Sangnier. Celui-ci catholique de gauche (à l'époque, les 2 termes semblaient antinomiques) fut également le fondateur du Sillon puis de la Jeune République et un initiateur aussi bien de l'éducation populaire que de la réconciliation franco-allemande. Pour tout dire : un "grand bonhomme" ! Dans la foulée, se crée, en 1930, la Ligue Française pour les Auberges de Jeunesse affiliée à la fédération internationale. Parallèlement (ou concurremment !), est créée, en 1933, le Centre Laïque des Auberges de Jeunesse (je souligne le mot "laïque" car la LFAJ était considérée comme trop "catholique"). 

 

     Le Front Populaire, avec les congés payés, permet à de nombreux jeunes de partir en vacances pour la première fois. Léo Lagrange, secrétaire d'État, va favoriser le développement des A.J. qui vont connaître leur âge d'or de 1937 à 1939. Après la guerre, il y a un reflux et des dissensions internes. En 1956, toutes les associations fusionnent dans la Fédération Unifiée des Auberges de Jeunesse (F.U.A.J.) dont se détachera la L.F.A.J. en 1960. Après des tentatives d'entrisme de la part de certains groupes trotskystes (principalement les "lambertistes" - voir http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2017/11/lambertistes.html), la F.U.A.J. affirme sa neutralité politique. 

 

     A l'époque, pour dormir dans une A.J. il fallait tout d'abord posséder la carte d'adhérent. Celle-ci s'acquérait pour une somme modique, vite amortie si on utilisait plusieurs A.J. par an. D'autant que cette carte ouvrait les portes de la Fédération Internationale et de ses milliers d'A.J. dans le monde. La F.U.A.J. éditait un guide très précis des A.J. de France et d'autres guides pour les A.J. étrangères. Il fallait l'acheter tous les ans car il y avait des changements assez fréquents sans compter que certains pays ouvraient des A.J. temporaires l'été. Il fallait également se préparer à trouver des A.J. fermées. Il existait une limite d'âge assez basse (mais relevée progressivement), qui réservait ces A.J. aux jeunes.

 

     Les tarifs étaient, en général, très bas. Par exemple, en France il y a 50 ans, il y avait 3 catégories. L'A.J. la plus sommaire - on allait chercher la clé chez un voisin et on disposait seulement d'une paillasse mais pas toujours de l'électricité - coûtait 1 franc par nuit (15 centimes d'euros !!! mais, avant mai 1968, le salaire moyen des jeunes était de 500 à 1 000 francs par mois). La plus "luxueuse" montait à 3 francs. Dans d'autres pays, c'était parfois plus cher (mais, en 1976, année des J.O. de Montréal, les A.J. du Canada ne coûtaient qu'1 dollar - soit, environ moins de 70 centimes d'euros). Par ailleurs, il n'était pas rare de trouver des A.J. ouverte pour l'été dans des écoles.

 

     Il était nécessaire d'apporter son sac de couchage voire son duvet ainsi que ses serviettes... Par contre, non seulement on pouvait cuisiner quasiment partout mais il était fréquent que les A.J. proposent un repas à prix modique (très utile pour ceux qui se déplaçaient en vélo, avec les transports en commun voire en stop et ne pouvaient s'encombrer de nourriture). 

 

     Il y avait plus ou moins un esprit "ajiste". La personnalité centrale étant le "père aubergiste" (c'était toujours un homme) sorte de patriarche dévoué entièrement à sa tâche. Il fallait participer, ne serait-ce que de façon symbolique, aux tâches de fonctionnement, ce qui se faisait généralement dans la bonne humeur. Et respecter les horaires (fermeture de l'A.J. et extinction des feux à 22 h). Souvent, il y avait une heure de réveil assez précoce (à Milan, on était sorti du lit en fanfare par des airs de Verdi qui résonnaient dans tout l'établissement). Et puis, garçons et filles étaient séparés dans des dortoirs différents (on ne trouvait quasiment jamais de chambres individuelles ou pour les familles) mais se retrouvaient à la cuisine et dans la salle commune. Le fait que les ajistes avaient quasiment le même âge favorisait les échanges.

     

     Enfin, il était quasiment impossible de réserver (sauf pour les groupes). La règle était "premier arrivé, premier servi". Comme, en général, les A.J. ouvraient à 18h, il fallait "camper" devant le porte dès 17h. Si on arrivait dans une ville en début de journée, il y avait 2 solutions : soit visiter avec son sac à dos, soit le déposer dans une consigne (fréquentes à l'époque dans les gares routières et ferroviaires). Si l'A.J. était complète, on pouvait foncer vers une autre dans la même ville ou la même région : facile si on circulait en voiture, plus problématique si on se déplaçait en vélo ou avec les transports en commun. Ceci dit, je n'ai jamais dû dormir dans la rue lors de mes voyages (parfois à la belle étoile, en campagne, ou dans ma voiture).

 

     Entre 1967 et 1981 inclus, j'ai fréquenté environ 150 A.J. (soit au cours de déplacements soit pour des séjours à la montagne) et j'y ai fait de nombreuses rencontres enrichissantes. 

 

     Aujourd'hui, les Auberges de Jeunesse ont gardé une partie de leurs caractéristiques originelles mais le nom a été un peu galvaudé : un certain nombre d'A.J. sont des affaires commerciales. Plus de limites d'âge : on reste jeune à 70 ans passés. Plus besoin, en général, d'apporter son sac de couchage, on ne loge plus nécessairement en dortoir... L'ambiance est souvent plus froide (chacun chez soi) Et, surtout, les tarifs ont augmenté plus vite que l'inflation. En effet, le prix le plus bas, en France, est autour de 15 euros/jour/personne (parfois le petit déjeuner est inclus) soit 100 francs. A Dublin, les tarifs sont modulés selon le jour : on trouve une A.J. à 14 euros/personne/jour en semaine alors que le vendredi soir, il faut débourser, au minimum, 25 euros (et si on est obligé de réserver à la dernière minute, ça peut monter jusqu'à 33 euros au moins). Et on y rencontre plus souvent des plus de 25 ans. Mais cela reste encore la façon la plus économique de voyager sans se ruiner et nous continuons donc, encore, à les fréquenter.

 

     Ironie de l'histoire : je n'ai jamais dormi dans l'A.J. de Boissy la Rivière car quand je me suis présenté, il y a une bonne quarantaine d'années, au cours d'un long périple à vélo, elle était fermée pour une raison que j'ai oubliée. 

 

    

          

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Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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