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14 décembre 2016 3 14 /12 /décembre /2016 11:38
La fin du castrisme ?

     Le titre a une forme interrogative mais chacun connaît la réponse. Le castrisme est mort avec Fidel Castro. En 2006 quand le "Lider Maximo" a dû céder le pouvoir à son frère, c'était un mort en sursis. Désormais, il s'agit d'une mort clinique. 

 

     En janvier 1959 (c'était il y a presque 60 ans !) Fidel Castro rentrait à La Havane que Fulgencio Batista venait de fuir. Épilogue d'une lutte commencée en juillet 1953 avec l'attaque contre la caserne Moncada à Santiago de Cuba. Assaut qui fut un fiasco sanglant par lequel périrent des soldats aussi bien que de valeureux compagnons de Castro. Celui-ci échappa à l'exécution sommaire, subit un procès où il put prendre la parole, fut emprisonné pour quelques temps et s'exila au Mexique. La plaidoirie prononcée lors de ce procès servira de manifeste politique du castrisme. Castro avait eu de la chance - cette chance insolente qui lui permit d'échapper à toutes tentatives d'assassinat - et, surtout, la clémence dont il bénéficia montre que Batista ne semble pas l'avoir pris au sérieux. De ce point de vue, il y a une grande similitude avec la trajectoire d'Hitler après l'échec du putsch de Munich. Comparaison n'est pas raison évidemment !

 

     Castro et ce qui restait de ses partisans créèrent un Mouvement dit du 26 juillet (date du "fait d'arme" évoqué plus haut) avec toujours le même objectif : renverser Batista. Le mot "mouvement" montre bien qu'il s'agissait de privilégier l'action sur l'idéologie. Leurs motivations étaient simples : indépendance (vis à vis des États-Unis, qui considéraient l'île comme une quasi colonie), justice, liberté. Beaucoup de jeunes s'engagèrent sur ces bases, sans appartenir à un quelconque parti politique si ce n'est, pour certains comme Castro, un parti "bourgeois". Même s'ils n'en avaient sans doute jamais entendu parler, on ne peut qu'être frappé par la similitude avec le FLN algérien dont le programme ne sera élaboré que 2 ans après le début de l'insurrection. Autre point commun : le parti communiste local ne s'engagera que tardivement dans l'action.

 

     Castro et 81 compagnons débarquent, au sud de Cuba, en décembre 1956. Quelques temps après, ils ne sont plus que 16. Et, pourtant, il ne leur faudra que 2 ans pour chasser le dictateur. Comment expliquer ce miracle ? 

 

     Si on exclut l'idée que les "barbudos" étaient des surhommes, on doit retenir quelques causes plus réalistes.

     Tout d'abord, et encore une fois, les erreurs de Batista qui pensait que l'on ne pouvait pas survivre dans la Sierra Maestra où s'étaient installés les insurgés. Il attendra plus d'un an avant de lancer une véritable offensive mais son armée est mal commandée et peu motivée : ce sera un échec.

     Ensuite, le rôle décisif du "llano" (la plaine), c'est à dire des militants du 26 juillet dans les villes d'où ils ravitailleront en armes, nourriture et combattants les hommes de la "sierra" et où ils multiplieront grèves et insurrections.

     Puis une propagande habile auprès des petits paysans qui leur permettra d'obtenir leur soutien, tout particulièrement dans la zone où opèrent les guerilleros (ils sont donc comme des poissons dans l'eau à la différence de Guevara, plus tard, en Bolivie).

     Il ne faut pas oublier, également, la contribution de forces non "castristes" qui, elles aussi, mèneront la lutte armée dans les villes et une autre montagne (l'Escambray). Hormis les communistes, ouvriers de la 13ème heure, ils seront broyés ensuite par Castro.

     Enfin, ils ont bénéficié de l'aide du Costa Rica et de son président "Pepe" Figueres, socialiste et anticommuniste qui après avoir mené une insurrection victorieuse en 1948, leur livrera des armes.

     Quant aux États-Unis, ils se lasseront de Batista et prendront langue avec Castro, lui facilitant la victoire.

 

     Les révolutionnaires croiront avoir trouvé la solution pour prendre le pouvoir. Mais quand, dans d'autres pays d'Amérique Latine, des groupes de révolutionnaires, grisés par le succès des "castristes" déclencheront des guerillas, ils échoueront faute de prise en compte des réalités de leurs pays et oublieux du précepte que l'Histoire ne se répète jamais, sinon en farce ou en tragédie. Il faudra attendre 1979 pour qu'une insurrection ressemblant à celle de Cuba, prenne le pouvoir au Nicaragua.

 

     Revenons à Cuba et à 1959. Le prestige des révolutionnaires et de Castro est immense. La logique aurait été la suivante : constituer un gouvernement de large union démocratique afin d'appliquer de grandes réformes et de préparer des élections auxquelles ils auraient concouru et qu'ils auraient gagnées. Dans un premier temps, c'est ce qui se passe puis il y a dérapage : les "fidélistes" éliminent de façon plus ou moins brutale leurs partenaires (y compris nombre de révolutionnaires ; voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-castro-lui-est-toujours-vivant-122944758.html) et n'organisent pas d'élections libres. Ils se rapprochent des communistes avec qui ils créent un nouveau Parti Communiste Cubain qui est, de fait, un parti fondé sur l'allégeance à Castro. Quant aux réformes annoncées, elles ne sont réalisées qu'en partie. Si la grande propriété est abolie, les paysans sont frustrés de ne pas en profiter. Une politique sociale audacieuse est lancée qui amplifie celle qui avait été menée par une alliance antre les communistes et Batista (oui : Batista !)après 1940. Mais la démocratie ne sera jamais rétablie à la différence de la peine de mort. Enfin, si Cuba coupe les liens avec les E-U (et ceux-ci tentent d'étrangler Cuba), c'est pour tomber sous la dépendance de l'URSS : dépendance militaire puis économique et, enfin, alignement (jamais total cependant) sur Moscou à partir de 1968. 

 

     Je me perds en conjectures sur les raisons qui ont pu pousser Fidel à ne pas convoquer d'élections libres après la prise du pouvoir. Le "Mouvement du 26 juillet" et ses alliés y auraient obtenu une légitimité incontestable quitte à ce que des divergences politiques entre les révolutionnaires se fassent jour. La seule explication possible réside dans la personnalité de Castro. Comme nombre d'hommes politiques latino-américains, il ne croit pas à la démocratie. Il fait beaucoup plus confiance à ses exceptionnelles qualités d'orateur subjuguant la population qui voit en lui un "homme providentiel". En ce sens, il est un digne émule de Peron (et de son épouse Évita) et de nombre de  révolutionnaires (y compris d'origine militaire) dont le dernier avatar fut Chavéz. Mais, ce dernier et Peron organisèrent des élections de même que les Sandinistes. A ceci près aussi que Peron organisa les "descamisados" en un puissant mouvement syndical alors que les "campesinos" cubains rassemblés à La Havane au printemps 1959 restèrent atomisés. Enfin, le fait qu'il se fasse nommer "Lider (maximo)" aurait dû alerter car en d'autres langues, le même mot (tiré de l'anglais) se dit caudillo, vojd, conducator, duce (à ce sujet, on est frappé par l'extraordinaire similitude des mimiques dans les discours de Castro et de Mussolini) ou führer. Bref : pas un titre de démocrate. 

 

     Du fait du "péché originel" du castrisme, Cuba devint très vite une dictature. Dictature qui put, pendant plusieurs années, bénéficier d'un large appui populaire qui lui permit de mater sans pitié une guerilla dans l'Escambray (http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-saint-che-124697028.html)  ou un débarquement d'exilés. Dictature de plus en plus mal acceptée car ne procurant pas l'aisance matérielle à laquelle aspirait la population. Ce à quoi, Castro et ses thuriféraires répliquaient par la dénonciation de l'embargo américain en oubliant les erreurs monumentales commises dans le domaine économique. Mais il aura fallu utiliser une poigne de fer, laisser partir de temps à autre des mécontents et liquider une partie des cadres de l'armée trop sensible aux idées de Gorbatchev pour que le régime survive malgré tout. L'agonie du castrisme est longue. 

 

     Il y a une autre question sans réponse : elle est raciale. Quiconque se rend à Cuba se rend compte de l'importance des Noirs et mulâtres dans la population (Batista, par exemple, était un mulâtre et Castro a du sang noir dans les veines). Or, ceux-ci ont joué un rôle quasiment nul dans la vie politique de l'époque castriste. Que les Noirs et les Indiens aient été considérés pendant longtemps comme des citoyens de seconde zone dans toute l'Amérique latine n'excuse rien. D'autant que les choses ont changé ces dernières décennies : Chavez (métis) Lula (métis) ou Morales (Indien) en témoignent.

 

     Dans ces conditions, l'adulation dont a bénéficié Castro de la part de nombre de militants de gauche en Amérique Latine peut surprendre. On peut l'expliquer par le fait qu'il a vaincu une dictature ce qui n'est pas si fréquent, qu'il a tenu tête à l'impérialisme américain, qu'il a aidé nombre de mouvements révolutionnaires. La propagande a fait le reste. N'empêche ! Quand je suis allé au FSM de Belém en 2009, le mythe vivait encore ce qui fut, pour moi, un grand sujet de perplexité http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-quand-l-autogestion-s-invite-dans-le-debat-107194099.html. Quand on ne croît plus en Dieu il faut en inventer d'autres. Et pas seulement dans des contrées reculées !

 

 

 

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  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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