Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 novembre 2017 5 17 /11 /novembre /2017 16:20
Après la mort de Dennis Banks

     L'histoire est écrite par les vainqueurs mais, aussi, par ceux, parmi les victimes, qui ont les moyens de se faire entendre. 

 

     Dennis Banks est mort récemment. Sa disparition a été annoncée dans les colonnes du "Monde". Et c'est en lisant la nécrologie qui lui a été consacré que l'on touche du doigt certains oublis. 

 

     Quand on emploie les mots "génocide", "ethnocide", "esclavage", "servage", "travail forcé", "déportation", "apartheid" et "ségrégation", "enlèvements d'enfants" et d'autres encore, on pense aux Juifs d'Europe, aux Arméniens, aux Noirs d'Afrique, puis aux Afro-Américains, aux "non blancs" d'Afrique du Sud, aux victimes d'Hitler ou de Staline, aux paysans du Moyen-Age ; à d'autres parfois. Mais pas aux premiers habitants de l'Amérique ou de l'Australie. Et pourtant !!! 

 

     Dennis Banks était né dans une "réserve". Ce terme désigne un lieu de relégation pour ceux que les colonisateurs appelaient les "indigènes". On vous prend votre terre et on vous laisse survivre dans un territoire restreint et sans ressource après avoir détruit toute la vie traditionnelle des premiers occupants. Il faut préciser que ces réserves ont pu être implantées loin, voire très loin, des zones d'habitat traditionnel : ce fut, par exemple, le cas des 5 "tribus civilisées" qui dans les années 1830, furent déportées du Sud Est des États-Unis jusqu'à un pseudo "Territoire Indien" en Oklahoma, situé à plus de 2000 km à l'ouest. Cette politique a été généralisée dans les "colonies de peuplement" où les Européens (et leurs descendants) avaient attiré des colons : Canada, États-Unis, Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Rhodésie du Nord, Kenya, Nouvelle Calédonie, Chili, Brésil, etc... On connait le cas de l'Afrique du Sud où les autorités racistes avaient créé de soit disant États indépendants où les "Noirs" vivaient misérablement (les "bantoustans") ; et, selon la théorie du "développement séparé", tous les "Noirs" étaient censés être citoyens de ces réserves ce qui permettait de dénier la nationalité sud-africaine aux "indigènes". Mais, ailleurs, c'était pareil : dans nombre de colonies de peuplement, les habitants des réserves n'ont obtenu le droit de vote qu'à l'indépendance ou après la seconde guerre mondiale voire plus tard encore. Et le débat en cours sur le collège électoral de Nouvelle Calédonie, qui laisse de côté un certain nombre d'autochtones, montre que le sujet est encore d'actualité. 

 

     Ces déportations furent précédées ou suivies par des massacres récurrents d'autochtones. Non seulement contre les récalcitrants qui s'obstinaient à vouloir rester chez eux mais, également, par volonté exterminatrice comme en témoignent les "chasses à l'Indien" qui ont réduit à néant nombre de tribus jusqu'à la fin du XIXème voire au XXème en Amérique du Nord et du Sud. Massacres et déportations ont été d'une telle ampleur qu'il ne restait plus que 100 000 "Indiens" aux États-Unis il y a un siècle. Un véritable "génocide"

 

     Mais cela ne suffisait pas à ceux qui prétendaient apporter la "civilisation". Il fallait éradiquer l'âme autochtone, liquider la culture de ces peuples. Les enfants furent alors les cibles principales (mais pas exclusives car nombre d'expressions culturelles des autochtones furent rapidement proscrites). Dans plusieurs pays, on arracha donc les jeunes à leur famille. Généralement pour les "éduquer" à l'européenne dans des pensionnats qui étaient de véritables prisons où furent perpétrés de nombreux sévices. Au Canada, cela a touché 150 000 "indigènes" ce qui est considérable (le dernier établissement a fermé en 1996 seulement). Ceux qui en sont sortis (au Canada, il y eut plus de 4 000 morts) étaient totalement déculturés mais toujours discriminés ce qui explique les nombreux problèmes (alcoolisme, drogue, délinquance...) auxquels ces générations ont été confrontés et Dennis Banks en est l'illustration comme tant d'autres aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle Calédonie... Il y eut pire : au Canada, des agents du gouvernement ont enlevé des enfants autochtones pour qu'ils soient adoptés par des familles "blanches" habitant parfois dans d'autres pays. Pour parfaire le "crime", on détruisait les actes de naissance. Ces "rafles" ont touché des milliers de jeunes jusque dans les années 1990. Ainsi, rien qu'en Ontario (la province la plus peuplée du Canada et celle qui regroupe le plus d'autochtones), il y aurait eu 16 000 victimes de ces rafles entre décembre 1965 et décembre 1984 ("La Presse" du 24/08/2016)

     La France ne fut pas indemne. Un téléfilm vu, il y a quelques temps, à la télévision, montrait comment des agents de l'administration enlevaient des enfants de l'île de la Réunion à leur famille pauvre pour les envoyer en France métropolitaine où ils étaient totalement déracinés et, parfois, maltraités. Et j'ai connu un "eurasien", métis d'un Français et d'une Vietnamienne qui, après avoir été abandonné par son père et placé dans un pensionnat, fut envoyé en France au début de la guerre du Vietnam. On lui donna alors une nouvelle identité, sans rapport avec la réalité, coupant toute racine. 

 

     Je m'étais intéressé à cet "ethnocide" après un séjour au Canada où j'avais traversé des "réserves" que j'avais évoquées dans un article. Un des journalistes autochtones a lu mon article et c'est ainsi que j'ai découvert l'ampleur du crime contre l'humanité perpétré en toute tranquillité et bonne conscience. Je vous signale donc plusieurs articles

http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/sixties-scoop/

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/805696/enfants-autochtones-vendus-rafle-autochtones-sixties-scoop

http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/pensionnats/

http://www.afn.ca/fr/secteurs-de-politique/pensionnats-indiens/

http://archives.radio-canada.ca/societe/education/dossiers/711/

http://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/commission-de-verite-et-reconciliation-du-canada/

https://pm.gc.ca/fra/nouvelles/2015/12/15/rapport-final-de-la-commission-de-verite-et-reconciliation-du-canada

https://www.canada.ca/fr/affaires-autochtones-nord/nouvelles/2017/10/entente_de_principeconcernantlarafledesannees1960.html

 

     Dennis Banks et quelques amis décidèrent de relever la tête. C'est ainsi qu'ils fondèrent l'A.I.M. (Américan Indian Movement) c'est à dire le Mouvement Indien Américain, en 1968 et multiplièrent les actions (http://nationsindiennes.over-blog.com/2015/08/american-indian-movement.html) La répression et des dissensions internes vont affaiblir ce mouvement mais celui-ci a redonné aux "Premières Nations" d'Amérique du Nord leur fierté et a suscité des vocations ailleurs, en particulier au Canada (voir http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2015/11/chroniques-canadiennes-10.html)

 

     Et pour terminer, rappelons que le plus ancien prisonnier politique du monde est un "autochtone", membre de l'A.I.M. : Leonard Peltier (emprisonné depuis 1976 soit depuis 41 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Leonard_Peltier

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
  • Contact

Recherche